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Derrière le « Made in Vietnam » des chaussures du géant français Decathlon

Le Vietnam reste au cœur de la réorganisation des chaînes de production mondiales, notamment dans l’industrie du textile et de la chaussure, où des géants comme Decathlon y font fabriquer leurs modèles. Si ces produits séduisent les consommateurs en rayon, ils cachent une réalité moins glorieuse. Decathlon, déjà habitué aux critiques, a fait l’objet d’une enquête de Disclose, voyant son étiquette « Made in Vietnam » dissimuler une autre vérité.

Decathlon, géant du sport français, a vu son chiffre d’affaires doubler en dix ans, atteignant 15,6 milliards d’euros en 2023, pour 931 millions d’euros de bénéfice. Ses principaux fournisseurs sont situés en Asie : en Chine, au Vietnam et au Bangladesh.

Decathlon et 130 usines partenaires au Vietnam

Le Vietnam est la deuxième plus grande base de production de Decathlon, comptant 130 usines partenaires en 2023.

Le géant profite en effet d’une spécialisation du pays dans les articles de sport, qui réunissent depuis plusieurs années les deux principaux produits d’exportation du Vietnam, à savoir le textile d’habillement et les chaussures.

Etiquette « Made in Vietnam » mais des fournisseurs secrets …

Pour autant, même si les modèles de basket à prix très attractifs indiquent « Made in Vietnam » en rayon, Decathlon reste flou quant à l’origine des matières premières utilisées.

C’est notamment le cas du cuir utilisé pour la fabrication des fameuses chaussures de randonnée Quechua, ciblée par une enquête de Disclose. A partir de documents internes et de rapports douaniers, l’étude révèle que malgré un assemblage réalisé localement au Vietnam, les entreprises de sous-traitance se fournissent en peaux de bovins provenant du Brésil.

Depuis 2005, la tannerie de Tong Hong, située dans la périphérie de Ho Chi Minh-Ville, serait le « principal pourvoyeur de cuir pour les fournisseurs de Decathlon en Asie », selon un ancien cadre de la multinationale française, confirmé par des documents officiels de la marque.

Ni Decathlon, ni la tannerie, ni même les fabricants vietnamiens n’ont répondu à Disclose et sont restés flous. Une des raisons donnée par Decathlon est son système de traçabilité. Le géant du sport ne retrace le parcours de ses fournisseurs que jusqu’au 1er ou 2ème niveau, quand d’autres marques comme Lacoste par exemple vont jusqu’au niveau 4.

Les sous-traitants de cuir brésilien et déforestation

L’enquête du média Disclose révèle que le Brésil est le premier fournisseur de Tong Hong, avec 11 000 tonnes de cuir livrées en 2023. La moitié viendrait d’une société-écran cachant un leader mondial du bœuf, JBS, écoulant ses marchandises discrètement depuis le port de Santos jusqu’au Vietnam.

Ce géant de l’élevage est bien connu de la scène internationale puisqu’il est associé à des opérations de déforestation massive et a déjà reçu de nombreuses amendes des autorités brésiliennes.

Au total, le média révèle que plus de 81 000 hectares de forêts ont disparu, représentant huit fois la surface de Paris. Contribuant indirectement à la déforestation illégale au Brésil, Decathlon a tenté de se dédouaner en précisant au média que « la société JBS n’est pas enregistrée dans les systèmes d’approvisionnement de Decathlon, qui vont jusqu’au rang 2 ». Decathlon continue d’afficher une posture de lutte contre la déforestation en exigeant davantage de transparence et d’engagement de ses fournisseurs.

Le géant du sport n’en est pas à ses premières accusations

Une autre enquête de Disclose datant de février 2025 accuse le géant de collaborer avec des sous-traitants chinois potentiellement reliés au travail forcé de la minorité Ouïghour et d’enfants surexploités. Accusé également de salaires misérables versés par ses usines au Bangladesh, Decathlon fait face aux conséquences de sa propre politique de production « low cost », une image pour laquelle il tente pourtant de se détacher.

Or les prix cassés en rayon en Europe obligent le groupe à faire fabriquer la majeure partie de ses produits par des sous-traitants en Asie, en ciblant les usines les moins chères faisant travailler ses salariés dans de mauvaises conditions.

Cette pression sur les coûts a des répercussions sociales, révèle Disclose à travers ses enquêtes, mais aussi environnementales. Alors que le Vietnam s’est fixé pour objectif 2035 un développement durable et circulaire de son industrie de la chaussure et du textile-habillement, les sous-traitants de Decathlon comme Tong Hong font importer leur matière première de l’autre bout du monde.  

Vers une transformation de l’industrie de la chaussure

Basé sur le modèle de l’économie circulaire, le gouvernement vietnamien cherche à enclencher une révolution agricole et industrielle, où le secteur du textile et de la chaussure reste au devant. Les politiques souhaitent passer de la fameuse étiquette « Made in Vietnam » à celle de « Made by Vietnam »

Certaines marques semblent emboîter le pas.  Adidas, par exemple, dont 98% de ses usines étaient localisées en Asie en 2020, et 40% rien qu’au Vietnam, a annoncé se lancer dans un mode de production responsable en partenariat avec ses fournisseurs.

Cette tendance s’inscrit notamment dans un contexte où les consommateurs des pays développés comme l’Union Européenne ou les Etats-Unis, principaux marchés de consommation d’articles de sport, s’intéressent davantage au respect des ESG, les critères environnementaux, sociaux et de gouvernance.

Par Joséphine Chaboche – Lepetitjournal.com – 25 février 2025

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