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Comment la Chine transforme Sihanoukville en vitrine des Nouvelles routes de la soie

Autrefois petit ensemble tranquille de villages de pêcheurs, la ville de Sihanoukville au Cambodge s’est transformée en station balnéaire à moitié achevée et dédiée aux jeux d’argent pour un public sinophone, au gré d’investissements chinois.

« Sihanoukville change d’année en année », constate Xiaofan, un touriste chinois rendant visite à des amis qui ont lancé des entreprises dans la ville côtière, où les panneaux écrits en mandarin sont omniprésents. « Cette année, je suis revenu et c’était entièrement une ville chinoise. Il y a tellement de Chinois ». Pékin est le premier partenaire commercial et investisseur au Cambodge, notamment dans la région de Sihanoukville qui, située dans le golfe de Thaïlande, occupe un emplacement stratégique dans l’initiative du projet d’infrastructures chinois des Nouvelles routes de la soie.

La base navale de Ream, située à quelque 30 kilomètres de Sihanoukville et rénovée par la Chine bien que construite à l’origine en partie avec des fonds américains, a été inaugurée ce mois-ci. Phnom Penh insiste sur le fait qu’elle ne sera pas utilisée « exclusivement » par Pékin, mais deux navires de guerre chinois y sont amarrés depuis décembre 2023.

Le président chinois Xi Jinping se déplace jeudi au Cambodge, et l’agence de presse Chine nouvelle a décrit cette visite comme une démonstration d’amitié « à toute épreuve ». Sihanoukville attire et satisfait l’appétit pour le jeu des Chinois: les casinos ne sont autorisés par Pékin que dans la région administrative spéciale (RAS) de Macao, au sud, qui jouxte Hong Kong. Selon l’administration provinciale de Preah Sihanouk, la région affiche un PIB par habitant de plus de 3.500 euros – environ le double de la moyenne cambodgienne – principalement dopé par un centre manufacturier géré par des Chinois.

« Économiquement, vous ne pouvez pas faire comme si la Chine n’existait pas »

La zone économique spéciale de Sihanoukville est un symbole des relations entre le Cambodge et la Chine, affirme le vice-gouverneur provincial Long Dimanche, optimiste quant à la perspective que sa ville devienne un peu plus qu’une ville-champignon remplie de casinos. « Pour moi, peu importe », déclare-t-il à l’AFP. « Regardez Macao, regardez Las Vegas ». Selon lui, Sihanoukville accueille les investissements de tous, selon le principe du premier arrivé, premier servi. « Le Cambodge est un petit pays. Nous n’avons pas d’autre choix », défend-il.

Un représentant du projet d’un complexe commercial de luxe en bord de mer, Peninsula Bay, a décrit le promoteur comme une société « sino-cambodgienne » et a déclaré qu’il était conçu pour « redonner à Sihanoukville sa grandeur ». Ou Virak, président du groupe de réflexion cambodgien Future Forum, estime au contraire que le port devient une « ville fantôme » remplie de bâtiments vides. « Sihanoukville est le symptôme d’un problème immobilier plus large en Chine. Ils l’exportent simplement chez nous », confie-t-il.

Une autoroute de 2 milliards de dollars reliant Sihanoukville à la capitale Phnom Penh a été construite avec des fonds chinois et a ouvert en 2022. Mais avec des péages minimums de 15 dollars, la voie rapide est généralement vide. Un canal de 180 kilomètres reliant le Mékong au golfe de Thaïlande attend toujours des fonds d’une entreprise chinoise près d’un an après l’inauguration du chantier. « Certains des projets ont été trop énormes, trop rapides, et il n’y a aucune demande organique », affirme Ou Virak. Mais « économiquement, vous ne pouvez pas faire comme si la Chine n’existait pas », nuance-t-il.

Une relation sino-cambodgienne plus forte serait « une bonne chose » pour les Cambodgiens

Les investissements stratégiques de Pékin « soulignent l’intérêt à long terme de la Chine à sécuriser son influence » dans la région, déclare Sophal Ear, professeur associé à l’Université d’Etat de l’Arizona.

Plus d’un tiers des 11 milliards de dollars de dette étrangère du Cambodge est dû à la Chine, selon le Fond monétaire international (FMI). L’universitaire ajoute que, avec une économie cambodgienne « fortement dépendante » du capital chinois, les préoccupations concernant la durabilité de la dette, la dépendance économique excessive, et les risques pour la souveraineté persistent.

Wang Guohua, vendeur de brochettes de 58 ans, ne semble pas inquiet à titre personnel. Il a déménagé du Hunan (sud de la Chine) à Sihanoukville avec sa femme il y a cinq ans. Il fait maintenant des barbecues au bord de la route chaque soir pour les touristes chinois affamés. « Nous espérons certainement que la relation [entre la Chine et le Cambodge] deviendra encore plus forte », raconte-t-il. « Pour nous, ce serait une bonne chose. ».

Géo Magazine avec Agence France Presse – 21 avril 2025

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