Chaude lutte pour la reconnaissance internationale
Maisons incendiées, attaques contre des militaires, tirs de l’armée : les affrontements se sont poursuivis en Birmanie, faisant au moins 10 morts dans un village de l’ouest du pays vendredi.
Le gouvernement fantôme – qui espère voir l’ONU le reconnaître comme le représentant légitime de l’État – avait lancé un appel à la révolte contre la junte militaire plus tôt la semaine dernière.
« Les soulèvements armés contre la junte militaire avaient déjà lieu avant l’appel au soulèvement proprement dit, rappelle Jean-François Rancourt, chargé de cours à l’Université de Montréal. Il y a des opérations, tant dans les villes que dans les villages, depuis de nombreuses semaines, voire de nombreux mois. Maintenant, le gouvernement d’unité nationale a fait cet appel en réaction à ce qu’il perçoit comme l’immobilisme de la communauté internationale. »
Duwa Lashi La, le président par intérim du gouvernement d’unité nationale (NUG), formé d’ex-députés en fuite du parti d’Aung San Suu Kyi, s’est tourné vers les réseaux sociaux pour inciter les citoyens à viser des actifs militaires. L’armée birmane a répliqué en détruisant des antennes de réseaux mobiles et a accusé les médias exilés d’exagérer la force de l’opposition.
Le parti d’Aung San Suu Kyi, la Ligue nationale pour la démocratie, avait remporté les élections de novembre, mais l’armée a renversé le gouvernement en alléguant des fraudes électorales le 1er février dernier.
En quête de reconnaissance
Le moment de l’appel à la « guerre défensive » ne semble pas avoir été choisi au hasard : l’Assemblée générale des Nations unies doit étudier cette semaine qui, des généraux ou du NUG, est l’entité légitime pour représenter la Birmanie dans ses instances.
Si les pays occidentaux ont dénoncé le coup d’État il y a plus de sept mois, la junte militaire compte aussi ses alliés, comme la Chine et la Russie.
La décision de l’ONU – si décision il y a, puisque l’Assemblée pourrait décider de prendre position plus tard ou de laisser vacant le siège de la Birmanie – pourrait refléter les dynamiques géopolitiques actuelles, et notamment le pouvoir de la Chine sur la politique internationale, précise Andrea Malji, professeure adjointe à la Hawaii Pacific University.
Outre sa portée symbolique, une reconnaissance de l’ONU pourrait avoir un effet direct sur l’aide à la population, croit M. Rancourt, aussi cofondateur de la Coalition Myanmar-Québec, qui s’oppose au régime militaire. « Si le gouvernement d’unité nationale est reconnu par la communauté internationale, c’est avec lui que les ONG vont faire affaire. Les zones qui sont hors du contrôle de la junte militaire vont donc pouvoir plus facilement avoir accès à des ressources de la communauté internationale », explique-t-il.
Crises humanitaires
La Birmanie fait face à de multiples crises. Depuis le coup d’État de février, l’armée réprime violemment ses opposants, avec plus de 1000 civils tués et plus de 6000 en détention. Des experts sonnent aussi l’alarme sur la situation sanitaire avec la COVID-19 au pays.
« Vous avez de nombreux désastres humanitaires en Birmanie qui s’entrecroisent, et ça a des impacts sur la population », souligne Mme Malji.
Et vous avez aussi les sanctions économiques que les États-Unis ont mises en place contre la Birmanie ; or les sanctions, peu importent les intentions de ceux qui les décident, finissent habituellement par causer du tort aux personnes sur le terrain.
Andrea Malji, professeure adjointe à la Hawaii Pacific University
Les États-Unis, comme le Canada, l’Union européenne et le Royaume-Uni, ont imposé des sanctions économiques en visant directement des membres du régime, mais aussi des entreprises contrôlées par l’État.
Milices citoyennes
Il reste difficile de savoir si les civils birmans répondront en grand nombre à l’appel à la révolte du NUG, ou si les affrontements rapportés vendredi sont isolés. La force de ces milices citoyennes, avec leurs techniques de guérilla urbaine, reste très variable d’une région à l’autre, note M. Rancourt.
« L’armée birmane est très forte. C’est l’une des plus fortes dans le monde en développement, commente Erik Martinez Kuhonta, professeur agrégé à l’Université McGill. Les milices civiles n’ont pas le genre d’entraînement, de discipline, d’armes pour pouvoir se battre, sur le plan militaire, contre les Tatmadaw [nom des forces armées birmanes]. »
Les regroupements armés des différents groupes ethniques, rompus aux tactiques guerrières après de nombreuses années de lutte contre le régime, sont mieux outillés. Mais il n’est pas clair pour l’instant comment les alliances pourraient évoluer avec le NUG.
Par Janie Gosselin – La Presse avec Agence France Presse et The Associated Press – 12 Septembre 2021
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