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Thaïlande : un portefeuille numérique pour un coup de pouce éphémère aux plus pauvres

Depuis le 1er août, les Thaïlandais peuvent s’inscrire sur une application afin de recevoir, une seule fois, 10 000 bahts (260 €) sous forme de monnaie digitale. Aussi attendue que controversée, cette mesure jugée « populiste » et peu efficace par l’opposition, vise à relancer une économie en berne.

Witchapat n’a pas perdu de temps. Au premier jour des inscriptions, le 1er août, il s’est enregistré sur l’application mobile « Tang Rath », afin de recevoir le tant attendu portefeuille numérique de 10 000 bahts (260 €), soit deux tiers de son salaire mensuel. « Je peux y prétendre, donc autant en profiter », sourit ce Thaïlandais de 23 ans, serveur dans un café à Bangkok, près du marché Chatuchak. À côté, son collègue compte aussi percevoir cette aide financière.

Comme eux, 70 % des 70 millions de Thaïlandais sont éligibles à ce programme qui vise à augmenter le pouvoir d’achat d’une population qui se remet durement des conséquences du Covid. Les critères pour recevoir ce versement unique, prévu au dernier trimestre 2024 ? Être âgé de 16 ans au moins et toucher un salaire inférieur à 70 000 bahts (1 800 €) par mois. Alors que la date limite pour en faire la demande est fixée au 15 septembre, plus de 20 millions de citoyens se sont déjà inscrits sur l’application, qui a d’ailleurs connu des difficultés techniques dès la première minute du lancement.

Pour des produits de première nécessité

« J’utiliserai cet argent pour mes courses et mes repas du quotidien », reprend Witchapat. Une enquête de la Siam Commercial Bank indique que les bénéficiaires prévoient en effet de consacrer 40 % de leurs 10 000 bahts numériques à des produits de première nécessité (nourriture, hygiène, santé). Une fois cette monnaie virtuelle reçue, elle pourra ensuite servir à acheter divers biens — sauf carburant, cigarettes, alcool, cannabis (légal depuis 2022), billets de loterie et appareils électroniques — dans deux millions d’épiceries, boutiques familiales et magasins de proximité. Il ne sera cependant pas possible de la dépenser en grande surface, ni de commander en ligne.

Car il s’agit d’abord de stimuler l’économie locale, insiste le gouvernement. Le portefeuille électronique ne pourra donc être utilisé que dans la circonscription électorale de son destinataire. Or une grande partie de la population éligible dans des villes telles que Bangkok ou Chiang Mai est domiciliée dans d’autres provinces. Pointée du doigt, cette restriction géographique est vue comme l’un des obstacles à ce plan d’aide à la consommation.

Cette mesure coûtera plus de 12 milliards d’euros

Promesse électorale du parti au pouvoir, cette mesure phare du Pheu Thai Party, repoussée à plusieurs reprises, s’apprête à être déployée pour ranimer une économie thaïlandaise « en crise », selon les mots du premier ministre Srettha Thavisin en début d’année. Les autorités espèrent une augmentation du PIB de 1,2 % à 1,8 % en 2025. Mais cette politique, chiffrée à 500 milliards de bahts (12,8 milliards €) et largement financée par la dette publique, demeure controversée : des économistes respectés s’y sont opposés, mettant en doute la viabilité du projet.

Une mesure jugée populiste par l’opposition

Expert économique et député de l’ancien parti d’opposition Move Forward Party (banni pour dix ans le 7 août par la Cour constitutionnelle thaïlandaise), Chaiwat Sathawornwichit compare ce portefeuille digital à la « prescription d’un antidouleur pour une maladie chronique » qui « pourrait conduire à un désastre économique ». Cet ancien cadre de la banque centrale de Thaïlande déplore des « gains à court terme » au détriment d’une « stabilité à long terme ».

« Même si ce portefeuille de 10 000 bahts est un montant substantiel, plus de trois fois le seuil de pauvreté de 3 000 bahts, il ne garantit pas une stimulation économique significative », explique-t-il à La Croix. « Cette politique est indéniablement populiste et motivée par des considérations politiques, plutôt que par une stratégie fiscale saine visant à stimuler la croissance. »

Par Valentin Cebron – La Croix – 9 août 2024

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