La Thaïlande légalise le mariage homosexuel, une première en Asie du Sud-Est
Les couples gays et lesbiens pourront enfin faire reconnaître officiellement leur union dans le pays. Les premières célébrations auront lieu à l’automne 2024, après la promulgation de la loi.
C’est une annonce sans précédent en Asie du Sud-Est. La Thaïlande est le premier pays de la région à légaliser le mariage gay et lesbien – après Taiwan qui l’avait autorisé en 2019 et le Népal en 2023. Il ne manque plus que la présentation du texte au roi Maha Vajiralongkorn pour parution dans la gazette royale, synonyme de promulgation. Depuis les Pays-Bas, Etat pionnier dans la célébration des unions homosexuelles en 2001, plus d’une trentaine de pays ont autorisé le mariage pour tous dans le monde.
En Thaïlande, la loi a presque été adoptée à l’unanimité, avec 130 sénateurs qui ont voté en faveur du texte. Seulement quatre politiques s’y sont opposés, et 18 se sont abstenus. Ce consensus est rare. Le royaume est divisé entre le bloc conservateur favorable à l’armée et au roi, et l’opposition progressiste soutenue par les jeunes générations. «Aujourd’hui, l’amour a gagné sur les préjugés», a réagi Plaifah Kyoka Shodladd, qui a pris part aux travaux d’élaboration de la loi. Début juin, l’activiste avait orné ses vêtements des couleurs du drapeau LGBT + et défilait dans le cortège de la Marche des fiertés de Bangkok, la capitale. Un événement qui existe depuis 1999 et qui était baptisé à l’origine «Bangkok Gay Festival».
«Victoire pour le peuple»
La légalisation du mariage pour tous n’est cependant pas une surprise. La communauté LGBT + bénéficie d’une large visibilité dans le pays : réputée pour sa tolérance, elle attire des touristes gays d’Etats voisins conservateurs. Mais l’instabilité chronique de la vie politique thaïlandaise, entre coups d’Etat et grandes contestations populaires, avait eu raison de précédentes tentatives de légalisation ces dernières années.
La nouvelle législation du mariage vise à modifier les références aux «hommes», «femmes», «maris» et «épouses» pour les remplacer par des termes non genrés, en l’occurrence «individus» et «partenaires de mariage». Elle doit aussi conférer aux couples homosexuels les mêmes droits qu’aux couples hétérosexuels en matière d’adoption ou d’héritage. Mais les activistes déplorent l’absence de reconnaissance des personnes transgenres ou non binaires, qui n’auront toujours pas le droit de faire modifier leur genre sur leurs documents d’identité.
Les réactions des défenseurs des droits LGBT sont néanmoins enthousiastes. «Nous faisons ça pour tout le monde. Si la société accorde des droits à chacun, c’est alors une société où on peut vivre», a déclaré Adisorn Juntrasook, qui a pris part aux travaux d’élaboration de la loi en tant qu’expert. Avant le vote, Tunyawaj Kamolwongwat, député du parti pro-démocratie Move Forward, avait salué «une victoire pour le peuple», qui redonne le «sourire» dans une période de turbulences politiques.
Période d’incertitudes
En dépit de l’unité affichée au Sénat, la Thaïlande traverse une période d’incertitudes en raison de procédures à la Cour constitutionnelle visant le Premier ministre du pays, Srettha Thavisin, et Move Forward, les deux principaux avocats politiques du mariage pour tous. Ce dernier risque d’être dissous et ses leaders bannis de la vie politique durant plusieurs années, pour avoir promis de réformer la loi de lèse-majesté durant la campagne des législatives de 2023 – loi qui punit de «trois à quinze ans de prison» quiconque «diffame, insulte ou menace» le roi, mais aussi la reine, le prince héritier, le régent, ainsi que, dans certains cas, les précédents monarques. Cette sanction, si elle se concrétisait, marquerait un recul de la démocratie, redoutent les groupes de défense des droits humains.
La Cour constitutionnelle, qui avait dissous en 2007 l’ancien parti de l’ex-Premier ministre thaïlandais Thaksin Shinawatra (centre), a par ailleurs indiqué mardi qu’elle allait se réunir à nouveau le 3 juillet pour discuter de l’affaire. Thaksin Shinawatra vient, lui, d’être libéré sous caution alors qu’il est justement accusé de lèse-majesté. Il est menacé de peines allant de trois à quinze ans d’emprisonnement.
Par Lucile Coppalle – Libération avec Agence France Presse – 18 juin 2024
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