Une société organisée de l’âge du bronze découverte lors de fouilles au nord du Vietnam
Les récentes fouilles sur le site archéologique de Vuon Chuoi, situé dans le district de Hoai Duc, à la périphérie de Hanoi, ont révélé des vestiges majeurs datant de l’âge du bronze, offrant des perspectives inédites sur la civilisation organisée qui a prospéré dans cette région il y a près de 3000 ans.
Les découvertes apportent des éléments nouveaux pour comprendre la gestion des espaces de vie, l’organisation sociale, ainsi que les pratiques culturelles et funéraires des communautés de l’époque.
Les récentes découvertes faites sur le site archéologique de Vuon Chuoi, à la périphérie de Hanoi, apportent un éclairage nouveau sur les premières sociétés du nord du Vietnam. Ce site, fouillé par l’Institut d’archéologie du Vietnam, révèle des vestiges datant de l’âge du bronze, principalement de la période pré-Dong Son, entre 2000 et 4000 ans avant notre ère.
Grâce à ces fouilles, il devient possible de mieux comprendre l’organisation sociale et les pratiques funéraires des habitants de cette région. Situé sur un point stratégique, le site montre des traces d’un village ancien bien structuré, ce qui témoigne d’une division avancée du travail. L’ampleur des découvertes, ainsi que les défis de leur préservation, souligne l’importance historique de Vuon Chuoi pour l’étude des civilisations anciennes du Vietnam.
Une société organisée autour de Vuon Chuoi au Vietnam
Les fouilles réalisées à Vuon Chuoi par l’Institut d’archéologie du Vietnam ont permis de mettre au jour un village datant de la période pré-Dong Son. Elles révèlent une société particulièrement organisée pour son époque. S’étendant sur une vaste superficie de 6 000 mètres carrés, ce site se situe au point le plus élevé de la région, un emplacement stratégique offrant à ses habitants une protection naturelle contre les dangers environnants.
En outre, ce village se voyait entouré d’un large fossé de protection mesurant 10 mètres de large et entre 2,5 et 3 mètres de profondeur. Ce qui suggère une attention particulière à la défense et à la sécurité de la communauté. Selon le Dr Nguyen Ngoc Quy, qui a dirigé les recherches, les habitants de l’époque avaient exploité habilement la topographie accidentée du terrain. En s’appuyant sur les zones naturellement surélevées et les dépressions, ils ont su organiser un espace résidentiel protégé.
Ces découvertes révèlent également une organisation sociale avancée, caractérisée par une division du travail sophistiquée. Les premières analyses montrent que la construction du village nécessitait une main-d’œuvre spécialisée et une gestion coordonnée des ressources. La preuve d’une société capable de s’adapter à des défis à la fois naturels et sociaux.
La présence d’un fossé de protection et la structuration des habitations autour de ce relief naturel indiquent une planification minutieuse. Cette communauté ne se contentait pas de survivre dans son environnement, mais cherchait activement à le maîtriser et à le transformer. Ce degré d’organisation et de coopération nécessaire s’est rarement observé dans des sociétés de cette époque.
Des sépultures révélatrices des pratiques culturelles
Les fouilles à Vuon Chuoi ont révélé une nécropole exceptionnelle contenant plus de 110 sépultures, réparties sur différentes périodes historiques. Notamment celles de la fin de la culture Phung Nguyen et de la période Dong Son. La culture Phung Nguyen se situe entre 2000 et 1500 av. J.-C.), caractérisée par des outils en pierre et des poteries. Quant à la période Dong Son (1000 av. J.-C. – Ier siècle), elle marque l’âge du bronze au Vietnam, avec des tambours et objets en bronze.
Le cimetière à Vuon Chuoi, à ciel ouvert, se montre particulièrement riche en informations sur les pratiques funéraires anciennes. Les restes humains découverts sont remarquablement bien conservés, permettant aux chercheurs de mener des études approfondies sur l’anthropologie, la génétique, mais aussi les modes de vie et l’alimentation des peuples anciens.
Ces sépultures se voient aussi marquées par des rites funéraires distincts selon les époques. Par exemple, dans les sépultures pré-Dong Son, les défunts se trouvaient souvent enterrés avec des objets précieux tels que des céramiques, des objets en bronze, ou encore des bracelets. Ceci traduit une culture matérielle où les biens funéraires symbolisaient probablement le statut social ou les croyances en une vie après la mort.
Des dynamiques sociales et une évolution culturelle
Ces découvertes ont aussi mis en lumière des pratiques culturelles surprenantes, comme l’extraction systématique des dents de devant des adultes dans certaines sépultures pré-Dong Son. Un rite qui semble avoir disparu à l’ère Dong Son. Nguyen Lan Cuong, secrétaire général de l’Association d’archéologie du Vietnam, a souligné l’importance de ces trouvailles pour mieux cerner l’évolution des pratiques funéraires au fil du temps.
Il a aussi mis en évidence le pillage récurrent des tombes, une pratique fréquente à travers les siècles. Elle a parfois fait disparaitre des objets funéraires de grande valeur. Malgré cela, les restes et les artefacts récupérés permettent d’appréhender les croyances et les structures sociales de ces communautés. En particulier le rôle central des rites funéraires dans la construction de l’identité collective et la perpétuation des traditions ancestrales.
Enfin, les découvertes effectuées à Vuon Chuoi revêtent une importance capitale pour l’étude des origines des groupes ethniques vietnamiens. Elles fournissent des preuves tangibles d’une présence humaine continue dans la région de Hanoi depuis plusieurs millénaires. Des perspectives nouvelles s’ouvrent concernant les dynamiques sociales, économiques et culturelles ayant façonné les premiers habitants du pays.
Des défis de préservation pour le Vietnam
Nonobstant l’ampleur des découvertes réalisées à Vuon Chuoi, la préservation de ce site archéologique reste un sujet de préoccupation urgent. Les vestiges demeurent en danger si des mesures de protection efficaces ne sont pas mises en place rapidement. Bien que les fouilles soient presque terminées, les efforts pour classer et conserver ces artefacts progressent de manière insatisfaisante.
Depuis 2019, des démarches administratives sont en cours pour inscrire une partie du site comme patrimoine national, mais seuls certains secteurs ont été officiellement répertoriés. Ce retard dans la reconnaissance de Vuon Chuoi, en comparaison avec d’autres sites comme Dong Dau qui a rapidement obtenu un statut de monument national spécial, reflète un manque d’urgence et une possible sous-estimation de l’importance de ce site. Le risque de dégradation, accéléré par les pressions de l’urbanisation, constitue une menace réelle pour la pérennité de ces découvertes.
Les chercheurs et les autorités locales s’accordent néanmoins sur l’importance d’accélérer le processus de protection de Vuon Chuoi. Le président du Comité populaire du district de Hoai Duc s’est engagé à travailler en étroite collaboration avec les scientifiques et les responsables culturels. Leur but est de finaliser les démarches administratives et mettre en place une stratégie de conservation efficace. Cette volonté de protéger le site s’accompagne d’une ambition plus large : valoriser Vuon Chuoi comme ressource culturelle et touristique. Cette double approche s’avère cruciale pour assurer l’avenir de Vuon Chuoi dans le paysage patrimonial du Vietnam.
Par Laurie Henry – Science & Vie – 23 octobre 2024
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