2024 sera (à nouveau) l’année Shinawatra
Après une année 2023 riche en soubresauts politiques, à quoi s’attendre en 2024 ? Gavroche fait le point des éléments à suivre, tout du moins pour le premier semestre qui commence.
Quels destins pour Thaksin et Yingluck Shinawatra ?
Bien que les cas de ces deux anciens chefs de gouvernement ne soient pas directement liés, leur patronyme familial commun, devenu une marque, continue de polariser le royaume. On saura en février si Thaksin bénéficiera de la réglementation pour une libération anticipée. Car il sera, à cet instant, éligible aux critères selon lesquels les personnes doivent purger un tiers de leur peine et que celle-ci ne dépasse pas quatre ans de prison. Thaksin aura donc effectué dans son « hôpital-prison » de la police royale un tiers de sa peine commuée d’un an de prison, malgré le fait qu’il n’ait passé aucun jour derrière les barreaux.
La décision à son égard sera scrutée de près par sa sœur Yingluck, qui pourrait envisager un retour de son auto-exil contraint, suite à sa condamnation à cinq ans de prison pour manquement à ses devoirs dans le cadre d’un programme d’engagement en faveur du riz. Qui a entraîné au moins 500 milliards de bahts de pertes, certaines liées à la corruption. Récemment, Yingluck a été acquittée des accusations de malversations liées à sa mutation de 2011 de Thawin Pliensri, alors secrétaire général du Conseil de sécurité nationale. L’ancien ministre de la Justice et vice-Premier ministre du gouvernement Prayut, Wissanu Krea-ngam, a déclaré en décembre que Yingluck pouvait demander une grâce royale comme Thaksin, mais d’abord retourner en Thaïlande et faire face au système judiciaire.
Quelles décisions pour Pita Limjaroenrat et le Move Forward Party (MFP) ?
Le 24 janvier prochain, le tribunal devrait se prononcer sur le sort de l’ancien chef du MFP, Pita Limjaroenrat, aujourd’hui président consultatif du principal parti d’opposition. Pita est suspendu de ses fonctions de député dans l’attente de la décision du tribunal concernant sa participation médiatique dans la chaîne de télévision iTV, aujourd’hui disparue. Si le tribunal conclut que Pita s’est porté candidat tout en contrevenant sciemment à la loi, il perdra de fait son statut de député. Ce jugement sera sans doute considéré comme un « jugement politique ».
Le 31 janvier s’en suivra une décision du tribunal sur le sort du Move Forward Party. Celui-ci devra déterminer si la proposition électorale du parti de réformer l’article 112 du code pénal, ou crime de lèse-majesté, était une tentative de renversement de la monarchie constitutionnelle. Là encore, le jugement pourrait s’avérer hautement « politique ». On se souvient de la dissolution du Future Forward Party, prédécesseur du MFP, et de la disqualification politique de son triumvirat fondateur, Thanathorn, Piyabutr et Pannika Wanich.
Quel sort pour le portefeuille numérique de 10 000 bahts ?
Ce projet vise à distribuer 10 000 bahts à tout Thaïlandais âgé de 16 ans et plus, gagnant moins de 70 000 bahts par mois et disposant de moins de 500 000 bahts de dépôts bancaires. Ce portefeuille numérique, mesure électorale phare du Pheu Thai, est censé coûter 500 milliards de bahts et son lancement est prévu en mai. Néanmoins, ce programme connaît pour l’instant un financement incertain, ce qui pose la question de sa mise en œuvre. Le Conseil d’État examine en ce moment même si le projet du gouvernement de solliciter des prêts pour le financer est conforme à la loi.
Quelle réforme constitutionnelle et quel renouvellement du Sénat ?
Toujours sous la « constitution militaire » de 2017, le Pheu Thai avait promis dans sa campagne la modification de la Charte. Tout comme le Move Forward Party. Néanmoins, son amendement est toujours en suspens, car un référendum est nécessaire pour qu’un document complet soit rédigé. Il semble que le gouvernement n’ait pas encore décidé combien de référendums sur la modification de la Charte auront lieu, ni les questions qui seront posées au peuple. Du sensible ! Car également fin mai expirera le mandat des actuels sénateurs, qui avaient tous étaient nommés par la junte, rappelons-le.
Le nouveau Sénat comptera 200 sénateurs, choisis dans différents groupes sociaux et professionnels. Le vote se fera à trois échelles, au niveau du district, de la province et du pays, ce afin d’éviter les votes de bloc et la collusion entre candidats. Difficile de dire si le nouveau Sénat sera autant conservateur que l’actuel mais il est certain que l’establishment fera tout pour préserver ses propres intérêts. L’idée semble de garantir un Sénat indépendant et représentatif, à l’abri des pressions des grands partis politiques, et de l’armée. Ce qui, en Thaïlande, est bien souvent un vœu pieu.
Par Philippe Bergues – Gavroche-thailande.com – 10 janvier 2024
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