Birmanie : la riposte de l’armée est «puissante et épouvantable» alerte l’ONG Myanmar Witness
La découverte la semaine dernière de plus d’une trentaine de corps torturés et brûlés en Birmanie a secoué la communauté internationale. Mais ce n’est malheureusement pas un fait isolé. Depuis le coup d’État des militaires le 1er février dernier, la violence n’a fait que s’accentuer dans le pays.
L’ONG Myanmar Witness enquête et examine de manière indépendante les cas d’éventuelles interférences avec les droits de l’homme. Ben Strick, le directeur des enquêtes, explique que les documents qu’ils reçoivent sont non seulement de plus en plus nombreux, mais surtout de plus en plus violents.
Ben Strick : Nous avons rassemblé jusqu’à présent plus de 3 900 documents. Parmi eux, des vidéos, des photos, qui dévoilent ce qui se passent sur le terrain. Depuis le coup d’État, nous avons constaté de plus en plus d’actes de violence épouvantables. Par exemple, en février et en mars, on répertoriait des tirs de gaz lacrymogènes, des détentions de masse, des victimes de tirs à balles réelles. Mais aujourd’hui, nous faisons état d’un nombre incalculable d’attaques contre des villages entiers, de maisons complétement brûlées et d’autres choses tout aussi horrible que la découverte de dizaines de corps torturés et calcinés. À ce jour, nous avons plus de 270 preuves que des incendies ont délibérément été allumés dans tout le pays. C’est un chiffre déjà suffisamment inquiétant.
RFI : Comment se déroulent les combats ?
Si vous poussez des gens au bord du gouffre, ils vont se défendre et c’est ce qui se passe aujourd’hui en Birmanie. Des petites milices moins organisées combattent la Tatmadaw, l’armée birmane, mais c’est aussi le cas de groupes plus grands, comme l’armée Karen de libération, et cela a permis à l’armée birmane de développer de nouvelles tactiques. Nous avons constaté des ripostes de l’armée birmane contre des villages entiers qui ont été totalement brûlés simplement parce que quelques jours avant il y avait eu des combats entre l’armée birmane et une milice locale. C’est très inquiétant parce que, de manière générale, la riposte de l’armée birmane est bien plus puissante et bien plus épouvantable comparée à ce que les milices peuvent faire, et, la plupart du temps, ce sont les civils qui en sont les victimes.
RFI : Des civils qui sont donc poussés à partir de chez eux pour se réfugier soit ailleurs dans le pays, soit dans les pays voisins.
Le déplacement des populations commence à être de plus en plus documenté. Nous avons pu voir des mouvements massifs de populations notamment des gens qui traversent la frontière de la province Karen pour aller en Thaïlande. Nous avons vu de nombreux combats éclater dans cette région entre la Tatmadaw et l’armée Karen de libération. Nous avons constaté l’usage d’artillerie lourde et, plus récemment, nous avons vu des bombardements aériens. Nous avons donc des preuves que cela tombe très près des habitations. Ils sont des milliers à tenter de fuir cette zone de guerre et cela va probablement s’accroître. Ce sont des chiffres difficiles à digérer, mais leur souffrance l’est encore plus. Nous avons vu certains de ces réfugiés traverser des rivières agitées en portant les plus âgés sur leur dos, arriver en Thaïlande sans sac, seulement avec les habits qu’ils portent sur eux. Cela montre à quel point ils sont désespérés de ce qu’il se passe en Birmanie.
RFI : Quelles sont les difficultés auxquelles vous faites face quand il s’agit de récolter les informations ?
Il y a beaucoup de coupures d’internet dans certaines zones, c’est donc compliqué d’obtenir des informations. C’est assez horrible de savoir que quelque chose de terrible est en train de se dérouler dans une région et qu’il est parfois compliqué d’avoir suffisamment d’informations pour avoir une image globale de la situation. La plupart des gens ont fui leur village et ceux qui restent ont trop peur pour parler et raconter ce qu’ils ont vu. Ce qui nous inquiètent le plus, c’est qu’à chaque fois que l’on voit une vidéo ou une photo de corps calcinés ou torturés on se dit que c’est seulement la partie visible de l’iceberg. C’est effrayant et je pense que nous allons voir une affluence massive de preuves venant de réfugiés. Ils les auront sur leur portable et pourront témoigner.
Par Clea Broadhurst – Radio France Internationale – 2 janvier 2022
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