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Birmanie : la junte militaire a perdu sa légitimité, mais pas le pouvoir

Depuis des mois, les militaires birmans enchaînent débâcle sur débâcle dans leur lutte contre les différentes alliances ethniques armées qui contrôlent aujourd’hui plus de la moitié du territoire. Mais la junte, qui poursuit ses bombardements aveugles, bénéficie toujours du soutien de la Chine et de la Russie.

« La révolution vaincra ! » Dans un acte courageux de défiance à l’égard de la junte militaire birmane, des dizaines de milliers de Birmans de la ville de Mandalay ont suivi, mercredi 9 octobre, le cortège funèbre du célèbre « héros de la démocratie » Zaw Myint Maung, 72 ans, décédé d’une leucémie deux jours auparavant. Compagnon de route de la Prix Nobel de la paix Aung San Suu Kyi, cette figure de la résistance aux généraux birmans a galvanisé dans tout le pays l’opposition au général Min Aung Hlaing, auteur du coup d’État du 21 février 2021. Alors que la guerre civile fait rage, aucun signe d’apaisement ne se profile à l’horizon.

« La junte de plus en plus acculée »

« Jamais je n’aurais imaginé qu’une telle foule ose défiler pendant des heures jusqu’au cimetière en l’honneur du docteur Zaw », témoigne sur la messagerie cryptée Myo un journaliste basé à Mandalay, la seconde ville de Birmanie. « En dépit d’une forte présence militaire, hommes, femmes et même enfants ont scandé des slogans hostiles à la junte, ajoute-t-il, et cela prouve deux choses à mes yeux : le rejet des militaires est plus fort que jamais et les différentes offensives victorieuses des rebelles ethniques dans tout le pays montrent que la junte se sent de plus en plus acculée. »

De fait, la junte a perdu sa légitimité, mais pas le pouvoir. Depuis le coup d’État de 2021, l’armée birmane n’est pas parvenue à asseoir sa domination territoriale. Elle ne contrôlerait plus aujourd’hui qu’à peine la moitié du pays. Progressivement, les forces armées sont contraintes de se retrancher dans les grandes villes face aux offensives des différents groupes ethniques qui composent ce pays.

Des liens étroits avec la Chine

La dernière en date remonte au mois de septembre lorsque les combattants de l’Alliance démocratique nationale du Myanmar (MNDAA) ont pris possession de Lashio, ville stratégique du nord de l’État Shan près de la frontière chinoise, infligeant la pire défaite aux militaires depuis des décennies. Aujourd’hui, le groupe ethnique armé, qui entretient des liens étroits avec Pékin, va pouvoir exploiter les lucratives mines de plomb, d’argent et de zinc et exporter ces ressources vers la Chine. Laquelle reste également la première partenaire économique de la junte…

« En dépit de leurs nombreuses victoires sur le terrain, je ne vois pas aujourd’hui comment les guérillas ethniques pourraient renverser la junte militaire tant que la Chine et la Russie continuent à soutenir les généraux », assure un ancien conseiller économique européen du gouvernement civil d’Aung San Suu Kyi. Comme d’autres experts, il redoute que l’éclatement du pays en plusieurs entités ethniques défendant leur territoire et leurs ressources minières ne mène à une forme de balkanisation de la Birmanie, qui aura du mal à s’unifier à l’avenir si un régime démocratique revient au pouvoir.

Perspective quasi impossible à ce jour, en dépit des promesses de la junte d’organiser des élections en 2025. Dès leur prise de pouvoir en 2021 les militaires avaient promis de rendre le pouvoir aux civils, mais personne n’y croit, ni en Birmanie ni à l’étranger. Tous les efforts diplomatiques mis en œuvre depuis près de quatre ans n’ont pas réussi à ramener la paix. Réunis à Vientiane, au Laos, depuis le 8 octobre, les dirigeants des pays de l’Association des nations d’Asie du Sud-Est (Asean) (1), restent impuissants à relancer un processus de paix qu’ils avaient proposé à la junte dès avril 2021. Leur feuille de route est restée lettre morte.

(1) L’Association des Nations d’Asie du Sud-Est (Asean) regroupe dix États membres. Créée par l’Indonésie, la Malaisie, Singapour, la Thaïlande et les Philippines en 1967, elle a été rejointe par le Brunei en 1984, le Vietnam en 1995, le Laos et la Birmanie en 1997, et enfin le Cambodge en 1999.

Par Dorian Malovic – La Croix – 13 octobre 2024

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