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On a vu « Dans la cuisine des Nguyen », une pincée de pop et triple dose de fantaisie

Une comédie musicale attachante, qui détricote en douceur mais sans détour les préjugés anti-asiatiques.

La « reine des nems » déprime. Elle ne le montre pas trop, parce qu’elle n’est pas du genre à se lamenter, et sa passion pour la musique et la danse finit toujours par la consoler. Mais à ses amis, Yvonne Nguyen (Clotilde Chevalier), trentenaire, ne cache pas sa lassitude. Chanter chaque jour, déguisée en Vietnamienne traditionnelle, dans une galerie commerciale, les louanges de ses petits rouleaux frits, quel ennui impérial !

Elle rêve de comédie musicale, de mélodies vibrantes, écume les auditions, malgré les refus systématiques voire humiliants. Parfois, sa simple allure asiatique et l’énoncé de son nom suffisent à dissuader les directeurs de casting. Trop « différente ». Les projets les plus prestigieux lui échappent. « Marie-Antoinette disco queen », « Bernadette Soubirous : l’opéra-rock ». Et même « Jeanne d’Arc superstar ».

Une comédie musicale artisanale, fragile, parfois prévisible ou maladroite, mais pétillante, pop, généreuse

Préjugés anti-asiatiques

Son compagnon n’y croit plus, l’invite à envisager une reconversion : « On a toujours besoin de prospecteurs téléphoniques… » Elle le quitte, rentre habiter chez ses parents, s’accroche à son rêve.

Jusqu’au jour où le destin lui adresse enfin un sourire. La voici pressentie pour un show très attendu, porté par un metteur en scène en vue (Thomas Jolly). Mais sa mère, conventionnelle, aussi aimante que tyrannique, arrivée du Vietnam dans les années 1970, ne veut pas entendre parler d’une telle perspective. Le showbiz, et ses mœurs bizarres, non merci ! Elle le répète, dans un français approximatif : « Une Vietnamienne dans une comédie musicale, c’est comme un éléphant qui fait des nems, ça n’existe pas ! ».

Madame Bovary, c’était Flaubert dit-on, et Yvonne Nguyen, c’est Stéphane Ly-Cuong, 52 ans, scénariste qui signe ici son premier long métrage. À travers elle, il parle de son propre culte, depuis l’adolescence, pour les comédies musicales, de ses racines vietnamiennes, de ses parents exilés, des préjugés anti-asiatiques, persistants mais peu montrés dans le cinéma ou dans les médias.

Il a choisi l’humour, la fantaisie, la légèreté. Aux antipodes d’énormes productions comme « La La Land » ou « Moulin Rouge », voici une comédie musicale artisanale, fragile, parfois prévisible ou maladroite, mais pétillante, pop, généreuse.

Une Rochelaise dans le rôle-titre

L’histoire fait écho à la propre trajectoire de son actrice principale, Clotilde Chevalier. Parce qu’elle n’arrivait pas à vivre de sa passion de comédienne, elle est devenue restauratrice… à La Rochelle, où elle est installée.

Thomas Jolly apparaît quant à lui en guest-star. Non sans autodérision, il incarne un metteur en scène branché, boboïssime, quelque peu tête à claques, pétri de bonne conscience antiraciste mais qui ne se rend pas compte qu’il ne cesse lui-même de reproduire des clichés sur l’Asie. Le magicien des J.O. a l’air de s’amuser. Thomas Jolly dans un joli film, c’est la cerise sur le gâteau des Nguyen.

« Dans la cuisine des NGuyen », de Stéphane Ly-Cuong. Avec Clotilde Chevalier, Anh Tran-Nghia, Leanna Chea. Durée : 1 h 39. En salle ce mercredi 5 mars.

Par Julien Rousset – Sud Ouest – 4 mars 2025

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