Le boom du tatouage au Vietnam
Longtemps associé à la marginalité, le tatouage connaît au Vietnam une transformation spectaculaire. De plus en plus visible dans les rues de Ho Chi Minh-Ville ou de Hanoï, il s’impose aujourd’hui comme une pratique artistique, identitaire et générationnelle.
Cette montée en puissance s’accompagne de mutations sociales, d’enjeux sanitaires et d’un développement qui s’inscrit dans un mouvement global déjà bien installé dans de nombreux pays.
Une croissance fulgurante des salons
Le phénomène est impossible à ignorer : le Vietnam voit se multiplier les salons de tatouage à un rythme impressionnant. En 2025, les plateformes de données recensent entre 1 359 et 1 744 établissements sur l’ensemble du territoire, dont près de 300 rien qu’à Ho Chi Minh-Ville. Cette expansion témoigne à la fois d’une demande croissante et d’une professionnalisation marquée. Les studios investissent les réseaux sociaux, développent leur image de marque et attirent parfois une clientèle internationale venue chercher un style propre aux artistes vietnamiens.
Le pays voit également apparaître un nombre croissant de services de détatouage, près d’une centaine en 2025, signe que le marché touche désormais toutes les étapes du cycle de vie d’un tatouage, de la création à l’effacement. Ce phénomène évoque l’évolution observée dans des pays où le tatouage s’est largement diffusé : en France, par exemple, on compte entre 4000 et 5000 salons. Ces chiffres donnent un ordre de grandeur utile pour comprendre que le Vietnam entre aujourd’hui dans une phase d’expansion rapide.
Du stigmate à l’expression de soi
Le regard porté sur les corps tatoués au Vietnam a profondément évolué. Pendant des décennies, l’encre a été associée à la délinquance, aux prisonniers, aux gangs ou à une image d’homme “dur”. Mais depuis une dizaine d’années, les villes vietnamiennes ont vu émerger de nouvelles générations qui s’approprient le tatouage comme un moyen d’expression personnelle, une évolution que d’autres pays ont également connue lorsque les motifs visibles ont cessé d’être un marqueur social négatif.
Dans les cafés, les universités ou les espaces de coworking, les avant-bras et chevilles tatoués ne surprennent plus. Les préjugés reculent, même si certaines limites demeurent dans le monde professionnel, où les tatouages très visibles peuvent encore être mal perçus. Beaucoup de jeunes optent ainsi pour des zones faciles à dissimuler, comme les côtes, les cuisses ou le haut du bras.
L’évolution est aussi artistique. Les studios vietnamiens mêlent aujourd’hui influences occidentales et motifs locaux (lotus, dragons, calligraphies) pour produire des œuvres hybrides. Certains artistes sont suivis comme de véritables créateurs et attirent désormais des touristes spécifiquement venus pour se faire tatouer à Saïgon, Hanoï ou Hoi An. Le tatouage devient ainsi un langage visuel mondialisé dans lequel la culture vietnamienne affirme progressivement sa place.
Motivations et pratiques : le choix d’une génération
Pour les jeunes Vietnamiens, se faire tatouer relève avant tout d’un désir personnel : raconter une histoire intime, affirmer une identité ou marquer un événement important. L’esthétique joue un rôle clé, tout comme l’influence des réseaux sociaux, des artistes internationaux ou des tendances globales.
Les piercings suivent une trajectoire similaire. Beaucoup de studios proposent désormais tatouages et piercings, ce qui traduit la convergence des pratiques corporelles dans une jeunesse urbaine connectée et en quête de nouvelles façons d’affirmer son style. Cette démocratisation accompagne une évolution sociétale plus large : montée de l’individualisme, globalisation culturelle et affirmation des choix personnels. Là où les générations précédentes privilégiaient la discrétion et l’harmonie sociale, les nouvelles n’hésitent plus à inscrire leurs convictions et leurs émotions sur leur peau, comme une forme contemporaine de récit de soi.
Entre risques sanitaires et régulations nécessaires
L’essor du tatouage soulève toutefois des préoccupations sanitaires. L’hôpital de dermatologie de Ho Chi Minh-Ville observe une augmentation des complications : réactions allergiques, infections, cicatrices hypertrophiques ou transmissions d’agents pathogènes lorsque les normes d’hygiènes ne sont pas respectées. Les risques sont particulièrement présents dans les studios non déclarés, où les conditions de stérilisation peuvent être insuffisantes.
Le contraste est frappant avec les pays où la pratique est plus ancienne : en France, par exemple, les discussions sur la qualité des encres, la formation obligatoire des artistes ou les protocoles sanitaires sont devenus des sujets récurrents. Les studios professionnels vietnamiens s’en inspirent déjà dans leur organisation, mais le cadre réglementaire reste inégalement appliqué. La rapidité de l’expansion du marché rend la mise en place de normes d’autant plus urgente pour garantir la sécurité des clients et la pérennité des artistes.
Lepetitjournal.com – 13 décembre 2025
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