Birmanie : l’exploitation des terres rares par les compagnies chinoises cristallise les tensions
En Birmanie, la question des terres rares exploitées par la Chine est devenue hyper sensible à l’approche des élections législatives, que la junte a prévu d’organiser d’ici deux mois. La tension est particulièrement forte dans la région de Kachin, frontalière avec la Chine.
La Chine a progressivement transféré depuis une dizaine d’années ses activités d’extraction très polluantes des terres rares, vers la Birmanie. Selon un rapport publié au mois de mai par l’ONG basée à Washington, EarthRights International, les terres rares lourdes de la région Kachin contiennent deux éléments indispensables à la production d’éoliennes et de batteries de véhicules électriques : le dysprosium et le terbium. Le rapport souligne que depuis 2021, avec la croissance accélérée de la demande mondiale en énergie verte, l’extraction de terres rares lourdes dans l’État Kachin a fortement augmenté, de sorte qu’il est aujourd’hui presque impossible de trouver des aimants dans le monde qui ne contiennent pas des terres rares en provenance de Kachin.
Cette exploitation n’est pas sans conséquences
Oui, l’exploitation sauvage des mines a généré une grave contamination des cours d’eau par des métaux lourds et des éléments radioactifs. Des analyses d’échantillons prélevés par EarthRights International et l’ONG locale Bridge ont révélé que les sols et rivières étaient contaminés et la pollution se propage rapidement en dehors des frontières et a provoqué la protestation des autorités et de la population thaïlandaise. Selon le directeur juridique d’EarthRights International, Ben Hardman : « Les trois rivières transfrontalières du nord de la Thaïlande sont polluées. Et des analyses menées par l’Université Naresuan en Thaïlande démontrent que 70 % de la pollution aux métaux lourds présente dans l’eau des rivières provient de la même source que les polluants des rivières de Kachin ». Pour Ben Hardman, les entreprises importatrices des terres rares Birmanes telles que Tesla et Volkswagen doivent renforcer le contrôle de leur chaine d’approvisionnement et surtout ne pas financer la guerre des terres rares.
Une instabilité politique persistante depuis le coup d’État de 2021
Mais le contrôle réel de la junte dans le pays est très limité. Fin 2024, l’Organisation pour l’indépendance Kachin et sa branche armée, ont pris le contrôle total de toutes les zones d’extraction de terres rares lourdes en Birmanie. Pour Kim Ji-min, militante Birmane vivant en France, il ne fait aucun doute que le contrôle de ces mines est l’une des raisons pour lesquelles la junte tient à organiser ces élection. « La Chine a toujours exploité de cette manière, ils n’interviennent pas directement mais en faisant des pressions. Comme ils veulent exploiter les mines, ils vont demander à la junte d’organiser les élections pour avoir tous les contrats et les pouvoirs d’exploitation ».
Le Rapporteur spécial des Nations unies Tom Andrews dans son rapport publié il y a un an, a décrété que toute élection gérée par la junte manquerait de crédibilité, (et que si la junte poursuit ses plans électoraux, elle ne fera que diviser et envenimer davantage le pays). Le rapporteur a également exhorté les organisations internationales, dont l’ONU, à refuser de reconnaître la junte militaire et à ne pas inviter ses représentants aux forums et événements internationaux. Mais ce qui n’a pas empêché à la Russie d’inviter le dirigeant de la junte militaire Birmane d’assister à la cérémonie pour les 80 ans de la victoire face à l’Allemagne nazie et au président Chinois de rencontrer le chef de la junte Birmane à Moscou au mois de mai dernier.
Par Yang Mei – Radio France Internationale – 21 octobre 2025
Articles similaires / Related posts:
- En Birmanie, le combat d’une tribu contre un projet chinois de mine de plomb Dans les collines birmanes, un projet chinois d’extraction de plomb, encouragé par le boom des batteries électriques, menace de détruire les moyens de subsistance d’une petite tribu qui a organisé sa défense, par crainte de « disparaître »....
- Comment la guerre civile se nourrit des terres rares La guerre d’Ukraine et les tensions commerciales sino-américaines ont fait de l’accès aux terres rares un enjeu stratégique largement débattu publiquement. Ce défi politico-économique connaît toutefois un angle mort dans les débats : la dépendance de la République populaire de Chine aux ressources birmanes. Le sujet est loin d’être anodin. La guerre civile et les récentes conquêtes territoriales des ennemis de la junte installée à Nay Pyi Taw depuis février 2021 ont changé la donne des approvisionnements chinois....
- La Birmanie est-elle tombée dans un piège financier chinois ? La diplomatie américaine retrouve un intérêt pour la Birmanie au moment où l’influence chinoise sur celle-ci devient de plus en plus prégnante. Washington commence à comprendre qu’en se retirant quelque peu du jeu géostratégique régional depuis 2017, elle a fait le lit de son rival local....
- Le retrait des investisseurs étrangers se confirme Myanmar Metals, une société à capitaux australiens, vient d’annoncer la vente de ses parts dans l’entreprise à l’un de ses partenaires locaux, ce qui marque son retrait du pays....
- Il faut tout faire pour éviter une guerre civile, exhorte la Chine Il faut éviter « davantage de violences » et « une guerre civile » en Birmanie, a déclaré vendredi l’ambassadeur chinois à l’ONU à l’issue d’une réunion du Conseil de sécurité au cours de laquelle la nouvelle émissaire onusienne a dit espérer bientôt aller dans le pays....