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« Personne n’est en sécurité en Birmanie »

Recherchée par la junte militaire de la Birmanie, la mannequin Han Lay a échappé de justesse à un renvoi forcé dans son pays d’origine la semaine dernière pour trouver refuge au Canada. La Presse lui a parlé.

Assise dans l’avion qui l’amenait de Bangkok à Toronto la semaine dernière, Thaw Nandar Aung, plus connue sous son pseudonyme professionnel de Han Lay, n’a pas relaxé une seule minute.

« Je n’y croyais pas, dit-elle. Je me disais que quelqu’un allait se lever et m’arrêter. »

Ce n’est qu’une fois arrivée au Canada qu’un immense soulagement l’a envahie. « J’étais très émotive. »

C’est qu’Han Lay, une mannequin birmane de 23 ans, est devenue la plus importante voix internationale de critique de la junte militaire qui a pris le pouvoir dans la violence au printemps 2021.

Le 27 mars 2021, lors du concours de beauté Miss Grand International qui avait lieu à Bangkok, Han Lay a pris la parole sur scène pour dénoncer le gouvernement militaire qui venait de renverser la démocratie. Le pays était déchiré par des manifestations quotidiennes réprimées dans la violence.

« Aujourd’hui, dans mon pays, la Birmanie, tant de gens meurent ; plus de 100 personnes sont mortes aujourd’hui, a-t-elle déclaré devant les caméras, essuyant ses larmes.

« Chaque citoyen du monde souhaite la prospérité de son pays et vivre dans un environnement pacifique. Les dirigeants ne devraient pas utiliser leur pouvoir et leur égoïsme. »

« Je ne savais pas vers qui me tourner »

Après cette sortie, Han Lay ne pouvait pas rentrer en Birmanie, sous peine d’être arrêtée et emprisonnée. Elle est donc restée en Thaïlande avec un visa de touriste, et a fait une demande pour obtenir le statut de réfugié au Canada.

Le 21 septembre dernier, après un court aller-retour au Viêtnam pour faire renouveler son visa, elle s’est vu refuser l’entrée en Thaïlande à la douane de l’aéroport international de Bangkok.

Ils m’ont dit que mon nom était sur la liste rouge d’Interpol et que j’étais recherchée par le gouvernement de la Birmanie. Ils m’ont forcée à acheter un vol pour retourner au Viêtnam.

Han Lay

Han Lay dit avoir été détenue une nuit dans une cellule froide et malpropre. « J’étais terrifiée, je ne savais pas vers qui me tourner », relate-t-elle.

Après avoir contacté la ligne d’urgence du Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR), la jeune femme a appris qu’elle n’avait pas à obéir à l’ordre de retourner au Viêtnam, d’où elle pourrait être expulsée en Birmanie.

« Le lendemain matin, le personnel de la compagnie aérienne m’a guidée jusqu’à mon vol, mais j’ai refusé de le prendre et je me suis assise devant la porte d’embarquement. Ils étaient en colère, mais je ne les écoutais pas. »

Han Lay est ensuite restée dans la zone internationale de l’aéroport, où elle a pris une chambre d’hôtel en attendant de rencontrer les gens du HCR.

Une décision salutaire : des policiers birmans sont arrivés à l’aéroport de Bangkok pour l’appréhender. « Les officiels thaïlandais m’ont appelée pour savoir si je voulais rencontrer la police birmane, mais j’ai bien sûr refusé. »

Quelques jours plus tard, la jeune femme a reçu un message du HCR l’informant que le Canada l’acceptait en tant que réfugiée. Elle a pris l’avion le jour même.

Sa vie au Canada

Depuis son arrivée au Canada, Han Lay a été transférée à Charlottetown, à l’Île-du-Prince-Édouard, où elle est en confinement pour deux semaines en raison des mesures sanitaires.

Son souhait est de s’établir à Toronto ou à London, deux endroits au pays pourvus d’une forte communauté birmane.

J’aimerais être là pour planifier la suite de ma vie au Canada.

Han Lay

Pour l’heure, elle donne entrevue après entrevue au téléphone avec des médias internationaux sur sa mésaventure et sur la situation en Birmanie.

« Depuis le coup d’État, l’économie est vraiment mauvaise en Birmanie, dit-elle. Les prix explosent et les salaires sont très bas. Des manifestants et des politiciens ont été tués, et des milliers de gens sont emprisonnés. J’ai moi-même des amis de l’université qui sont emprisonnés depuis un an et demi, et on n’a aucune nouvelle d’eux. Je suis très inquiète pour mon pays, et aussi pour ma famille qui est là-bas. »

Un de ses amis a été tué par l’armée birmane pendant qu’il était dans un café. « Un soldat a tiré sur lui et l’a tué, sans raison. Personne n’est en sécurité en Birmanie. C’est terrible. Nous demandons à la communauté internationale de nous aider. »

Le régime affirme que son intention est de tenir des élections, mais les élections sont constamment reportées. « Personne ne leur fait confiance » dit-elle.

Par Nicolas Bérubé – La Presse (.ca) – 5 octobre 2022

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