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En Birmanie, la junte procède à des enlèvements pour renforcer ses rangs

Quatre ans après le coup d’État qui lui a permis de prendre le pouvoir, la junte birmane menée par le général Min Aung Hlaing est confrontée à une vigoureuse résistance armée. Dans une enquête, l’hebdomadaire de Rangoon “Frontier Myanmar” révèle que le régime recourt à des rafles pour augmenter le nombre de recrues. Une méthode brutale qui terrorise les familles.

La junte birmane et ses affidés se tournent-ils vers des mesures illégales pour augmenter le nombre de recrutements dans les rangs de l’armée ? C’est ce que suggère l’enquête menée par les journalistes de Frontier Myanmar. Le magazine birman relève la multiplication des cas d’enlèvements de jeunes hommes dans plusieurs villes. À Mandalay, dans le centre du pays, 391 personnes auraient été kidnappées lors du seul mois de décembre, selon les chiffres avancés par le groupe militant Mandalay Strike Committee.

“Désormais, la majorité des jeunes n’osent plus dormir chez eux le soir tant ils ont peur, ils tentent de s’éclipser dès qu’ils voient une voiture de police la nuit”, explique une habitante de Mandalay.

L’hebdomadaire évoque notamment le cas du fils de San Nwe*. Habituellement, le jeune homme de 22 ans logeait dans les baraques destinées aux ouvriers situées à proximité de son usine, mais il avait décidé un soir de dormir chez ses parents. Sauf que depuis le coup d’État du 1er février 2021, détaille le journal, la junte a remis en place l’obligation faites à tous les habitants d’enregistrer auprès des autorités de quartier toutes les personnes présentes dans leurs foyers. “Une mesure permettant de traquer les dissidents et plus récemment les jeunes recrues pour les rangs dépeuplés de l’armée.” San Nwe explique : “Tout le monde doit sortir des maisons au moment de l’inspection et les autorités appellent les noms sur la liste [des personnes enregistrées].”

“Mon fils n’avait pas été enregistré comme invité, il est donc resté dans sa chambre, mais ils l’ont trouvé. Il s’est mis à courir, mais il a été rattrapé et emmené.”

Elle est restée sans nouvelles de lui pendant un mois. Il a fini par la joindre par téléphone, disant avoir été emmené à 600 kilomètres de là, dans l’État Shan, dans le nord du pays. “Il m’a expliqué être arrivé dans un camp d’entraînement militaire. Depuis, je n’ai plus eu de nouvelles.”

La pression pour recruter augmente

L’armée subit une crise des recrutements qui s’amplifient au rythme des défaites historiques dans plusieurs régions du pays. Depuis un an, le régime s’appuie sur une ancienne loi datant de 2010 – un temps mise en sommeil –, en vertu de laquelle tous les hommes entre 18 et 35 ans et toutes les femmes entre 18 et 27 ans doivent servir entre deux et cinq ans dans les rangs de l’armée. Au vu du peu d’engouement pour rejoindre “une armée largement méprisée”, de nombreux conscrits ont fui le pays ou rejoint des zones contrôlées par la résistance.

Les règles de recrutement et les cas d’exemption n’ont été précisés qu’en janvier dernier, et les abus de la part des autorités locales se multiplient, constate Frontier Myanmar, qui détaille également le manque de recours à disposition des familles pour éviter à leurs proches la conscription forcée.

“Jusqu’ici, les familles des nouveaux conscrits pouvaient souvent corrompre les autorités pour les libérer. Dans certains quartiers, le référent local organisait un système par lequel les familles qui ne voulaient pas envoyer leurs jeunes à l’armée payaient conjointement une personne qui se portait volontaire à leurs places.” De tels stratagèmes ne fonctionnent plus – signe, estime Frontier Myanmar, que la pression pour recruter augmente.

Quatre ans après le coup d’État, l’armée birmane a perdu le contrôle d’une grande partie du territoire, passé sous l’autorité des guérillas ethniques et des forces armées de la résistance démocratique.

*Le nom a été changé pour préserver l’anonymat de cette personne.

Courrier international – 31 janvier 2025

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