Thaïlande : une nouvelle crise politique après la destitution du Premier ministre Srettha Thavisin
Ce mercredi 14 août, la justice thaïlandaise a destitué le Premier ministre Srettha Thavisin, accusé dans une affaire d’éthique, plongeant le pays dans un nouveau cycle d’instabilité.
« Je respecte la décision. Je répète que, pendant presque un an à ce poste, j’ai fait de mon mieux pour diriger le pays avec honnêteté », a réagi Srettha Thavisin aux journalistes, depuis le siège du gouvernement à Bangkok. En Thaïlande, beaucoup pensaient que le Premier ministre échapperait à la destitution. Lui-même s’était montré plutôt confiant et ne s’est pas présenté en personne devant la Cour constitutionnelle ce mercredi 14 août. Mais comme à son habitude, la politique thaïlandaise reste toujours imprévisible, rapporte Valentin Cebron, correspondant de RFI à Bangkok.
Les neuf juges de la Cour constitutionnelle, à cinq voix contre quatre, ont estimé que le Premier ministre avait enfreint la loi en nommant à son cabinet un avocat ayant fait de la prison pour corruption. Le dirigeant n’a pas « montré d’honnêteté » en nommant l’avocat Pichit Chuenban, condamné en 2008 à une peine d’emprisonnement dans une affaire de corruption, a déclaré le juge Punya Udchachon, lors de la lecture de la décision, en précisant que tous les membres de son gouvernement perdaient leurs fonctions par la même occasion.
Plongée dans l’inconnu
Moins d’un an après sa prise de fonction, le 30e Premier ministre de l’histoire de la Thaïlande doit donc prématurément quitter son poste, plongeant un peu plus le royaume dans une période d’instabilité politique. Son gouvernement est dissous et, en attendant la désignation de son successeur par le Parlement dans les prochains jours, c’est l’un des Premiers ministres adjoints qui doit le remplacer par intérim. Seuls les candidats au poste de Premier ministre lors des dernières législatives sont éligibles au poste de chef du gouvernement. Et parmi eux, deux anciens généraux à l’origine du dernier coup d’État militaire de 2014.
La deuxième économie d’Asie du Sud-Est, habituée aux crises cycliques, a une longue histoire d’instabilité et d’interventions de l’armée ou de la justice dans le système politique. Elle est aussi caractérisée par les profondes divisions entre le bloc militaro-royaliste et le mouvement progressiste.
La semaine dernière, la Cour constitutionnelle a dissous le principal parti d’opposition et banni pour dix ans son leader Pita Limjaroenrat, une décision contestée par les Nations unies et les groupes de défense des droits humains. La Constitution entrée en vigueur en 2017 indique qu’un ministre doit avoir une « intégrité évidente » et une attitude qui ne soit pas contraire à « des standards éthiques ».
Pour les analystes, ces deux décisions de justice coup sur coup rappellent que ce ne sont ni les urnes, ni le Parlement qui décident de la politique en Thaïlande, mais le pouvoir judiciaire, proche de l’establishment militaro-conservateur.
Par Valentin Cebron – Radio France Internationale – 14 août 2024
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