Birmanie : un pays en guerre civile qui se prépare sans envie à voter
Dimanche, le pouvoir militaire organise les premières élections générales depuis le coup d’État de 2021, afin d’obtenir une légitimité par les urnes. Mais personne à part la junte ne souhaite se déplacer voter.
Des élections générales sont organisées en Birmanie, élections législatives, qui vont se dérouler en plusieurs phases à partir de dimanche et se poursuivre jusqu’à la fin du mois de janvier. Ce sont les premières depuis que la junte militaire, par un coup d’état en février 2021, a mis fin à une parenthèse démocratique de 10 ans, plongeant le pays dans une guerre civile et la répression de plusieurs dizaines de milliers de prisonniers politiques sous les verrous. Mais ces élections, de l’avis de l’ensemble des observateurs, l’ONU en tête, et de la presse du monde entier, n’ont aucune crédibilité. Elles n’ont pas pour but d’ouvrir une nouvelle page démocratique dans le pays, mais de permettre à la junte de légitimer son pouvoir, peut-on lire sur le site de la radio en exil Democratic Voice of Burma, et ce même si l’homme fort du pays, le général Min Aung Hlaing, a encore répété ces derniers jours qu’il confiera le pouvoir aux vainqueurs. Le quotidien The Irrawaddy, également en exil, rappelle que la Constitution rédigée par la junte octroie automatiquement un quart des sièges aux militaires, ce qui signifie que leur allié, le Parti de l’union, de la solidarité et du développement, n’a besoin que de 26% des suffrages pour que le pouvoir actuel garde le contrôle du pays. Un score tout à fait réalisable puisque l’opposition a été largement réprimée.
Néanmoins l’enjeu pour la junte, c’est celui de la légitimité, donc de la participation. Or les militaires, depuis le début de la guerre civile, ont perdu le contrôle d’une grande partie du pays, aux mains de groupes armés pro-démocratie de de milices ethniques qui ont annoncé qu’ils boycotteraient le scrutin. Le Times et la BBC racontent alors la pression qui pèse sur la population, les menaces à la fois des milices armées qui les incite à ne pas voter, et les menaces des militaires pour qu’ils se rendent aux urnes car comme le formule le général Min Aung Hlaing, « refuser de voter revient à rejeter le progrès vers la démocratie ». La BBC rapporte notamment le témoignage d’une jeune femme qui a fuit son village sous les bombardements du régime : « Si nous sommes arrêtés et que nous refusons de voter, ils nous mettront en prison et nous tortureront. Nous nous sommes enfuis pour ne pas avoir à voter. »
Et puis voter pour qui de toute façon ? La plupart des partis autorisés à présenter des candidats ont des liens avec les militaires. Selon le Guardian, 57% des partis présents lors des dernières élections générales en 2020 n’existent plus, alors qu’ils avaient gagné 90% des sièges. Parmi eux, la Ligue nationale pour la démocratie d’Aung San Suu Kyi qui a été dissout par la junte. L’ombre de l’opposante plane sur ces élections. Elle est toujours emprisonnée mais son état de santé inquiète. Elle a 80 ans et sa prison a été ravagée par un séisme en mars. Personne parmi ses proches, n’a vu l’ancienne prix Nobel de la paix depuis deux ans. Et si les militaires restent silencieux sur son sort, analyse le journal Mizzima, c’est parce que leur « plus grande peur n’est pas qu’Aung San Suu Kyi soit vivante, mais qu’elle soit morte ». Un régime autoritaire craint toujours la création d’un martyr dont la mort en détention anéantirait tous les espoirs de légitimité.
Par Adrien Toffolet – Radio France Culture – 24 décembre 2025
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