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Les conseils d’ex-prisonniers birmans face au confinement: “Occupez-vous! C’est le meilleur remède”

Pays totalement fermé jusqu’en 2011, la Birmanie se replie à nouveau face à la menace du coronavirus et d’anciens prisonniers politiques distillent des conseils pour vivre au mieux le confinement.

Le pays d’Asie du Sud-Est a passé près d’un demi-siècle comme coupé du monde sous une dictature militaire cultivant le secret et la paranoïa, réprimant et emprisonnant ses opposants.

Le militant pro-démocratie Bo Kyi, 56 ans, a fait partie des milliers de personnes emprisonnées. Dans les années 90, il a passé huit ans derrière les barreaux, dont 12 mois à l’isolement dans une cellule de 9 m2.

La semaine dernière, il a publié sur son compte Facebook une lettre ouverte pour aider ses compatriotes confinés chez eux, redoutant la propagation du coronavirus.

“Occupez-vous”

« Je voulais m’assurer que le moral des gens ne tombe pas trop bas », explique Bo Kyi à l’AFP. « Occupez-vous! C’est le meilleur remède quand vous êtes (dans) l’isolement”, a-t-il écrit dans son message en ligne.

En détention, Bo Kyi s’est consacré à l’apprentissage de l’anglais, aidé par un gardien qui, chaque jour, lui passait clandestinement une page de dictionnaire.

Le prisonnier mémorisait chaque mot puis mangeait la page pour détruire les preuves. Accepter sa réalité et éviter les nouvelles négatives l’a aidé à rester sain d’esprit, dit-il, ajoutant qu’il avait également l’habitude de méditer et de marcher 6 000 pas par jour pour rester en bonne santé.

La Birmanie compte une vingtaine de cas de covid-19, mais le peu de tests effectués laisse supposer que ce nombre est largement sous-évalué. En cas de large épidémie, le système de santé serait très vite submergé, alors que le pays ne possèderait que 200 ventilateurs pour 55 millions d’habitants.

D’où l’empressement à se couper du monde, afin d’éviter à tout prix les cas importés. Un isolement que les Birmans ne pensaient pas revoir aussi rapidement. « Nous retournons à nouveau à cette situation – et ce n’est pas une situation heureuse », explique l’analyste Khin Zaw Win, qui a passé 11 ans en prison sous la junte.

“Les gens sont la clé”

« Il existe une très forte résilience ancrée dans la société birmane », explique Khin Zaw Win. Il se demande même si les personnes âgées pourraient mieux résister à l’isolement d’aujourd’hui que beaucoup de jeunes. « Ma génération est habituée à cela », dit-il. « Les gens sont la clé » est devenu le credo du pays, répété dans les discours de la cheffe de facto du gouvernement, Aung San Suu Kyi.

Une vidéo d’elle montrant comment se laver les mains est devenue virale et ses partisans se sont rués sur son compte Facebook personnel, ouvert pendant la crise pour mieux communiquer avec un pays accro au réseau social.

Elle est elle-même une autorité en matière d’isolement, ayant langui en résidence surveillée pendant 15 ans. Après sa libération en 2010, elle a décrit comment elle méditait, écoutait la radio et dévorait des livres.

De son côté, Bo Kyi dit qu’il a surmonté le tourment psychologique de la prison en évitant de s’attarder sur sa date de libération – un message qui, selon lui, s’applique aussi à une épidémie dont on ne connaît pas la fin. « Concentrez-vous plutôt sur les choses sous votre contrôle », conclut-il.

Agence France Presse – 6 avril 2020

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