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Le long chemin qui mène au 30 avril 1975 – chapitre 2

Décembre 1965. Près de 200.000 soldats américains sont au Vietnam. L’année qui s’achève aura été celle d’une escalade sans précédent dans l’histoire des guerres d’Indochine. Mais que font-ils dans les rizières et les jungles du sud-est asiatique, ces soldats américains ? 

En principe, ils sont là pour prêter main forte à la République du Vietnam, autrement dit le Sud-Vietnam anti-communiste, un régime né des accords de Genève de 1954, qui est en proie à une guérilla menée par les maquisards du Front national de libération, lesquels sont équipés et ravitaillés par la République Populaire Démocratique du Vietnam, c’est-à-dire le Nord-Vietnam communiste.

Le Petit Journal vous propose lors de cette série intitulée « Le long chemin qui mène au 30 avril 1975 » de revivre la chute de Saïgon, le 30 avril 1975, date qui marque la fin de la guerre du Vietnam. Le premier chapitre revient les années 50 – 60, années charnières dans l’Histoire des guerres d’Indochine.

Autant dire que le Vietnam est devenu l’un des théâtres de la Guerre froide, le sud étant ouvertement soutenu par les États-Unis, le nord par l’U.R.S.S et la République populaire de Chine.

Pour les États-Unis, qui ont donc choisi d’intervenir directement sur le terrain, cette guerre est menée au nom de la « théorie des dominos », une théorie énoncée depuis une bonne dizaine d’années, qui veut que si un pays — ici, le Vietnam — bascule dans le communisme, il va entraîner ses pays voisins dans son sillage, lesquels pays voisins vont à leur tour. Pour Lyndon Johnson, le Président américain, il en va de la sécurité des États-Unis : c’est en tout cas ainsi qu’il justifie l’interventionnisme américain en Asie du Sud-Est, discours après discours.

Les GI au Vietnam

Les GI qui pataugent dans les rizières, eux, ont de plus en plus de mal à voir où les mène ce combat. Ils ont surtout bien du mal à se sentir en phase avec les nobles idéaux qu’ils sont censés incarner, tant cette guerre s’apparente à un bourbier, au sens propre comme au sens figuré.

Les deux années qui suivent le début de l’intervention américaine sont marquées par un lent pourrissement de la situation.

Fin 1967, on compte 510.000 soldats américains au Sud-Vietnam, auxquels il faut ajouter 48.000 Sud-Coréens, 10.000 Thaïlandais et 4.000 Australiens. L’armée de la République du Vietnam, elle, compte 700.000 hommes.

« Search and destroy »

La campagne de bombardements intensifs sur le Nord (opération Rolling thunder) se poursuit, de même que les raids menés dans les campagnes du Sud (opération Search and destroy). Mais pour quel résultat ?

Dans son quartier général de Saïgon, le général William Westmorland, commandant en chef des troupes américaines depuis 1964, ne cesse de proclamer que le dernier quart d’heure est proche, avec un optimisme de façade qui n’est pas sans rappeler celui des généraux français à la veille de Dien Bien Phu.

Le fait est qu’il est décidément bien long à venir, ce dernier quart d’heure, notamment pour l’opinion américaine, qui compte les morts et qui commence à se demander si le jeu en vaut vraiment la chandelle, si, comme on le lui promet, « la lumière est au bout du tunnel ».

Pire encore, l’Américain moyen commence à comprendre que cette guerre est une sale guerre. Il faut dire que sur place, l’état-major a instauré un usage on ne peut plus sinistre : le body-count, autrement dit le décompte des cadavres ennemis ou supposés comme tels.

« La stratégie d’usure du général Westmorland a eu un effet important sur notre comportement. Notre mission n’était pas de conquérir du terrain ou de prendre des positions, mais simplement de tuer : tuer des communistes et autant que possible. Empilez-les comme du bois de chauffage. La victoire était un grand nombre de morts, la défaite un faible taux de mortalité, la guerre une question d’arithmétique », écrira Philip Caputo, ancien officier et plus tard correspondant de guerre.

L’offensive du Têt

C’est au début de l’année 1968 que les dernières digues vont céder et que celles et ceux qui croyaient encore à « la lumière au bout du tunnel » vont devoir se rendre à l’évidence.

Profitant des festivités du Têt, le nouvel an vietnamien (année du Singe, en l’occurrence), l’ennemi lance une offensive générale dans toutes les grandes villes du Sud, Saïgon comprise. C’est Vo Nguyen Giap, le vainqueur de Dien Bien Phu, alors ministre de la défense de la République démocratique du Vietnam, qui est à la manœuvre depuis Hanoï, et qui lance la quasi-totalité de ses effectifs dans la bataille, en misant sur un « soulèvement général » de la population.

Les hostilités démarrent le 21 janvier à Khe Sanh, une importante base militaire américaine qui se retrouve assiégée par trois divisions nord-vietnamiennes. Le but de l’opération ? Faire diversion et empêcher que les GI stationnés sur place ne viennent ensuite en renfort dans les grandes villes.  

Car c’est bel et bien dans les grandes villes que les maquisards du Front national de libération, soutenus par l’armée nord-vietnamienne, passent à l’action, dans la nuit du Têt, soit le 30 janvier sur le calendrier grégorien.
Hue, Da Nang, Quy Nhon, Nha Trang, Saïgon. Aussi bien du côté des Sud-Vietnamiens que de celui des Américains, la surprise est totale et la réaction chaotique.

Dans la capitale sud-vietnamienne, les combats de rue sont acharnés. Un commando Viêt-Cong parvient même à pénétrer dans l’enceinte de l’ambassade des Etats-Unis. Il en est délogé quelques heures plus tard, mais le mal est fait car la scène est filmée et retransmise à la télévision. Pour le public américain, c’est un choc : l’ennemi, dont on ne cesse d’annoncer qu’il est presque anéanti, faisant le coup de feu en plein cœur de l’ambassade !

Les forces américaines vont néanmoins reprendre le contrôle de la situation à peu près partout, sauf à Hue où il leur faudra près d’un moins avant de reconquérir la ville.

Pour le Front national de libération et les Nord-Vietnamiens, cette offensive dite « du Têt » se solde par un échec militaire : force est de constater que les Américains sont pour l’instant les plus forts sur le terrain. Mais surtout, le « soulèvement général » escompté n’a pas eu lieu.

Sur le plan purement stratégique, le Front national de libération en ressort étrillé, ce qui va avoir pour conséquence un engagement accru des troupes nord-vietnamiennes au Sud.

Il n’empêche. Cette offensive restera dans l’Histoire comme l’un des grands tournants de la guerre. Et pour cause ! Elle a un impact psychologique dévastateur sur l’opinion américaine, qui découvre brusquement la réalité de cette guerre. Un mythe s’est effondré : le Sud-Vietnam a été massivement attaqué, y compris dans les régions supposées « pacifiées » par l’armée américaine. Et ce ne sont pas les images filmées des combats qui arrangent les choses, notamment l’une d’entre elles, largement diffusée, qui montre un jeune prisonnier Viêt-Cong abattu froidement en plein Saïgon.

Première victime politique de cette offensive du Têt, le secrétaire américain à la Défense, Robert Mc Namara, démissionne le 28 février.  

Le général Westmorland est lui aussi rappelé mais il convient ici de préciser que la date de son départ avait été fixée avant le Têt. Il est remplacé à son poste par le général Creighton Abrams.

Aux États-Unis et dans le monde, l’opinion bascule

Cette année 1968 restera dans les esprits comme celle d’une prise de conscience accélérée quant au bien-fondé de cette guerre du Vietnam, aussi bien aux États-Unis que dans le reste du monde.
Dans les universités américaines, l’opposition à la guerre est de plus en plus forte et même virulente. Elle l’est d’autant plus que beaucoup d’étudiants ont l’âge de la conscription.

Mais l’offensive du Têt va là-aussi donner une ampleur sans précédent au mouvement anti-guerre. Pour les uns, cette guerre est amorale, pour les autres, elle relève simplement de l’erreur stratégique. Toujours est-il que les manifestants sont de plus en plus nombreux à réclamer la cessation des hostilités et qu’un certain nombre de vétérans viennent grossir leurs rangs.

Côté nord-vietnamien, cette opposition naissante est bien évidemment du pain béni, et on n’hésite pas à l’exploiter ouvertement. Il faut dire qu’à Hanoï, les dirigeants s’entendent fort bien à faire passer leur combat pour celui de David contre Goliath. Pour cela, ils peuvent compter sur le soutien de certaines personnalités venues de « l’autre côté », comme l’actrice Jane Fonda, ou encore le réalisateur Joris Ivens, auteur de quatre films sur le Vietnam.

Le message est reçu, en tout cas, et en mai 1968 à Paris, lorsque les étudiants défilent dans le quartier latin, c’est en brandissant des pancartes à l’effigie de leurs deux héros du moment : Che Guevara et Ho Chi Minh.

De véritables crimes de guerre

Pas étonnant, du reste, que cette guerre devienne de plus en plus impopulaire. Sur le terrain, l’armée américaine se rend coupable de véritables crimes de guerre, comme dans le petit hameau de My Lai, en mars 1968, où près de 500 civils — vieillards, femmes, enfants et nourrissons compris — sont massacrés. Les photos du drame, publiées quelque temps après, vont achever de discréditer l’armée américaine auprès d’une grande partie de l’opinion.

Mais revenons à 1968. Pour Lyndon Johnson, le Vietnam est décidément devenu une sale affaire, d’autant plus embarrassante que les élections ont lieu au mois de novembre et qu’il est, en principe, candidat à sa propre succession.

Le 31 mars, il renonce officiellement à briguer un nouveau mandat et annonce dans la foulée l’ouverture de négociations avec le Nord-Vietnam.

L’élection présidentielle du mois de novembre, elle, verra finalement s’affronter deux candidats : Hubert Humphrey, côté démocrate, et Richard Nixon, côté républicain. C’est le second qui l’emporte, au terme d’un duel particulièrement serré et d’une campagne largement axée autour du Vietnam et du possible désengagement des États-Unis.

Lepetitjournal.com – 20 mars 2025

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