Jeunes cinéastes vietnamiens et français : une opportunité d’or pour une nouvelle dynamique de création
Au cœur de la Semaine du cinéma vietnamien à Paris, une table ronde a réuni réalisateurs, producteurs et experts des deux pays. Dans un marché vietnamien en plein essor, les échanges ont mis en lumière les conditions d’une coopération durable et les perspectives d’une nouvelle génération prête à s’affirmer sur la scène internationale.
La rencontre s’est déroulée le 8 décembre au ParisTech Alumni (5 Quai Voltaire, Paris 7e). Elle a été coorganisée par l’Association vietnamienne de promotion du développement cinématographique (VFDA) et AVSE Global, sous le patronage de l’ambassade du Vietnam en France.
L’événement a réuni de jeunes réalisateurs, des producteurs, des représentants d’écoles de cinéma ainsi que de nombreux experts franco-vietnamiens.
Ces dernières années, les jeunes cinéastes vietnamiens se sont imposés sur la carte mondiale du cinéma, remportant des prix prestigieux dans de grands festivals et figurant dans des sélections majeures, dont les shortlists des Oscars.
Une « nouvelle vague » audacieuse, empreinte d’humanité et de singularité culturelle, contribue ainsi à redéfinir le paysage du cinéma vietnamien.
Selon Mme Ngô Phuong Lan, présidente de la VFDA : « Le cinéma vietnamien connaît une dynamique remarquable. En 2024, les films vietnamiens ont atteint près de 50% de part de marché, contre 30% avant la pandémie ; en 2025, cette part pourrait grimper à 65–70%. Plusieurs œuvres indépendantes et films d’auteur remportent des succès notables dans les festivals internationaux. Une nouvelle génération avance avec enthousiasme et assurance sur la voie de la création ».
Cependant, pour aller plus loin et toucher un public international plus large, les jeunes talents ont encore besoin de formations, de programmes de développement de projets et de soutien professionnel, notamment dans les domaines clés que sont la post-production, les techniques de fabrication et l’accès aux plateformes internationales.
La table ronde s’est articulée autour de deux axes principaux : le renforcement des capacités de développement de projet pour les jeunes cinéastes vietnamiens et les conditions nécessaires à l’extension de la coopération et de la coproduction franco-vietnamienne.
Les discussions ont également souligné l’importance d’articuler culture et industrie cinématographique au travers de programmes de formation et de partenariats visant à favoriser un développement durable et artistiquement riche du cinéma vietnamien.
L’événement a ainsi servi de passerelle entre des institutions de référence comme le CNC, l’École La Fémis, l’Institut français (IF Paris) et des initiatives régionales telles que DANAFF Talents, contribuant à structurer un réseau de soutien pour les talents émergents vietnamiens, européens et asiatiques. La table ronde a par ailleurs réaffirmé la position du Vietnam comme un cinéma jeune, dynamique et prometteur, prêt à s’affirmer sur la scène mondiale.
À travers différentes séances de travail, les intervenants ont analysé les modèles de soutien durable et les mécanismes de coproduction internationale, efficaces en Europe et en Asie, afin d’identifier des pistes adaptées au contexte vietnamien.
La productrice Trân Thi Bich Ngoc a insisté sur l’importance fondamentale de la compréhension mutuelle dans tout partenariat : « Il faut comprendre les personnes, leurs sensibilités, établir la confiance et partager une esthétique commune. C’est le socle indispensable pour trouver le bon partenaire, au Vietnam comme à l’international ».
Dans cette perspective, DANAFF Talents souhaite établir une stratégie pérenne en créant un réseau de soutien mêlant écoles, producteurs et organisations internationales, afin d’offrir un espace de rencontre entre producteurs européens et jeunes cinéastes vietnamiens.
La réalisatrice Hà Lê Diêm a rappelé l’un des obstacles majeurs des documentaires indépendants : le financement de la post-production. « La post-production est toujours un défi. Ce n’est pas seulement mon cas, c’est une difficulté commune à de nombreux jeunes documentaristes vietnamiens ».
Un marché en pleine expansion
Partant de ces constats, les experts internationaux ont élargi le débat aux mécanismes de soutien existants.
Michel Plazanet, directeur adjoint des affaires internationales du CNC, a présenté des chiffres illustrant la progression tangible des projets vietnamiens : « Sur les 24 projets ayant reçu un soutien du CNC, sept sont vietnamiens. Alors que chaque pays représente en moyenne 13% des projets soutenus, le Vietnam atteint 29% cette année – un résultat impressionnant, révélateur de la qualité et de la compétitivité croissante des projets vietnamiens ».
Le producteur Christophe Bruncher, fondateur du programme Ties That Bind et enseignant invité à La Fémis, a détaillé les conditions essentielles pour qu’un projet puisse accéder à la coproduction internationale : « Un projet doit d’abord être solidement développé dans son pays d’origine. Il n’a pas besoin d’être parfait, mais suffisamment affirmé pour que ses partenaires potentiels perçoivent sa vitalité et son potentiel. Les structures contractuelles d’une coproduction sont ouvertes, flexibles ; elles peuvent s’adapter au mieux aux spécificités de chaque projet ».
Il a également souligné le contexte extrêmement favorable du marché vietnamien : « Nous sommes dans une période idéale pour coproduire avec le Vietnam. Les films indépendants vietnamiens récoltent des succès remarquables dans les festivals internationaux. Le marché domestique se développe fortement, les entrées en salle augmentent, et il est réjouissant de voir un public de plus en plus nombreux se rendre au cinéma ».
Parallèlement aux questions de production, le réalisateur Flavyen Dupont, enseignant en production et post-production à ISCOM Paris, a souligné les perspectives créatives qui s’ouvrent entre les deux cinémas, notamment après avoir découvert le film Tử chiến trên không (Bataille mortelle dans le ciel) : « Le cinéma vietnamien regorge de surprises. Une coproduction franco-vietnamienne peut se décliner dans de multiples directions : horreur, thriller, film d’auteur, œuvre commerciale… les possibilités sont très larges ».
Sur le volet formation, la professeure Anna Lê Van Ra a exprimé son admiration pour la nouvelle génération : « J’ai eu l’occasion de travailler avec plusieurs jeunes réalisateurs, scénaristes et chefs opérateurs vietnamiens. Je suis impressionnée par leur créativité, leur dynamisme, leur pragmatisme et leur remarquable capacité à collaborer. Nous pouvons aller encore plus loin dans la coopération cinématographique entre la France et le Vietnam, en particulier en misant sur les jeunes talents ».
Christophe Bruncher a conclu en réaffirmant que la période actuelle constitue une véritable « opportunité d’or » : « C’est un moment privilégié pour travailler avec le Vietnam, un pays où le cinéma explose et où de nombreuses sociétés de production émergent rapidement, une évolution impensable il y a dix ans ».
Par Thu Trang & Câm Sa – Le courrier du Vietnam – 11 décembre 2025
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