Agriculture vietnamienne, une transition vers la circularité : Le cas du Mékong
Dans un contexte de quête de durabilité et de production plus verte à l’échelle mondiale, le Vietnam emboîte le pas et s’engage activement pour transformer son secteur agricole. Le gouvernement et les initiatives internationales progressent vers un modèle circulaire, où le Delta du Mékong, principale région de production agricole du pays, se distingue comme terrain d’expérimentation.
Le secteur agricole contribue à hauteur de 12% au PIB vietnamien (en 2023), étant l’un des secteurs principaux de son économie. Néanmoins, son impact sur l’environnement est également important. Il génère 19% des émissions de gaz à effet de serre (GES), dégradant la qualité de l’air, des eaux et aussi des sols.
En particulier, ce sont une irrigation inefficace, une utilisation intensive d’engrais et une consommation énergétique importante qui impactent le plus l’environnement. Ces problèmes sont aggravés par les effets dérèglement climatique, notamment dans le Delta du Mékong qui subit une salinisation et une hausse de la température de ses eaux.
Vers une transformation du secteur agricole vietnamien
Le gouvernement, conscient de ces enjeux, a amorcé depuis plusieurs années une transition agricole majeure, prenant le chemin de la circularité. En 2024, il a mis en place un plan permettant de poser des mots et des enjeux sur cette transition avec un objectif 2030. Ce plan vise à pallier le manque de financements, qui reste un défi majeur à la transition.
Un autre défi majeur est celui de l’adhésion au projet par les entreprises sur le terrain. La réussite de cette transition est étroitement liée à la structure et à la taille des exploitations de production agricole. Le modèle d’économie circulaire existe déjà sur le modèle des coopératives dans les grands systèmes agronomiques qui profitent d’une diversité de parcelles – bassins aquaculture, élevage, etc – pour recycler les ressources et les déchets.
Actuellement, les grands groupes comme True Milk intègrent déjà en partie le modèle circulaire dans leur production, mais les exploitations familiales, plus petites et moins soutenues, sont encore loin de cette transition. Les fermes familiales n’ont pas les ressources, les compétences ou les technologies nécessaires pour le développement de ces pratiques plus durables. Elles ont besoin des transferts de technologies et d’innovations provenant des grandes exploitations pour mettre en œuvre la transition.
Ainsi, l’économie circulaire vise à combiner cultures, élevage et aquaculture, à travers des systèmes de production interconnectés.
Ce modèle durable s’appuie en grande partie sur la valorisation et le recyclage de co-produits, comme la paille de riz, encore peu utilisée, ou bien la biomasse. Selon les chiffres du Trésor Économique de France, 38% des coproduits sont brûlés ou enfouis pour fertiliser à bas-coût les sols. Or cette action contribue à augmenter la pollution atmosphérique.
Transferts technologiques, francophonie, et coopération agricole
C’est pourquoi, ces dernières années se dessine une collaboration entre le Vietnam et l’expertise française pour accélérer les transferts technologiques et d’innovation.
La France est le premier producteur européen de biofertilisants. Le pays s’investit localement au Vietnam à travers des initiatives privée, telle que la revalorisation des algues, le recyclage des déchets, et le compostage de la biomasse.
Cette coopération internationale, notamment francophone, intervient aussi dans le partage et le retour d’expériences dans un mécanisme d’entraide Sud-Sud. Le 21 janvier dernier la communauté francophone s’est d’ailleurs réunie à Can Tho, région du Mékong, au Vietnam, pour discuter agriculture durable, sécurité alimentaire et changement climatique dans le cadre du Forum parlementaire de la francophonie. Les parlements de différents pays ont tenté de trouver des solutions à des préoccupations partagées, comme la résilience climatique.
L’objectif est aussi d’appeler des organisations internationales et pays développés à soutenir leur projet, comme la circularité, ainsi qu’à fournir les ressources financières nécessaires. En soutenant la RetD, et en promouvant l’innovation, comme c’est le cas des initiatives privées sur la biomasse, des pays comme la France participent grandement aux transferts technologiques avec le Vietnam.
Le Delta du Mékong, laboratoire de la transition agricole
Le Delta du Mékong joue un rôle central dans la transition agricole du Vietnam. Cette région contribue à 50% de la production de riz, 95% des exportations de riz, à 65% de la production aquacole et à 70% de la production fruitière du pays rappelait Nguyen Ngoc He, vice-président du Comité populaire de la ville de Can Tho, lors du Forum parlementaire de la francophonie.
Pour autant, il a également souligné que la région est confrontée à de nombreux défis liés au changement climatique. Victime de la salinisation et de la hausse de température de ses eaux, le Mékong expérimente des solutions pour s’adapter au dérèglement climatique.
Le gouvernement a déjà établi une feuille de route visant un objectif de production agricole à zéro émission nette d’ici 2050. Cependant, les investissements dans l’agriculture ne répondent pas aux exigences d’un développement durable et immédiat.
Des initiatives internationales, comme celle du CIRAD (Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement) en France, ont alors lancé des études de terrain pour avancer vers le chemin de la circularité. L’institut mène un projet de recherche sur le système aquacole au Mékong à travers une combinaison de différents poissons, crevettes et algues.
L’objectif est de profiter de chaque ressource en les réutilisant, comme recycler les déchets pour permettre une fertilisation organique, réutiliser les eaux usées ainsi que les sous-produits tels que les algues. Ce système permettrait de réduire les émissions et d’optimiser chaque ressource. La circularité au Mékong est donc un projet en progression pour adapter sa production au changement climatique.
Par Joséphine Chaboche – Lepetitjournal.com – 19 février 2025
Articles similaires / Related posts:
- La sécheresse et l’intrusion saline affectent gravement l’agriculture dans le delta du Mékong Le 13 février, le ministère de l’Agriculture et du Développement rural a envoyé au Premier ministre un rapport sur les efforts déployés face à la sécheresse, à la pénurie d’eau et à l’intrusion saline dans le delta du Mékong durant la saison sèche 2019-2020....
- L’affaissement et la salinisation dans le delta du Mékong interpellent les experts Les experts se sont penchés lors d’une une causerie scientifique, mercredi 12 janvier à Hanoï, sur les solutions à l’affaissement des sols et à l’intrusion de l’eau salée dans le delta du Mékong....
- L’intrusion salée dans le delta du Mékong sera à un haut niveau en avril Selon le Centre national de prévision hydrométéorologique (NCHMF), du début avril à mai 2020, l’intrusion salée dans le delta du Mékong aura tendance à diminuer mais restera toujours à un haut niveau....
- Des experts allemands étudient la gestion de l’eau du Mékong De récentes recherches menées par des experts de la Fondation allemande pour la science et la politique (Stiftung Wissenschaft und Politik – SWP) ont mis en évidence des lacunes dans la gestion des ressources en eau du Mékong....
- Trop de pesticides dans l’agriculture vietnamienne L’utilisation d’engrais et de pesticides dans les provinces vietnamiennes du delta du Mékong a diminué au fil des ans mais elle reste supérieure à la moyenne nationale, alors qu’elle s’avère inefficace....