Claude Blanchemaison, l’expérience vietnamienne
Jeune ambassadeur, Claude Blanchemaison est arrivé à Hanoï en 1989. Il revient sur ses années vietnamiennes où sa mission était d’inventer un nouveau modèle de coopération.
Il y a 50 ans, les troupes nord-vietnamiennes s’emparent de Saïgon, marquant la fin de la guerre du Vietnam et la victoire du Nord communiste. Dans le livre qu’il vient de publier aux Éditions Temporis, “Fragment d’un parcours aventureux”, Claude Blanchemaison fait notamment partager avec passion son expérience vietnamienne.
Jeune ambassadeur, Claude Blanchemaison arrive à Hanoï en 1989, avec pour mission première de tourner la page du colonialisme et d’inventer un nouveau modèle de coopération. Près de 15 ans après la guerre contre les Américains, il découvre un Vietnam en renaissance, à la fois sur les plans politique, économique et social…
Affiches Parisiennes : À votre arrivée au Vietnam, le pays s’est-il relevé de ces trop nombreuses années de combat ?
Claude Blanchemaison : C’est effectivement un temps assez long, durant lequel les États-Unis ont appliqué un boycott total. Quand je suis arrivé à Hanoï, il n’y avait pas un seul Américain sur le territoire vietnamien, que ce soit pour représenter leur pays ou pour faire du business.
Seuls, quelques sénateurs venaient périodiquement rencontrer les autorités vietnamiennes et prendre le pouls de l’évolution du pays, afin de décider si Washington devait rétablir des relations diplomatiques. Ces hommes politiques américains rendaient visite aux ambassadeurs occidentaux, essentiellement ceux des pays européens, pour faire, avec eux, un état des lieux.
Nous étions unanimes pour leur dire : “arrêtez votre boycott, qui est complètement anachronique. Il faut que les États-Unis reviennent. D’ailleurs, c’est ce que souhaitent les Vietnamiens”. Un certain nombre de sénateurs étaient d’ailleurs de cet avis, mais le retour a pris du temps, puisque les Américains ne sont revenus qu’au milieu des années 1990. L’ambassade a été rouverte en 1995.
J’ai donc vécu quatre années au Vietnam, sans les Américains. Peut-être devrais-je dire “heureusement”, parce qu’il y avait moins de concurrence sur le marché.
Quel pays avez-vous trouvé ?
Un pays appauvri par plus de 30 années de guerre. La lutte contre les Japonais durant la Deuxième Guerre mondiale, bien sûr la guerre française et enfin la guerre américaine. Le pays était dans un état de pauvreté extrême. Il avait été soutenu par l’Union soviétique, qui était le principal intervenant. Elle lui fournissait des armes, des équipements militaires, mais aussi une coopération civile importante, en construisant des centrales électriques et des infrastructures. À Hanoï, il y avait des coopérants soviétiques qui vivaient dans un camp, sans lien avec la population vietnamienne, à la différence des coopérants d’autres pays. D’ailleurs, il n’y a pratiquement pas eu de mariages mixtes entre Soviétiques et Vietnamiens.
Quand le mur de Berlin est tombé, le 9 novembre 1989, j’étais en poste depuis à peine six mois. Pour les Vietnamiens, cet événement majeur a fait l’effet d’une grande catastrophe. Ils se sont dit : “Mais qu’est-ce qui nous reste ?”, avec la perspective d’être dans la main des Chinois…
Dans la mesure où Paris était prêt à monter une coopération d’un nouveau type avec le Vietnam, notamment pour aider le pays à passer d’une économie planifiée à la soviétique à une économie de marché, les Vietnamiens ont été assez contents de retrouver ce contact avec les Français. Pendant la période qui suivit Dien Bien Phu, ces derniers n’avaient pas coupé tous les ponts, puisque nous avions encore une mission diplomatique à Hanoï. Le délégué général de France mourut d’ailleurs sous une bombe américaine. Accident, paraît-il. La ville était bombardée très fréquemment.
À mon arrivée dans le pays, la guerre se ressentait donc partout. Pour donner un exemple qui est en même temps culturel, vous savez qu’au Nord-Vietnam, on aime beaucoup le théâtre de marionnettes sur l’eau, actionnées par des artistes qui content des histoires. Ce spectacle auquel, naturellement, tous nos visiteurs voulaient se rendre, se trouvait, comme par hasard, à une adresse très particulière, “avenue de la Victoire sur les B 52” ! Depuis, ce théâtrea été transféré en centre-ville… Ce qui rappelait aussi la guerre, c’était le nombre très faible de restaurants. L’année où je suis arrivé, un seul restaurant privé avait survécu à tous ces événements, dans la vieille ville d’Hanoï, le Chà Cà, du nom d’un poisson préparé de façon très particulière, avec du curcuma et de l’aneth. L’endroit était évidemment excellent et très fréquenté.
Sur les trottoirs, on pouvait encore voir des trous, utilisés pendant la guerre, pour se protéger des bombardements. Un individu pouvait s’y abriter, avec un couvercle pour se protéger, tant bien que mal, des éventuelles bombes. Les Vietnamiens avaient voulu garder la marque de cette guerre, avec le musée de l’Armée. Ce dernier faisait également référence au très court conflit qui les opposa aux Chinois, en 1979. Très mécontent que les Vietnamiens occupent le Cambodge après avoir chassé les Khmers Rouges, alliés des Chinois à l’époque. Le prince Norodom Sihanouk s’était réfugié à Pékin. Pour les punir, les forces chinoises pénétrèrent sur environ 30 kilomètres au nord du Vietnam, en détruisant tout sur leur passage.
À ce sujet, deux histoires coexistent. Celles racontées par les Vietnamiens : “Nous avons vaincu les Chinois avec nos troupes locales nationalistes”. Et celle des Chinois qui se seraient retirés volontairement. Ils ne voulaient pas aller jusqu’à Hanoï, mais seulement donner une leçon aux Vietnamiens. Dans le Nord, près de la frontière chinoise, Dandong, un village brûlé par les Chinois était conservé en l’état. On pouvait le visiter comme un vestige de cette guerre récente. Il est aujourd’hui interdit de parler de ce conflit. Pour survivre, le régime a besoin de l’appui de Pékin. L’obsession des Vietnamiens était, néanmoins, de ne pas tomber sous l’influence exclusive des Chinois. C’est pourquoi, aujourd’hui, ils coopèrent beaucoup avec l’Europe. À l’époque, nous avons entraîné l’Europe à coopérer davantage.
Pour les Vietnamiens, les alliances militaires, c’est le passé. Ce qui compte, c’est une politique “tous azimuts”. Ils signent des accords de coopération avec tous ceux qui le souhaitent, y compris un accord stratégique avec les Américains, en prenant chez chaque partenaire ce qu’il y a d’essentiel. La France a également fortement incité le Vietnam à intégrer l’Asean, l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est. Cette organisation politique, économique et culturelle, compte actuellement dix pays.
À votre arrivée, comment avez-vous été accueilli par les autorités vietnamiennes ?
J’avais 45 ans à mon arrivée à Hanoï. J’étais donc un ambassadeur assez jeune, qui n’avait que de lointains souvenirs de ce que rapportait la presse française sur la chute de Dien Bien Phu. Je ne connaissais pas vraiment le Vietnam. Au moment où j’ai été pressenti pour ce poste, le ministre français de l’Agriculture m’a embarqué avec lui pour que je découvre le pays.
Lorsqu’un ambassadeur arrive dans un pays, où que ce soit, les autorités de ce pays portent rapidement un jugement global. Elles regardent si vous allez travailler dans un sens positif ou de façon négative. Il est important de donner une image positive. J’avais pour mission d’essayer d’effacer les séquelles de la période coloniale et de trouver un nouveau mode de coopération. C’était le bon moment. Tous les éléments indispensables au fonctionnement d’une économie de marché étaient absents du Vietnam. Par exemple, il n’y avait pas de Trésor public. Ce sont les gouverneurs des provinces qui percevaient l’impôt, pas des fonctionnaires des finances.
Chaque gouverneur gardait ce dont il avait besoin pour sa province – et peut-être pour lui – et envoyait le reste à Hanoï, c’est-à-dire pas grand-chose. Nous avons expliqué que ce n’est pas comme cela que fonctionnait un État moderne. Il fallait créer une direction générale des impôts indépendante. Nous avons ainsi établi une coopération assez originale. En effet, c’était directement le ministère des Finances français qui envoyait des fonctionnaires pour travailler avec les Vietnamiens et pour les former. Nous avons vu passer une noria de chefs de bureau et de sous-directeurs du ministère des Finances. Tout cela était placé sous la houlette d’un inspecteur des finances, Jacques de Chalendar, qui chapeautait la coopération internationale au ministère des Finances. Notre problème était de fournir aux Vietnamiens des instruments techniques qui permettent de faire fonctionner une économie de marché.
Par ailleurs, le président de la Chambre économique et financière de la Cour de cassation à Paris, Pierre Bézard, était né à Saïgon. Son père était fonctionnaire de l’enregistrement, je crois. Quand on lui a proposé d’effectuer une mission au Vietnam pour aider à établir un code de commerce, il a évidemment été enchanté. Il passait très régulièrement une quinzaine de jours à travailler avec le dernier ministre vietnamien de la Justice qui était francophone, pour rédiger avec lui les différents articles du code de commerce.
Les Vietnamiens vous ont-ils livré leur version de ces deux guerres qu’ils venaient d’affronter successivement, celle contre les Français et celle contre les Américains ?
Ils n’ont jamais vraiment abordé, avec moi, leur guerre contre les Américains. Je n’étais naturellement pas l’interlocuteur idéal. Ils faisaient néanmoins une différence entre les deux conflits. Pour eux, la guerre américaine avait été beaucoup plus technologique et beaucoup plus brutale. Bien sûr, il y avait eu de la souffrance et des morts dans les deux guerres mais ils ne gardaient pas un trop mauvais souvenir des Français.
Les choses ont évolué quand le film de Pierre Schoendoerffer consacré à Dien Bien Phu est sorti. Il est venu au Vietnam pour le présenter. C’était plus probant que tous les discours plus ou moins remplis d’émotion.
Lors de la projection dans un cinéma d’Hanoï, devant nos anciens combattants présents, j’ai demandé à toute la salle de se lever – j’avais fait la même chose lors de ma visite du champ de bataille – et d’observer une minute de silence, pour tous ceux qui, dans les deux camps, étaient morts à Dien Bien Phu. C’est tout simplement ce que souhaitaient les Vietnamiens.
Le 14 juillet 1989, le général Giap entre pour la première fois dans l’ambassade de France. Vous souvenez-vous de cette visite pleine de symboles ?
Oui, c’était même une forte émotion, surtout que cette visite n’était pas planifiée. À mon arrivée, au printemps 1989, lors des traditionnelles visites protocolaires, j’avais rendu visite au général Giap, qui était alors l’un des six vice-Premiers ministres, un peu à titre honorifique… On lui avait donné comme tâche technique de supervision du domaine de la Recherche. Naturellement, il m’avait parlé de Dien Bien Phu. Comme je l’interrogeais sur la stratégie française, il m’a dit : “Vous savez, le plan Navarre était très bien conçu. Nous aurions pu être vaincus”. Puis, avec une pointe d’’espièglerie : “Si j’avais suivi les directives de mes conseillers militaires chinois, je crois que j’aurais perdu cette guerre”.
Comme ils l’avaient fait en Corée du Nord, les Chinois conseillaient, semble-t-il, de lancer des vagues humaines successives, une tactique qui, naturellement, provoque des milliers de morts. Le général Giap avait préféré faire autrement. D’abord, utiliser l’artillerie et creuser des tunnels pour s’approcher des points stratégiques sur les collines qui surplombent la plaine de Dien Bien Phu, afin de s’en emparer les uns après les autres, y compris en pratiquant des sapes souterraines. C’est effectivement ce qu’il a fait, avec le résultat que l’on connaît. Comme il me le disait : “Naturellement, il y a eu beaucoup de morts, mais nous n’avons perdu ni hélicoptère ni avion. D’ailleurs, nous n’en avions aucun”. Voilà la façon dont le Général s’exprimait et plaisantait, même avec les choses les plus tragiques, parce que la guerre, c’est quand même la tragédie absolue.
Le jour du 14 juillet 1989, ma première fête nationale à Hanoï, les ambassades de France avaient reçu des instructions, où qu’elles soient, de donner un faste particulier à cette célébration, puisqu’elle marquait le bicentenaire de la Révolution française. Nous avions donc mis les petits plats dans les grands, en invitant beaucoup de monde, Vietnamiens, Français, corps diplomatique officiels, milieux d’affaires, artistes. Quelques heures avant l’ouverture de l’ambassade, mon interlocuteur du ministère des Affaires étrangères vietnamien m’a téléphoné pour me dire : “Écoutez… Le général Giap veut absolument venir célébrer l’anniversaire de la Révolution française.” Formidable, très bien. “Oui, mais vous savez, il est général, il a fait beaucoup de guerres, il n’a pas l’habitude d’attendre, donc il faut que vous soyez à la porte de l’ambassade pour le recevoir.” Pas de problème. En effet, à l’heure dite, arrive une grosse limousine soviétique, escortée de quelques motards. Le général Giap en sort, non pas en uniforme, comme d’habitude, mais habillé un costume, en bourgeois en quelque sorte. Il est accompagné de sa seconde épouse, une professeure d’université. Tout sourire, il entre dans la Résidence, une petite villa, construite pour le général De Lattre de Tassigny lorsqu’il était Commandant en chef, le général Giap le savait bien.
Nous parlons et il commence à prendre, de façon naturelle, des livres posés sur une table basse : “J’ai beaucoup de mal à trouver des livres français. Puis-je vous en emprunter deux ou trois ?” Alors, son capitaine aide de camp, rafle la plupart des livres. J’étais ravi de cet emprunt…
Nous avons parlé et, au bout d’une vingtaine de minutes, mon premier conseiller vient me dire : “Écoutez, Les gens sont maintenant tous rentrés. Il fait très chaud sur la pelouse. On transpire beaucoup. Peut-on commencer ?” Je demande à mon hôte, s’il veut bien venir avec moi. Les invités, Français comme Vietnamiens, sont stupéfaits de découvrir la présence du Général. Personne n’était au courant sauf les officiels vietnamiens. Et le général Giap s’avance et serre des mains à son passage. Nous prenons position pour écouter les deux hymnes nationaux, comme cela est la coutume, et Giap me dit : “J’aimerais chanter La Marseillaise avec vous, parce que c’est un chant révolutionnaire !” Ensuite, je fais mon discours. Comme il représentait le Gouvernement vietnamien, je lui demande s’il veut dire quelques mots. Il fait alors une petite intervention, dans un français parfait. Le message était clair… “Il faut que les entreprises françaises reviennent tout de suite. Les Américains finiront bien par revenir, une fois qu’ils auront levé leur embargo. Il faut que vos entreprises viennent rapidement, sinon vous n’aurez pas la place que vous voudriez avoir.”
Ce message était très important pour les représentants des entreprises françaises présents. La fête a continué. J’avais fait venir un orchestre vietnamien, qui jouait des airs français. Comme je suis originaire de Touraine, j’avais fait venir pas mal de produits régionaux. On a vu le général Giap saucissonner, manger des rillettes, des rillons, parler aux uns, aux autres, boire un peu de Chinon… C’était très, très surprenant. Bien sûr, c’était un numéro de charme. Bien sûr, il était en service commandé. Peut-être nous manipulait-il… Mais moi aussi, puisque j’avais comme instruction d’effacer les conséquences de la colonisation et de la guerre et qu’il acceptait de participer à l’opération.
À l’époque, ce qui m’a beaucoup aidé, c’est toute l’équipe des vieux Vietnamiens francophones qui ava ient combattu contre les Français et qui nous connaissaient donc assez bien. J’ai même tenté apprendre le vietnamien pour leur être agréable, mais c’était un peu compliqué. Je me suis mis à circuler dans tout le pays pour le découvrir et nouer des contacts, au hasard des rencontres. Il se trouve que le directeur général de la télévision vietnamienne, poste éminemment idéologique, était tri-culturel avec un père, mandarin chez Bao Dai, passé à l’ennemi au moment où le Nord avait envahi Hué. Évidemment, Il parlait parfaitement français. Après 30 années de guerre, le Vietnam avait une télévision faite de bric et de broc, de bouts de ficelle, avec un vieux car-régie donné par les Tchèques, mais qui ne roulait plus depuis longtemps. Ce directeur général voulait que nous lui installions une parabole pour capter les émissions que notre coopération officielle proposait aux étrangers. Finalement, nous avons créé des cours de français à la télévision.
Avec Pham Khac Lam, nous allions visiter des stations régionales. Pour moi, c’était une introduction très importante qui me permettait de me rendre compte de ce qui se passait réellement dans les régions. Il venait, de temps en temps, déjeuner à l’ambassade. Naturellement, il était sans doute sous instruction. De toute façon, personne n’était dupe. Dans un régime communiste, c’est comme dans les ordres, on ne se déplace pas seul. Il faut toujours un témoin. L’espièglerie était que le témoin, généralement son adjoint, ne parlait que le vietnamien et faisait semblant d’écouter, sans comprendre ce que nous disions. À l’époque, cela faisait partie du système, y compris – je raconte cette anecdote dans mon livre – le système de téléphone très ancien, avec des centraux à fiches. Quand je voulais appeler Paris, je passais par les PTT vietnamiens. J’avais toujours la même jeune femme, qui faisait des commentaires, en français. Je ne l’ai jamais rencontrée, mais nous échangions quelques mots. Elle était évidemment chargée d’écouter et d’enregistrer mes conversations, puisque tout le monde était écouté… Mais ça, c’est la règle générale et dans beaucoup de pays du monde. Il suffit donc de le savoir. Ce n’est pas très grave. Un jour, Alcatel a vendu un central téléphonique moderne à Hanoï et je n’ai plus jamais eu la mademoiselle des PTT en ligne. Une pointe de romantisme s’était évanouie…
Justement, durant votre présence au Vietnam avec le général Giap, vous a-t-il parlé de la guerre contre les Américains ?
Très peu. Il y a probablement deux raisons à cela. Je n’étais pas le bon interlocuteur et il n’avait pas envie de m’en parler. Cela dit, lorsque des officiels américains venaient le voir, notamment Robert McNamara, et lui posaient des questions sur ce qui était arrivé précisément tel jour, en baie d’Along… Il donnait des détails. Mais ça, c’était public. Il l’avait déjà raconté dans la presse locale. En fait, chacun restait sur ses positions. Il est vrai que des personnalités, comme McNamara, étaient très curieuses de savoir ce le général Giap pensait. Ils ont probablement eu des conversations intéressantes. Pendant sa visite d’État, en février 1993, le président Mitterrand a eu, lui aussi, une conversation avec le Général, mais personne n’a jamais su quel avait été son contenu.
En tout cas, ce général vous a laissé un grand souvenir, puisque vous lui avez consacré un livre, “La Marseillaise du Général Giap”. Pourquoi ce livre et quels en sont les temps forts ?
C’est un petit livre de 120 pages, paru chez l’éditeur Michel de Maule. J’avais pris ma retraite depuis peu de temps et l’idée m’est effectivement venue, le 14 juillet 2000, d’écrire ces lignes consacrées au général Giap, sa première visite à l’ambassade de France et un peu de mon expérience vietnamienne durant ces quatre années. C’est donc ce que j’ai fait. Nous avons publié ce livre que les Vietnamiens ont ensuite entrepris de traduire et qui, là-bas, est devenu “Mémoire d’un ambassadeur à Hanoï”.
Pour terminer, quels souvenirs gardez-vous de ces années au Vietnam ?
De bons souvenirs, d’abord parce que la mémoire efface les mauvais… Certes, ce n’était pas drôle tous les soirs. En 1989, à Hanoï, il n’y avait rien. Pratiquement pas de restaurants, pas de bars. Le Vietnam a néanmoins changé au cours de ces quatre années. Le pays s’est transformé rapidement. À l’époque, je disais à tous mes amis : “Venez me rendre visite. Vous verrez à quoi le pays ressemble. Et puis ça fera un peu d’animation”. Il y a ainsi une de noria de personnes, y compris les officiels, qui ont fait le voyage. Grâce à trois films. – “Indochine”, de Régis Wargnier, avec Catherine Deneuve, “L’Amant”, de Jean-Jacques Annaud, et “Dien Bien Phu”, de Pierre Schoendoerffer –, le Vietnam était devenu à la mode.
Dans ce pays, la parole était finalement assez libre, avec des codes, bien entendu. Elle était libre dans les conversations en tête-à-tête, un peu moins si les propos risquaient de devenir publics. Mais enfin, d’une manière générale, J’ai beaucoup discuté avec le Premier ministre Phạm Minh Chính, qui était alors vice-Premier ministre. Il a fait beaucoup de choses pour libéraliser l’économie, un peu moins pour la politique. Il me disait : “Écoutez, on a encore besoin de quelques décennies pour rendre ce pays autonome, en ayant des rapports apaisés avec la Chine, mais aussi avec l’Europe.” Nous avons poussé pour qu’il y ait un accord de coopération entre le Vietnam et l’Union européenne.
Je vois donc ma présence dans ce pays comme une période très active de ma vie, avec parfois une certaine nostalgie…
Par Jean-Paul Viart – Mesinfos.fr – jeudi 25 septembre 2025
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