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Agent orange : l’ombre de la guerre – chapitre 2

Ce n’est donc qu’à la fin de l’année 1969 que la forte teneur en dioxine de l’agent orange sera révélée et admise. Dès l’année suivante, la Food and drug administration en interdit l’usage aux Etats-Unis. Quant au grand public, il commence à manifester son inquiétude et surtout son indignation.

Dans le cadre de ce dossier thématique sur l’Agent orange, Le Petit Journal souhaite offrir à son lectorat un aperçu aussi exhaustif sur l’aspect historique, politique, scientifique et médical. Retrouvez le premier épisode « Agent orange : l’ombre de la guerre – chapitre 1 ».

La guerre du Vietnam fait du reste l’objet d’une vague de contestation de plus en plus vive, aussi bien aux Etats-Unis où certains vétérans n’hésitent pas à laisser éclater leur amertume au grand jour, que dans le reste du monde.

Les épandages sont proscrits à partir d’avril 1970, aussi bien les épandages à usage agricole que les épandages à usage militaire. La circulation du produit est en outre interdite dans les deux sens, ce qui oblige les militaires américains à traiter le surplus soit par enfouissement, soit par destruction à l’explosif, soit par déversement dans des zones isolées.

En septembre 1971, l’interdiction est finalement levée et l’agent orange encore stocké au Vietnam est renvoyé aux Etats-Unis pour destruction par incinération à haute température. Il faudra néanmoins attendre 1978 pour que les derniers barils soient ainsi liquidés.

Des millions de litres d’agent orange déversés

30 avril 1975. Les soldats nord-vietnamiens s’emparent de Saïgon. Duong Van Minh, le dernier et éphémère président de cette « République du Vietnam » qu’Hanoï a toujours considérée comme une république fantoche, accepte la reddition. Il n’a du reste guère le choix : chef de l’Etat depuis quelques jours à peine, il n’a pas l’étoffe d’un chef. Quant aux rouages de l’Etat, ils ont cessé de fonctionner.

La guerre du Vietnam est donc finie. C’est le Nord qui l’a emporté. Pour les Américains, qui ont soutenu le régime sudiste pendant des décennies, la pilule est amère. Elle l’est d’autant plus que leur départ de la capitale sud-vietnamienne, effectué à la va-vite grâce à un ballet incessant d’hélicoptères, est chaotique à force d’être dramatique, ou dramatique à force d’être chaotique, c’est comme on voudra.

Qu’abandonnent-ils ainsi, ces Américains qui semblent subitement pris de panique ? Un pays exsangue au terme de 30 années de guerre, où tout est à reconstruire.

Le Vietnam est un vaste champ de ruines, en ce printemps 1975. Les bombes, le napalm, ont bien évidemment laissé une empreinte indélébile, et pour le coup, spectaculaire. Mais il y a aussi l’agent orange, ce défoliant que l’armée américaine a inconsidérément déversé sur la jungle pour en débusquer l’adversaire. sans jamais y parvenir, d’ailleurs.

Cet agent orange est un produit chimique hautement toxique, qui contamine aussi bien les sols dans lesquels il s’infiltre que les êtres humains qui sont en contact avec lui. Il contient notamment de la dioxine, qui est une substance particulièrement nocive et surtout particulièrement persistante.

C’est une véritable bombe à retardement que les Américains laissent derrière eux, au Vietnam, une bombe qui aujourd’hui encore, a des impacts dévastateurs.

Les victimes, elles, demandent réparation

Difficile, à l’heure actuelle, de se prononcer sur le nombre de personnes touchées directement ou indirectement par l’agent orange. Les estimations, selon qu’elles sont américaines ou vietnamiennes, varient entre 2,1 et 4,8 millions de personnes. Ce sont principalement des Vietnamiens, par la force des choses, mais aussi des Laotiens et des Cambodgiens, auxquels il faut ajouter nombre de militaires américains, australiens, canadiens, néo-zélandais et sud-coréens : eux aussi ont été exposés.

Mais pour bien comprendre l’ampleur du désastre, il faut aussi prendre en compte le fait que la dioxine est une molécule très stable, qui reste dans l’environnement. De très fortes concentrations de dioxine ont été observées dans les graisses animales, d’où une contamination de la chaîne alimentaire, mais également dans les sols et les sédiments.  

De ce fait, beaucoup d’enfants vietnamiens de l’après-guerre présentent des taux de dioxine anormalement élevés dans l’organisme. Cécité, diabète, cancers de la prostate ou du poumon, malformations congénitales. Les conséquences sont très lourdes. S’agissant de l’apparition de malformations chez les nouveau-nés (beaucoup de cas au Vietnam), le très sérieux International journal of epidemiology est formel quant au lien que l’on peut établir avec l’agent orange.

Il y a néanmoins des contestataires, et la nocivité de l’agent orange fait encore débat, notamment aux Etats-Unis, où toute une frange de l’échiquier politique cherche à la minimiser. Quant aux géants de l’agrochimie, ils tentent par tous mes moyens de se dérober à leurs responsabilités. Parfois maladroitement. On se souviendra ainsi que dans un article paru le 8 décembre 2006, le quotidien The Guardian révèle que Sir Richard Doll, épidémiologiste et toxicologue réputé et célèbre pour avoir établi le lien entre l’usage du tabac et le cancer du poumon, aurait été sous contrat avec Monsanto et mai 1979 à mai 1986, le temps pour lui d’affirmer qu’il n’y avait pas de relation entre cancer et agent orange.

Un écocide

Des conséquences gravissimes pour les êtres humains, donc, mais pas uniquement.

« toute action généralisée ou systématique qui cause des dommages étendus, durables et graves à l’environnement naturel, commise délibérément et en connaissance de cause ».

C’est en ces termes qu’est définie la notion d’écocide, une notion apparue pendant la guerre du Vietnam, pour dénoncer l’usage de l’agent orange.  

Le fait est que l’utilisation d’une telle quantité d’herbicide par l’armée américaine aura causé le plus grand écocide du XXe siècle en détruisant, entre 1961 et 1966, 43 % des terres arables et 44 % de la superficie forestière totale du Sud-Vietnam.  

Selon un rapport de l’Unesco, les épandages d’agent orange auraient détruit quatre cent mille hectares de terres agricoles, deux millions d’hectares de forêts et cinq cent mille hectares de mangrove, soit 20 % de l’ensemble des forêts sud-vietnamiennes.

Lepetitjournal.com – 1er novembre 2024

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