En Birmanie, les soldats forcés de prendre de la méthamphétamine pour commettre des exactions sans scrupules
C’est ce qu’ont confié des militaires de la junte aux rebelles qui les avaient capturés.
Depuis le coup d’État militaire de février 2021, la Birmanie est plongée dans une guerre civile sanglante opposant la junte militaire au pouvoir aux groupes de rebelles armés issus des minorités ethniques. Ces tensions se sont intensifiées fin 2023 avec l’offensive de l’Alliance des Trois Fraternités, composée de l’Armée de l’Alliance nationale démocratique de Birmanie, de l’Armée d’Arakan et de l’Armée de libération nationale Ta’ang, qui a capturé des bases militaires stratégiques.
Ce conflit, marqué par des violences contre les civils, met en exergue un autre problème: le rôle croissant des drogues dans les pratiques de la junte. D’après The Independent, cinq soldats capturés, identifiés dans une vidéo diffusée par les rebelles de la Force de défense des nationalités karenni, ont raconté avoir été contraints de consommer de la méthamphétamine. Localement appelée Ya Ba, elle est utilisée par la junte pour que ses soldats restent alertes sur le champ de bataille et soient moins sensibles à la violence.
L’un d’eux affirme avoir reçu cette substance, puis l’ordre d’incendier des «maisons suspectes» dans l’est de l’État de Kayah. Un autre déclare: «Nous avons dû incendier des maisons qui obstruaient notre champ de vision ainsi que des maisons où des uniformes avaient été trouvés», faisant référence aux uniformes des groupes rebelles. Ces témoignages viennent renforcer les accusations de crimes de guerre présumés de l’armée birmane. L’année dernière déjà, Amnesty International a accusé celle-ci de perpétrer des attaques indiscriminées contre des civils et d’utiliser des armes à sous-munitions interdites dans sa lutte contre les insurgés issus de minorités ethniques.
La Birmanie est depuis longtemps un acteur clé du trafic de drogues en Asie du Sud-Est, et l’armée elle-même est suspectée d’être impliquée dans la production et la distribution de méthamphétamine et d’héroïne. En octobre 2024, lors de leur prise de contrôle de la ville de Pinlebu, les forces rebelles auraient saisi 1.300 caisses de savon remplies d’héroïne, lors d’une opération contre la junte.
Par Solveig Blakowski – Slate.fr – 13 décembre 2024
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