Cyberfraude en Birmanie : l’homme d’«affaires» chinois She Zhijiang extradé par la Thaïlande
Accusé de liens avec le centre de jeux et de fraude de Shwe Kokko, une ville birmane, She Zhijiang avait été placé en détention à Bangkok en Thaïlande en 2022, après avoir passé plus d’une décennie à fuir les autorités chinoises qui le recherchaient.
À l’issue d’une longue bataille légale, un tribunal thaïlandais a ordonné, lundi 10 novembre, l’extradition sous 90 jours de l’homme d’affaires de 43 ans, qui détient également la nationalité cambodgienne.
Il a décollé ce mercredi de l’aéroport Suvarnabhumi de Bangkok vers 16h30 (09h30 TU), selon la source policière. L’homme d’affaires a été escorté de la station de police de l’aéroport jusqu’à son avion, les mains menottées dans le dos par des policiers armés et masqués, une pratique peu commune en Thaïlande.
Recherché en Chine
Né en 1982 à Shaodong, un village de la province du Hunan, dans le sud de la Chine, She Zhijiang quitte l’école à 14 ans et apprend la programmation informatique. D’après la BBC, il se serait installé aux Philippines vers l’âge de 20 ans pour se lancer dans les jeux d’argent en ligne.
En 2014, un tribunal chinois l’a reconnu coupable de loterie illégale. Au fil des années, il a étendu son activité de jeux d’argent au Cambodge et à d’autres pays de la région.
Il était recherché également par Interpol qui avait émis contre lui une notice rouge publiée en mai 2021 et obtenue par l’AFP. Outre les jeux d’argent, She Zhijiang était aussi lié à des trafics d’êtres humains, à de l’extorsion et des escroqueries en ligne.
She Zhijiang et son entreprise, Yatai, ont fait l’objet de sanctions de la part des gouvernements britannique et américain. Washington affirme qu’il a transformé un village situé à la frontière entre la Birmanie et la Thaïlande en Shwe Kokko, « une ville touristique construite sur mesure pour les jeux d’argent, le trafic de drogue, la prostitution et les escroqueries ciblant des personnes du monde entier ». Cette ville est l’une des plus célèbres plaques tournantes similaires qui prospèrent dans les régions frontalières en Birmanie, devenues de véritables foyers d’activités illicites depuis le début de la guerre civile dans le pays en 2021.
Des usines à arnaques en ligne
Ces plaques tournantes sont connues dans le monde entier pour abriter des usines à arnaques sur internet où des travailleurs, dont certains sont victimes de trafic d’êtres humains, escroquent des étrangers par des arnaques sentimentales et commerciales, pour un montant se chiffrant en milliards de dollars chaque année.
Dans des déclarations judiciaires consultées par l’AFP, She Zhijiang a nié toute activité criminelle et assuré que sa société n’était qu’un simple « promoteur immobilier ». Son avocat, Daniel Arshack, a déclaré à l’AFP que les accusations portées contre elle étaient « fabriquées de toutes pièces » et qu’une fois en Chine, « il est probable qu’il sera privé de procédure régulière, torturé et finalement disparaîtra ». Son avocat thaïlandais, Sunya Eadjongdee, a refusé de commenter la situation mercredi, expliquant qu’une extradition était une affaire confidentielle.
Selon un rapport de l’ONU, les victimes d’escroqueries en Asie de l’Est et du Sud-Est ont perdu jusqu’à 37 milliards de dollars (32 milliards d’euros) en 2023, et les pertes au niveau mondial sont probablement « bien plus importantes ». Pékin a mené une campagne de pressions internationales pour démanteler les réseaux d’escroquerie, irrité de voir ses citoyens attirés par ce secteur et escroquer d’autres Chinois. La Chine a condamné à mort cinq personnes ce mois-ci pour leur implication dans un gang criminel violent opérant dans la région de Kokang, en Birmanie.
Radio France Internationale – 12 novembre 2025
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