Volontourisme, 15 jours pour sauver le monde
Chloé débarque à Hanoï pour enseigner l’anglais à des enfants. Une action solidaire qui lui coûte 1 500 euros. Florence, dentiste, part à Madagascar avec une association. Elle extrait des dizaines de dents dans des conditions inacceptables. Chacune croyait faire le bien, mais le doute s’installe.
Chloé a fait ses premières années d’études aux Pays-Bas. « J’ai eu la chance, dans ma deuxième année d’études, de faire un échange universitaire, à l’international. Je suis partie à l’université d’Hong-Kong où je suis restée six mois. À la fin de cet échange-là, je voulais voyager avant de rentrer aux Pays-Bas, faire toute l’Asie du Sud est, Laos, Cambodge, Vietnam. »
Elle veut faire du volontariat lors de son passage au Vietnam. « Ma mère est Vietnamienne, elle s’est fait adopter quand elle était assez jeune. Donc il y avait un attachement déjà très intime au pays. Le fait de faire du volontariat, il y avait ce truc de vouloir découvrir le pays sous un autre angle. Se dire qu’on va aider parce que c’est forcément la base un peu du truc. »
« Je suis arrivée sur place pleine d’espoir et de motivation. Et puis vite, je me suis dit ‘mais c’est quoi, ce truc ?' »
Chloé se met donc en recherche d’une association humanitaire à laquelle elle pourrait proposer d’aider bénévolement. » J’ai tapé sur internet ‘Volontariat Vietnam Hanoï’, parce que c’était la première ville dans laquelle j’allais, et c’est sorti tout de suite. J’ai regardé un peu le site internet. C’était pour dix jours. Donner des cours d’anglais à des enfants des rues, c’était comme ça qu’ils étaient décrits par l’opérateur avec lequel je suis partie. J’ai payé 1 500 € pour les dix jours. «
Sur place, Chloé fait connaissance avec les autres bénévoles. « On était une quinzaine de volontaires. Il y avait pas mal d’européens, il y avait quelques américains, il me semble. On avait tous des profils un peu différents, mais bon quand même assez jeunes, soit en début d’études, soit en sortie d’études. On avait une grande chambre pour nous tous. On partageait une salle de bain à quinze et on partageait tous nos repas. Donc les 1 500 € posaient un peu la question d’où ils étaient passés. »
Elle est là pour enseigner, mais rien ne semble préparé pour cela. « Tu sais pas combien d’élèves il va y avoir. Tu sais pas quels ages ils vont avoir, donc c’est juste impossible en une heure de faire cours. Tu ne sais pas faire cours, parce que tu n’es pas prof. En plus c’était cours d’anglais. Moi, je parlais un petit peu anglais, mais c’est pas ma langue natale. Donc on est arrivé complètement en touristes. On était un ou deux à faire la classe ensemble, donc déjà il fallait qu’on se mette d’accord avec l’autre volontaire sur ce qu’on allait faire. On s’en était même pas parlé avant, on se parlait sur le moment, devant les élèves, franchement, c’était juste n’importe quoi. »
« Ça me paraissait normal, de faire du bénévolat et de payer. »
Florence est chirurgienne-dentiste depuis une vingtaine d’année. En 2022, elle reçoit un message d’une consœur. « Elle partait avec une association à Madagascar, pour explorer un petit peu plus l’aide [en chirurgie dentaire]. Vu que moi j’étais dans une approche aussi un petit peu autour de la relation de soin et de l’humain, je pense qu’elle s’est dit que ça pouvait m’intéresser à titre professionnel et personnel. »
Florence se renseigne sur la mission à l’apparence humanitaire que sa consœur lui propose de suivre. « Ils ont un site internet où il y a des photos de chaque mission et où il y a une vidéo qui dure quelques dizaines de minutes, qui montre un petit peu l’association et surtout les vies sauvées, les enfants. Moi, quand j’ai regardé la vidéo la première fois, j’en avais les larmes aux yeux. Je me suis dit ‘c’est super’. Il y avait l’excitation, il y avait le fait de vivre une aventure, de faire quelque chose d’un peu hors-norme. Donc j’ai envoyé un mail. »
Elle s’inscrit, paie 2 700 € et part pour Madagascar. Deux jours après son arrivée, elle part en mission. « Une fois qu’on arrive sur notre lieu de mission, on bouge, on n’est pas toujours dans le même village. On fait à peu près une journée ou une demi-journée par village. »
Commencent les journées de bénévolat. « C’est toute la journée des patients qu’on voit à la chaîne, à qui on va extraire des dents. J’avais un confrère, on était deux dentistes et une interprète pour nous deux qui faisait la traduction. »
« Plus on extrayait de dents, plus on était valorisés. »
Florence se rend très rapidement compte de l’anormalité des interventions médicales qu’on lui demande de faire. « On ne fait rien d’autre que d’extraire des dents. Ça s’apparente aussi à une amputation. C’est quand même quelque chose aujourd’hui en France qui est l’acte qu’on va faire en dernier, si on n’a pas le choix. Parce que c’est définitif. On ne fait pas de prévention, on ne fait pas de soins. On n’est pas équipé pour faire des soins. On a du matériel pour extraire. Les gens se présentent. En général, quand ils ouvrent la bouche, il y a beaucoup de gens, ils auraient presque toutes les dents à retirer. En France, un patient qui arrive avec une bouche avec des soins comme ça, c’est des soins qui vont s’étaler sur plusieurs mois, voire des fois sur plusieurs années. »
A écouter ici
Par Sonia Kronlund – Radio France Culture – 29 avril 2029
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