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Pol Pot, ce tyran qui a assassiné près d’un quart de la population du Cambodge

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Responsable du génocide de près d’un quart de son peuple au Cambodge, Pol Pot a formé clandestinement une guérilla, les Khmers rouges, qui fera régner la terreur dans les années 70. Pendant sa dictature, presque toute la population travaillait dans des coopératives agricoles corvéables, à merci. Les Cambodgiens ont crevé de faim à tel point que certains ont eu recours au cannibalisme.

Pol Pot a été le principal responsable du massacre de plus de deux millions de personnes, à la fin des années 70, au Cambodge, à une époque où ce petit pays était sous la coupe de communistes appelés les Khmers Rouges. 

Au départ, Pol Pot était un professeur réservé et idéaliste, amoureux de la France où il a fait ses études et amateur de poésie. Puis, il est devenu ce tyran qui a assassiné près d’un quart de sa population. Malgré tout le sang qu’il avait sur les mains, Pol Pot n’a jamais payé pour ses crimes. 

À l’aube du 17 avril 1975, à Phnom Penh, la capitale du Cambodge, il règne une ambiance d’euphorie. La population acclame des hordes de types juchés sur des camions blindés et qui traversent les rues de cette capitale porteuse des stigmates de récents combats. Ils sont tous habillés de la même façon, avec des tenues noires ou kakis en coton, une écharpe blanche et rouge à carreaux autour du cou et une casquette façon cheminot. Ils brandissent des fusils, des AK-47, et ont le sourire jusqu’aux yeux. On les appelle les Khmers Rouges. 

De Saloth Sâr à Pol Pot

Les combattants communistes, formés pour la plupart selon une stricte discipline militaire, dans la montagne ou dans la jungle cambodgienne. Et s’ils sont heureux, s’ils exultent, c’est parce qu’après cinq ans de guerre civile, ils viennent de faire tomber le régime anticommuniste appuyé par les États-Unis et sans verser la moindre goutte de sang. 

Le gouvernement et l’armée ont déserté la capitale et dans Phnom Penh, ville ouverte, l’un de ces Khmers Rouges est particulièrement fier. Son vrai nom est Saloth Sâr, mais on l’appelle aussi « frère numéro un » ou bien par son surnom, acquis sur le terrain à l’époque où il combattait clandestinement dans le maquis, Pol Pot. 


Pol, c’était le nom porté par les anciens esclaves cambodgiens. Depuis le début, ce petit homme d’1m64, les cheveux bruns, coiffé en brosse, ce petit homme est le leader des Khmers Rouges. Il a commandé les opérations militaires qui ont conduit à cette victoire. En tant que chef, c’est lui qui, le jour même de la prise de la capitale cambodgienne, proclame le nom du nouveau régime et désormais, tout le monde devra l’appeler Pol Pot.

Issu d’une famille de la paysannerie cambodgienne

Saloth Sâr est né en 1925 ou en 1928. À cette époque, le Cambodge appartenait à la République française, il était une pièce de l’Empire colonial, c’était un protectorat. En clair, il y a un roi à la tête du pays, mais c’est un homme de paille, car les colonisateurs français gèrent tout. Le Cambodge fait partie de l’Indochine.

Saloth Sâr, le futur Pol Pot, voit le jour dans une bonne famille de la paysannerie cambodgienne qui possède d’ailleurs une grande maison et une vingtaine d’hectares de rizières. Au milieu de ses huit frères et sœurs, le petit garçon manque de rien. Il fait partie de la minorité qui a les moyens de faire des études dans un monastère, une école réputée de Phnom Penh, puis dans un établissement où les cours sont donnés en français par des prêtres. 

Après la Seconde Guerre mondiale, comme dans de nombreuses colonies françaises, le vent de la révolte souffle en Indochine et avec lui, le désir d’indépendance. La France envoie son armée pour remettre de l’ordre et c’est le début d’une guerre qui va durer sept longues années. Mais Pol Pot, lui, est très loin, mais alors très loin de tout cela pour l’instant. La politique ne l’intéresse pas. L’étudiant timide et discret entre dans un lycée technique. Il obtient même son brevet et il décroche une bourse pour aller étudier en France métropolitaine.

Il s’engage au parti révolutionnaire du peuple Khmer

Après quatre semaines de voyage en bateau, le futur Pol Pot, 24 ans, arrive donc à Paris. Il s’inscrit à l’école française de radioélectricité. Mais il met vite un terme à ses études et n’aura finalement aucun diplôme. Désormais, il suit de près ce qui se passe à des milliers de kilomètres dans sa terre d’origine. Et avec d’autres étudiants cambodgiens, il assiste aux réunions d’un cercle marxiste. Il lit Lénine, Staline, Mao Mao Zedong et adhère même au Parti communiste français, qui est alors l’une des formations politiques les plus puissantes du pays. 

De retour chez lui, après quatre ans en France, Pol Pot prend les armes au sein du parti révolutionnaire du peuple Khmer. Avec son éducation très francophile, ses relations et sa détermination, le jeune homme se fait vite repérer. Mais contrairement au Vietnam qui est en train de gagner son bras de fer contre la France, le Cambodge reste dans l’Indochine française avec toujours un roi à sa tête. Norodom Sihanouk. Et c’est ce roi qui finalement va proclamer l’indépendance du pays en 1953 et avec la fin de la guerre d’Indochine un an plus tard. 


La France n’a pas d’autre choix que de reconnaître cette émancipation et de quitter le Cambodge. Alors que ses amis communistes déposent les armes et quittent le pays, Pol Pot, lui, reste au Cambodge. Il devient prof de français et d’histoire-géo. Ses élèves aiment cet enseignant sympathique qui parle doucement, qui récite du Verlaine. Mais ça, c’est le côté face, car côté pile, Pol Pot devient l’un des cadres du comité central du parti ouvrier du Kampuchéa, qui sera renommé plus tard Parti communiste cambodgien. 

Le numéro 1 d’une dictature

On dit même que pour prendre du galon rapidement, Pol Pot n’a pas hésité à éliminer le secrétaire du parti qui a mystérieusement disparu et dont il a pris la place. En tout cas, Pol Pot est épinglé sur une liste noire d’individus accusés de vouloir renverser le pouvoir du roi Norodom Sihanouk. Il préfère d’ailleurs prendre le maquis et s’en va former clandestinement une guérilla, les fameux Khmers Rouges. 

Après l’instauration du régime du Kampuchéa démocratique en 1975, Pol Pot, grand artisan de la victoire des Khmers Rouges, reste dans l’ombre. Mais c’est lui qui va pourtant peu à peu s’imposer comme le numéro 1 d’une véritable dictature. Il ordonne l’évacuation des populations des villes vers les campagnes par crainte de bombardements américains. Un prétexte complètement bidon. Car en fait, Pol Pot déteste les gens qui habitent en ville. Pour lui, les citadins sont des débauchés, corrompus, égoïstes, attachés à la propriété privée. Bref, des ennemis de l’idéal communiste où tout le monde doit être sur le même pied d’égalité. 

Pol Pot veut d’ailleurs que les Cambodgiens travaillent dans les champs sans la moindre exception. Même les malades dans les hôpitaux doivent partir travailler dans les rizières. Sinon, sinon Pol Pot les fait assassiner. Ainsi, 2 millions de personnes quittent Phnom Penh, dans une pagaille générale et dans des conditions terribles, à pied, sous un soleil de plomb et avec peu de nourriture. 20.000 Cambodgiens vont mourir au cours de cet exode forcé. Dans le même temps, les dirigeants et les militaires de l’ancien régime sont exécutés sans pitié et à la mitrailleuse. La couleur du nouveau régime est donnée : elle sera rouge écarlate. En 1976, un an après la prise de pouvoir des Khmers Rouges, Pol Pot est enfin sur le devant de la scène. Il devient Premier ministre. 

« Qui possède le riz possède tout »

Lors des élections législatives qui suivent, les 250 députés élus sont tous du même parti que lui. Comme le pays n’est pas très vaillant économiquement, Pol Pot mise sur la riziculture avec comme slogan « Qui possède le riz possède tout ». Alors presque toute la population travaille dans des coopératives agricoles, corvéables à merci, pas payées et sans la moindre intimité. C’est ce que l’on appelle la collectivisation, même si on devrait plutôt évoquer l’esclavage. Mais très vite, faute de moyens techniques efficaces, la production de riz faiblit. 

Et comme il n’y a pas d’autre alternative, les Cambodgiens crèvent de faim et crient famine, à tel point que dans certains endroits, on constate du cannibalisme. Pol Pot n’est décidément pas doué pour l’économie. Mais pour ce qui est d’interdire, il est intarissable : les jeux de hasard, l’alcool, les chansons d’amour, aller visiter un proche malade, cueillir des fruits sur un arbre. 

Pol Pot met sur pied une puissante police secrète pour surveiller sa population. Il n’y a pas de système judiciaire et ce sont tout simplement des cours populaires qui jugent les personnes arrêtées avant de les envoyer dans des centres de rééducation qui sont en fait des prisons où on entasse tous les détenus. Comme il n’y a pas assez de prisons, des lieux de culte, des écoles sont transformées en centres de torture. Le plus important est le S21, un ancien lycée de Phnom Penh où 20.000 personnes vont mourir. 

Une population massacrée

Tout y passe au niveau de la torture. Pour les assassinats, Pol Pot impose toute une panoplie. On écartèle, on empale, on brûle à vif, on enterre vivant, on coupe en morceaux, on poignarde avec des feuilles pointues de palmiers à sucre, on empoisonne ou bien encore on écrase avec des tracteurs avant de jeter les victimes aux crocodiles. Parfois, les bourreaux utilisent le foie des victimes comme nourriture. Et que fait-on de tous ces malheureux ? On entasse les cadavres, les uns sur les autres, dans de grandes fosses communes, creusées à la va-vite et sans rite funéraire. 

Pol Pot est paranoïaque. Les purges et les éliminations sont fréquentes chez les Khmers Rouges. Pol Pot est aussi raciste. Il fait massacrer et expulser des minorités religieuses, musulmanes, chrétiennes, des vietnamiens. Mais au Cambodge, comme dans le monde, peu de gens savent que Pol Pot est à l’origine de ce déferlement de violence. Il cultive la discrétion à outrance. 

Début 1979, après quatre années, le régime des Khmers Rouges tombe après l’invasion du Cambodge par le voisin vietnamien. Et très vite, on découvre l’étendue du massacre de la population par Pol Pot. D’immenses charniers sont déterrés partout dans le pays. C’est une horreur. Si les chiffres ne sont pas précis, on estime aujourd’hui que jusqu’à 2,5 millions de personnes ont été assassinées, soit un quart de la population cambodgienne. Ce sont les paysans qui ont payé le plus lourd tribut. Mais personne n’a été épargné. Politiques, militaires, chefs d’entreprise, journalistes, étudiants, avocats, médecins, bouddhistes, on peut véritablement parler de génocide. Les personnes portant des lunettes étaient assassinées, car intellectuelles.

Jamais condamné pour ses crimes

Maintenant que les preuves sont là, il faut juger les coupables de ces massacres. Un procès s’ouvre et condamne enfin Pol Pot par compte humain. Mais ce procès n’est pas reconnu par la communauté internationale. Car à l’époque, plusieurs pays comme les États-Unis sont en effet inquiets que le Cambodge tombe entre les mains de pro-communistes pro-soviétiques. Et ils espèrent le retour des Khmers Rouges.


Du coup, Pol Pot n’est pas inquiété, même si pour lui, c’est le retour à la case départ : la jungle, la guérilla, former, entraîner des Khmers Rouges, avec pour objectif redevenir une fois encore les maîtres du Cambodge.

Cela va durer près de 20 ans, même si au fil des années, Pol Pot prend du recul et profite de sa fille, une fille qu’il a eue avec son épouse, sa cuisinière, qui a 38 ans de moins que lui. En 1997, avec une poignée de fidèles, le vieux tortionnaire sadique prend la fuite dans la jungle, transporté dans un hamac, car son état de santé ne lui permet pas de marcher. Pol Pot est finalement arrêté. Il est condamné à la prison à vie par ses anciens camarades de combat. Mais vu son âge, il est assigné à résidence.

En avril 1998, Pol Pot fait une crise cardiaque et il se murmure que son médecin l’a peut-être aidé à se suicider. Et c’est justement parce qu’il avait toute sa tête que Pol Pot n’est peut-être pas mort naturellement, mais a peut-être été assassiné. En effet, la mort de Pol Pot intervient une semaine seulement après que les États-Unis ont annoncé leur intention d’arrêter l’ancien dictateur et d’organiser un procès international contre le leader historique des Khmers Rouges. 

Un tel procès aurait pu faire la lumière sur les véritables responsabilités de chacun des dirigeants Khmer Rouges dans ce génocide dont la plupart sont toujours en vie et cherchent aujourd’hui à se réinsérer dans la société. Si sa mort n’émeut pas grand monde, l’amertume est immense car Pol Pot n’a jamais été condamné.

Le tribunal international qui va juger les crimes des Khmers Rouges ne sera mis en place que des années plus tard. Mais les mausolées qui rassemblent les restes des victimes des crimes des Khmers Rouges et sont devenus des lieux de commémoration dans tout le Cambodge, rappellent pour l’éternité que Pol Pot a été l’un des plus grands salauds de l’histoire, responsable du génocide de près d’un quart de son peuple. 

Par Eric Brunet – RTL.fr – 30 août 2024

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