Birmanie : sous pression, la junte cherche à consolider ses alliances avec Moscou
Depuis son putsch il y a 4 ans, la junte birmane enchaîne les revers face à une myriade de groupes armés ethniques. Affaibli militairement, isolé sur la scène internationale, son chef Min Aung Hlaing s’est rendu cette semaine en Russie, une rencontre entre deux alliés stratégiques qui a été suivie de près par les analystes.
Il s’agissait de la 4e visite officielle du chef de la junte en Russie et de son 2e tête-à-tête avec le président russe Vladimir Poutine. La coopération militaire étant l’un des piliers des relations russo-birmanes. Éclairages.
Depuis le coup d’État en 2021, profitant du vide laissé par les sanctions occidentales, la Russie est devenue le 1er fournisseur d’armes de la Birmanie, surpassant la Chine, qui joue depuis quelque temps la prudence en cherchant à équilibrer ses relations avec la junte et les groupes ethniques armés près de sa frontière.
Intérêts convergents
Moscou a ainsi livré à la junte des avions de chasse (MIG et Sukhoï), des hélicoptères et des drones, et formé des officiers birmans dans ses académies militaires. Cette coopération a permis à la Birmanie de réduire en partie sa dépendance envers la Chine qui reste pourtant son principal partenaire économique.
Côté russe, le soutien politique et militaire à la junte, lui offre une porte d’entrée stratégique en Asie du Sud-Est, une région où elle cherche à contrer les influences américaines et chinoises.
En l’absence de détails précis, car ce genre de documents restent souvent confidentiels, il semblerait que les deux pays aient signé au terme de leur rencontre amicale au Kremlin une dizaine de contrats dans les domaines militaire, économique et énergétique. À l’image de cet accord sur la construction par Rosatom, l’agence russe de l’énergie nucléaire, d’une petite centrale nucléaire, dont on ne connaît ni la localisation exacte, ni le calendrier. Autre annonce, la confirmation d’un accord portant sur la zone économique spéciale de Dawei, dans la région de Tanintharyi dans le sud-est de la Birmanie, qui inclut la construction d’un port, d’une raffinerie de pétrole et d’une centrale thermique au charbon.
Des projets géostratégiques en suspens et menacés par la guerre civile
Le conflit armé qui oppose la junte aux multiples groupes ethniques armés met en danger plusieurs projets d’investissements étrangers. Comme le développement du port de Dawei soutenu par la Russie qui est plus que compromis en raison de l’avancée des rebelles qui contrôleraient désormais plus de 60% du territoire. Même chose dans l’État Rakhine où les affrontements ont déplacé 15 000 personnes et où des infrastructures clés chinoises sont aussi menacées. Il s’agit du projet de Kyaukphyu qui fait partie des nouvelles routes de la soie et du corridor économique Chine-Birmanie. Une initiative qui vise à créer un port en eau profonde, des oléoducs et gazoducs, ainsi qu’une liaison ferroviaire qui devrait relier Kunming, dans le Yunan et offrir à la Chine un accès direct à l’océan Indien. La construction et l’exploitation de ces infrastructures est aujourd’hui entravée par l’armée d’Arakan qui gagne du terrain, ce qui rend plus que jamais incertaine la viabilité du projet.
Par Jelena Tomic – Radio France Internationale – 7 mars 2025
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