TotalEnergies va se retirer de Birmanie, un an après le coup d’Etat
TotalEnergies a annoncé vendredi son retrait de Birmanie après avoir réexaminé sa position, au regard d’une situation qui n’a cessé de se dégrader en matière de droits de l’homme dans le pays depuis le coup d’Etat militaire du 1er février 2021.
Le groupe français a précisé dans un communiqué que ce retrait se ferait pour lui « sans aucune contrepartie financière » et serait effectif au plus tard à l’issue d’un délai de préavis de six mois prévu contractuellement.
Chevron Corp a en outre déclaré vendredi avoir lui aussi engagé un processus devant le conduire à se retirer du pays.
TotalEnergies est notamment partenaire (31,24%) et opérateur du champ de gaz de Yadana depuis 1992, aux côtés de Unocal-Chevron (28,26%), de PTTEP (25,5%) – filiale de la société nationale d’énergie thaïlandaise PTT – et de la société d’Etat birmane MOGE (15%).
Il n’a pas précisé l’impact sur ses comptes de son retrait de Birmanie mais a souligné que le pays représentait pour lui 105 millions de dollars en 2021, soit moins de 1% de ses résultats, et seulement 0,6% de sa production.
Le retrait prévu aux contrats du champ de Yadana et de la société de transport MGTC prévoit que les intérêts du groupe français seront répartis entre les partenaires actuels, sauf refus de leur part, et que le rôle d’opérateur sera repris par un des partenaires.
Un porte-parole a précisé que TotalEnergies était d’ores et déjà en contact avec PTT en vue de lui transférer ses activités, le groupe thaïlandais étant un repreneur « naturel » dans la mesure où sa filiale locale opère déjà des champs de gaz à proximité de Yadana et parce qu’il est le principal acheteur du gaz produit par le champ.
Depuis le coup d’Etat du 1er février 2021, des groupes d’activistes et de défense des droits de l’homme appelaient TotalEnergies à bloquer le financement dont la junte birmane bénéficie grâce à ses activités gazières dans le pays.
TOTALENERGIES N’A PAS PU COUPER LES FLUX FINANCIERS
« Si notre compagnie considère que sa présence dans un pays lui permet de promouvoir ses valeurs (…), le contexte qui ne cesse de se dégrader (en Birmanie), en matière de droits humains et plus généralement d’Etat de droit (…) nous a conduits à réévaluer la situation et ne permet plus à TotalEnergies d’apporter une contribution positive suffisante dans ce pays », a expliqué le groupe français.
TotalEnergies a souligné ne pas avoir été en mesure de « satisfaire les attentes de nombreuses parties prenantes » qui lui demandaient de mettre fin aux revenus dont bénéfice l’Etat Birman via MOGE, soulignant qu’une telle mesure était « en réalité matériellement impossible » car l’essentiel des paiements liés à la vente du gaz sont réalisés directement par PTT.
TotalEnergies, après avoir saisi les autorités françaises pour « envisager la mise en place de sanctions ciblées qui puissent cantonner tous les flux financiers des divers partenaires sur des comptes séquestres sans arrêter la production de gaz », n’a en outre pas identifié « de voies d’action pour y parvenir ».
Pendant la période de préavis, le groupe français continuera de « veiller à la continuité des livraisons de gaz au bénéfice des populations ».
Depuis le coup d’Etat, qui a renversé un gouvernement civil dirigé par Aung San Suu Kyi, les forces de sécurité birmanes ont tué plus de 1.400 personnes et en ont arrêté des milliers, selon l’ONG Assistance Association for Political Prisoners.
Au printemps dernier, après avoir exprimé sa préoccupation et condamné la répression qui suivi le coup d’Etat, TotalEnergies avait défendu sa décision de maintenir son activité en Birmanie en estimant qu’interrompre l’approvisionnement en gaz aggraverait la situation de la population et que la junte n’hésiterait pas à soumettre ses équipes locales à du travail forcé.
Dans une lettre adressée mardi à l’ONG Human Rights Watch, son PDG Patrick Pouyanné a fait valoir que toutes les actions et décisions du groupe depuis le coup d’Etat avaient été « guidées par une constante évaluation des solutions (permettant) de prendre en compte le respect des droits humains de la population civile et de (son) personnel, tout en respectant les lois et conventions en vigueur au niveau national et international ».
Des groupes de défense des droits ont salué l’annonce de TotalEnergies, appelant à des décisions similaires et à des sanctions contre le secteur pétrolier et le gazier en Birmanie.
« TotalEnergies a enfin répondu aux appels du peuple birman, de la société civile locale et internationale pour arrêter le flux de fonds vers la junte terroriste », a déclaré Yadanar Maung, porte-parole du groupe militant Justice for Myanmar.
« Il est maintenant essentiel que les gouvernements internationaux aillent de l’avant avec des sanctions ciblées sur le pétrole et le gaz pour priver la junte des fonds des projets pétroliers et gaziers restants. »
Par Benjamin Mallet – Reuters – 21 janvier 2022
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