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Dans un Vietnam inquiet, Macron tente de réveiller l’influence française

Arrivé dimanche soir à Hanoï, Emmanuel Macron va tenter, au fil d’une tournée qu’il l’emmène, cette semaine, du Vietnam à Singapour, en passant par l’Indonésie, de présenter la France en partenaire crédible d’une Asie du Sud-Est coincée entre une Chine de plus en plus oppressante et des Etats-Unis de moins en moins fiables.

Tout se passe désormais dans le temple de la littérature que les Français d’Indochine appelaient autrefois la « pagode des corbeaux ». Les responsables du régime vietnamien aiment, désormais, y recevoir les officiels étrangers pour un moment privé dans les jardins puis autour d’une tasse de thé noir. Ce lundi, c’est dans ce site du centre de Hanoï, consacré à Confucius, que To Lam, le tout-puissant secrétaire général du Parti communiste, doit discuter avec Emmanuel Macron du futur de leurs relations diplomatiques, en ouverture de la tournée en Asie du président français.

La France, qui tente de se présenter en partenaire crédible d’une Asie du Sud-Est coincée entre une Chine de plus en plus oppressante et des Etats-Unis de moins en moins fiables, aimerait réveiller son influence au Vietnam, où son poids économique ne cesse de fondre. L’an dernier, sa part de marché dans le pays (son poids dans les importations locales) est tombée à 0,5 %, alors qu’elle était encore 2,2 % en 2000 et même de 5 % dans les années 1990.

Grand gagnant du « Chine plus un »

Paris n’est plus que le 24e partenaire commercial du pays qui s’est, pourtant, imposé comme l’un des plus dynamiques de la région. « La progression de nos investissements au Vietnam est très inférieure celle de la croissance », remarque Thibaut Giroux, le président de la chambre de commerce et d’industrie France Vietnam, qui dirige, sur place, l’entreprise Stolz Miras. « Et cette visite présidentielle met peu l’accent sur le volet économique », note-t-il.

L’an dernier, le PIB vietnamien a encore progressé de 7 %. Profitant de la stratégie « Chine plus un » des grandes multinationales asiatiques et occidentales, le Vietnam a reçu, depuis le premier mandat de Donald Trump, plus de 100 milliards de dollars d’investissements directs pour construire de nouvelles usines, normalement protégées de la guerre commerciale entre Washington et Pékin.

Les grands groupes asiatiques, notamment chinois, coréens et japonais, sont très implantés. Et beaucoup d’acteurs européens ont suivi. « Les pouvoirs français ne sont, eux, pas assez constants dans leur démarche », regrette l’avocat Albert Franceskinj, du cabinet Fidal Franceskinj Chazard & Partners à Hô Chi Minh-Ville. Le juriste pointe le dynamisme des Italiens, des Allemands ou encore des Néerlandais qui génèrent désormais, chaque année, des échanges commerciaux supérieurs à ceux de la France.

Pendant ses deux journées à Hanoï, Emmanuel Macron aimerait inverser cette tendance en proposant un partenariat plus global au gouvernement vietnamien. Mais il arrive un peu tard, neuf ans après la précédente visite présidentielle de François Hollande, et au moment où Hanoï est concentrée sur l’équilibre de sa relation entre la Chine et Etats-Unis, malmené depuis le retour de Donald Trump au pouvoir.

La France « n’est pas un levier »

Le régime, qui refuse, comme toute la région, de choisir un camp entre les deux puissances a besoin de relations économiques et diplomatiques solides à la fois avec Pékin et Washington. « Et la France ne peut pas être utilisée comme un levier dans cette recherche vietnamienne d’une autonomie stratégique », explique Benoît de Tréglodé, directeur de recherche à l’IRSEM, qui pointe la poussée de stress du pouvoir de Hanoï depuis l’annonce du relèvement de droits de douane américains à 46 %.

« Après cette annonce, To Lam a été l’un des premiers dirigeants étrangers à promettre un effort pour faire baisser le déficit commercial enregistré par les Etats-Unis avec son pays », rappelle l’expert, très fin connaisseur des affaires vietnamiennes. L’an dernier, ce déficit américain a atteint 123 milliards de dollars. Intolérable pour le président républicain.

Dans ce contexte, les groupes français ont peu de chance de conclure des grands contrats structurants qui vont plutôt être réservés aux puissances pesant vraiment sur la géopolitique régionale.

« Dans les secteurs du nucléaire, des transports ou de la tech, les entreprises françaises ont les bonnes technologies mais pas le poids, ni la force de financement pour s’imposer », explique Albert Franceskinj.

Vietnamiens très pragmatiques

Le chantier de la ligne de train à grande vitesse, à 67 milliards de dollars, reliant Hanoï à Hô Chi Minh-Ville se jouera probablement entre un consortium japonais et un candidat coréen même si plusieurs groupes français ont participé avec succès à la construction de la section surélevée de la ligne 3 du métro de Hanoï.

Les négociations pour la construction, d’ici 2030, de la grande centrale nucléaire de Ninh Thuan se font désormais surtout avec la Russie et la Corée du Sud. Même si les Etats-Unis ont réussi à faire revenir dans le jeu, début mai, Westinghouse sur un projet de coopération avec PetroVietnam.

Emmanuel Macron doit toutefois parrainer, au cours de sa visite, la signature de nombreux protocoles d’accord, peu engageants, et peut-être la vente par Airbus d’un satellite d’observation de la Terre. « Les Vietnamiens sont très pragmatiques et ils savent ménager tous leurs partenaires pour que chaque visite officielle puisse être présentée comme un succès », sourit Albert Franceskinj.

Par Yann Rousseau – Les Echos – 25 mai 2025

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