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Le Musée Barbier-Mueller révèle à Genève l’archéologie vietnamienne de Dong Son

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Découverte en 1924, cette culture axée sur le bronze a fait comprendre que le pays n’était pas, dans l’Antiquité, une simple périphérie de la Chine et de l’Inde.

On ignorait tout de cette culture il y a cent ans. Pour tout dire, le Vietnam apparaissait alors comme une zone-tampon entre la Chine et l’Inde. Autant dire une périphérie. Il aura fallu le hasard d’une inondation, en 1924, pour qu’apparaissent dans un village du Nord des tombes garnies de vases en bronze antiques. Le lieu, situé dans ce qui restait alors une colonie française, s’appelait Đông Sơn. Il allait donner son nom à une civilisation entière. Un peu comme La Tène, au bord du lac de Neuchâtel, pour les sites lacustres. Ou Villanova, près de Bologne, pour la préhistoire italienne. Là, on a simplifié un peu les choses. La localité se nomme en réalité Villanova di Castaneso.

Des fouilles ont ensuite été menées en Asie du Sud-Est. Plus ou moins officielles. Plus ou moins légales. De nombreux objets sont ainsi sortis il y a longtemps du pays, pour finir comme des curiosités en Occident. Les scientifiques ne s’intéressaient pas vraiment à eux. Il en subsiste du reste du reste quelque chose de tacite. Il suffit de se promener dans le Musée Guimet de Paris. Le visiteur se rend vite compte que la Chine, le Japon et le Cambodge (à cause d’Angkor) priment sur tout le reste. Si l’Inde se défend encore assez bien, le Vietnam ou la Corée font pâle figure. Ces deux nations semblent même absentes du Museum Rietberg de Zurich, dont je vais bientôt vous entretenir. Comme superflues! Et pourtant, le Rietberg…

Une passion tardive

Aujourd’hui, le Musée Barbier-Mueller de Genève propose une exposition entière sur l’«Art du Đông Sơn». Le rez-de-chaussée, plus la mezzanine. Il reflète ainsi ce qui fut l’une des dernières passions de Jean-Paul Barbier-Mueller. On sait que ce découvreur d’objets s’est beaucoup intéressé au début des années 2000 à l’archéologie. Des pièces de fouilles, si possible anti-classiques. Le collectionneur aimait découvrir ce que les autres n’avaient pas su remarquer. Il y a ainsi eu la production des steppes. Les statuettes de Bactriane. Les vases pré-dynastiques égyptiens. De nouveaux ensembles venaient se mettre de la sorte à côté de celui des «idoles» des Cyclades qui ornaient sa chambre. Il y aura donc en plus les bronzes du Đông Sơn.

Tout a commencé par accident, comme beaucoup de choses. C’était en 1955. Certaines petites graines mettent du temps à pousser. Dans une boutique parisienne en forme de bric-à-brac, l’homme (alors âgé de 25 ans) distingue un disque de bronze assez abîmé. Un objet sans intérêt, selon l’antiquaire, le lui donne du coup en prime d’un masque africain. Acheté, celui-là. L’objet traîne vingt ans jusqu’à ce qu’un amateur invité chez les Barbier-Mueller le remarque dans une réserve. Douglas Newton va lui dire, comme si c’était là une évidence, qu’il possédait le tympan d’un tambour Đông Sơn. Vu la méconnaissance de son hôte, il lui indique la littérature à consulter. Jean-Paul Barbier achète ensuite «par hasard» un tambour complet. Puis rien jusqu’aux années 1990. Il fait alors la connaissance d’une jeune femme vietnamienne qui, le hasard faisant bien les choses, vit à Genève. Elle lui cède des pièces héritées ou acquises autour du monde, gardant l’essentiel de ce fonds pour son fils. On a pu voir cet ensemble au Musée Baur. Superbe.

Un art présent jusqu’en Indonésie

Voilà. La bouture ayant enfin pris, Jean-Paul Barbier-Mueller a beaucoup acquis d’œuvres de cette civilisation intéressant toujours aussi peu les musées et les foules. Il a fini par en posséder une soixantaine de pièces. C’est peu et énorme à la fois. Hors du Vietnam qui conserve le produit de beaucoup de fouilles, surtout dans le Nord, il s’agit du groupe le plus important dans le monde. Il reflète à la fois la longévité de cette culture, qui dure huit siècles entre ses débuts vers – 400 et l’annexion finale par la Chine conquérante. Il Illustre aussi la diffusion du style Đông Sơn. Il ne faut en effet pas imaginer un art destiné aux seules cours locales. Les vases et les situles de bronze vietnamiennes ont essaimé du Cambodge à l’Indonésie, en passant par la Chine du Sud.

Le tout se voit aujourd’hui présenté avec l’élégance habituelle de l’institution privée. C’est ce qui s’appelle une mise en valeur. La lumière caresse les motifs estampés dans le moule qui servira à couleur la mince feuilles de bronze. Elle souligne les grelots de bracelets incroyablement étroits. Qui a au monde jamais pu enfiler cela? Des plots gainés du même tissu que les vitrines permettent d’échelonner les objets à la patine gris-vert. Il y a en effet les petits et les grands. Le plus spectaculaire reste une merveilleuse gourde à motifs abstraits, sans doute trouvée à Bornéo. S’ajoutent enfin les explications. Ni trop. Ni trop peu. Il s’agit d’accompagner le regard. Ceux qui voudront en savoir davantage pourront toujours lire le catalogue, plutôt léger, rédigé par Van Viet Nguyen et Pierre Baptiste. Le second parle des rapports avec la Chine. Il y a toujours des relations de voisinage difficiles…

Sans bavardage

La priorité se voit donc laissée aux objets eux-mêmes. Nous demeurons dans un musée d’art et non d’ethnographie. Les poignards, les plaques, les boucles de ceinture, les haches ou les divers récipients doivent parler d’eux-mêmes. Ils n’ont pas besoin de nos bavardages. L’admiration est une activité muette. Et nombre d’objets, dont il nous faut apprivoiser les formes souvent insolites au départ, sont bel et bien admirables.

Pratique

«Art du Đông Sơn», Musée Barbier-Mueller, 10, rue Calvin, Genève, jusqu’au 28 février 2022. Tél. 022 312 02 70, site www.barbier-mueller.ch Ouvert tous les jours de l’année, de 11h à 17h. Au sous-sol, une nouvelle salle se voit consacrée à l’Indonésie avec dix objets phares. Jean-Paul Barbier-Mueller aurait parlé de «fleurons».

Par Etienne Dumont – Bilan.ch – 10 octobre 2021

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