Des efforts redonnent vie à la langue khmère
À Cân Tho, le khmer résonne à nouveau. Des bénévoles passionnés ont pris l’initiative d’enseigner leur langue maternelle aux jeunes générations, permettant ainsi à la culture khmère de continuer à vivre et se transmettre.
Dans le district de Co Do, ville de Cân Tho, dans le delta du Mékong, la communauté khmère, bien que parlant couramment sa langue maternelle, fait face à un paradoxe : nombreux sont ceux qui ne savent ni lire ni écrire en khmer. Les enfants qui souhaitent apprendre leur langue maternelle doivent généralement se rendre à la pagode, mais celle-ci est assez éloignée, souvent trop loin pour eux. Face à ce constat, des initiatives locales ont vu le jour, proposant des cours gratuits.
Transformer la maison en école
Au cœur du hameau de Thoi Truong 1, dans la maison de Dào Hoa, 70 ans, résonne l’enthousiasme des jeunes apprenants. Chaque été, cette bâtisse modeste se transforme en un espace d’apprentissage où les rires des enfants, mêlés au crépitement de la craie sur le tableau noir, créent une atmosphère unique.
“Nous nous efforçons d’apprendre aux enfants à apprécier et à comprendre la culture khmère”, partage M. Hoa. “Auparavant, des cours de langue khmère étaient organisés à la pagode pendant l’été, mais en raison de la distance, les parents ne pouvaient pas amener leurs enfants régulièrement, ce qui entraînait une faible fréquentation”, raconte-t-il.
M. Hoa et sa femme se sont donc portés volontaires pour que leur maison serve de salle de classe. Des pupitres et des chaises ont été achetés à une école voisine, tandis que les autres meubles ont été fabriqués par lui. Pendant les pauses, le couple prépare également des friandises pour les enfants.
“Notre préoccupation constante est de veiller à ce que les enfants apprennent à écrire dans leur langue maternelle, le khmer, et comprennent la culture, les fêtes et les coutumes traditionnelles khmères”, ajoute-t-il.
Danh Thi Hiên, qui soutient son mari dans la mise en place de la classe à domicile, déclare : “Nous sommes passionnés par la préservation de notre patrimoine culturel, c’est pourquoi nous organisons ce cours de langue khmère à domicile chaque été depuis deux ans maintenant”.
Les cours ont lieu tous les matins, sauf le dernier jour et le premier jour de chaque mois lunaire.
Pas moins de 34 enfants ont participé aux cours de langue khmère l’été dernier, et 30 d’entre eux ont obtenu leur certificat. Cette année, l’engouement se poursuit avec 27 élèves, âgés de 8 à 14 ans, inscrits au programme. Au-delà de l’apprentissage linguistique, les enfants s’immergent dans la culture khmère à travers des danses et des chants traditionnels.
Nourrir l’amour de la culture khmère
Le cours chez M. Hoa est dispensé par Thach Diêm et Danh Ho, deux piliers de la communauté khmère qui transmettent bénévolement l’écriture khmère aux jeunes générations.
À 60 ans, M. Diêm, malgré ses nombreuses occupations, consacre une partie de son temps à préserver cette langue ancestrale. Une initiative louable qui témoigne de l’attachement profond de ces deux hommes à leur culture.
“La plupart des enfants du hameau maîtrisent la langue khmère à l’oral, mais leurs compétences en lecture et en écriture sont limitées. Fort de mon expérience d’enseignement auprès des moines, la communauté me fait entièrement confiance. Malgré mes obligations agricoles, je me consacre à transmettre aux plus jeunes les fondamentaux de l’écriture”, explique-t-il.
Tout aussi dévoué à la préservation de l’écriture khmère, M. Ho s’investit dans l’enseignement de cette langue aux enfants pendant les mois d’été. Les résultats sont encourageants : les jeunes, attentifs et assidus, progressent rapidement et produisent déjà de très belles compositions en khmer.
Pour Son Gia Bao, 14 ans, ce cours est bien plus qu’un simple apprentissage de la langue écrite. “Cela fait maintenant deux étés que je participe à ce cours”, confie-t-il. “C’est très amusant. J’apprends à lire et à écrire dans mon écriture. Et ce n’est pas tout ! J’apprends aussi des danses et des chansons khmères. À la maison, je parle aussi khmer avec mes grands-parents et mes parents”, ajoute-t-il avec un grand sourire.
Parmi les élèves, Ly Dào Thanh Phong, un garçon de 9 ans scolarisé au collège Dang Tân Tài, ville de Thu Duc, Hô Chi Minh-Ville, se démarque par son attachement particulier à la langue et à la culture khmères.
Né d’un père originaire de la province de Long An et d’une mère de la commune de Thoi Xuân, Phong a grandi à Hô Chi Minh-Ville, mais son cœur bat au rythme de la culture de ses grands-parents maternels. L’été dernier, lorsqu’il a appris qu’un cours de khmer était organisé dans le village de ses aïeux, il a supplié ses parents de l’y inscrire.
“De retour dans le village de mes grands-parents, j’ai non seulement noué de nouvelles amitiés, mais j’ai aussi découvert la beauté de la vie rurale et les secrets de la rivière. Et surtout, j’ai appris à maîtriser l’écriture khmère. Aujourd’hui, je suis fier de pouvoir lire et écrire dans ma langue maternelle”, confie Phong avec enthousiasme.
Cours de langue à la pagode
En complément des cours communautaires, de nombreuses pagodes à Cân Tho offrent gratuitement des cours de langue khmère. Dans le district isolé de Vinh Thanh, la pagode Samaki organise depuis plusieurs années des cours d’été pour transmettre cette langue aux plus jeunes. Danh Phuoc, l’un des enseignants, souligne les difficultés rencontrées par les élèves : “La plupart ne savent ni lire ni écrire en khmer et ont des problèmes de prononciation. Mon objectif est donc de les aider à maîtriser les sons, l’accentuation et l’écriture. Malgré des conditions parfois difficiles, les autorités locales et les enseignants dévoués s’unissent pour préserver la culture khmère”.
“Je consacre mon été à enseigner aux jeunes, dans l’espoir de leur donner une base solide dans leur culture. À la fin du cours, ils sont capables de parler, de lire et d’écrire”, explique M. Phuoc.
Danh Thi Minh Châu, lycéenne à Thôt Nôt, rayonne de bonheur depuis qu’elle a participé aux cours de khmer de la pagode Samaki. Cet été, elle a non seulement amélioré sa maîtrise de la langue écrite et orale, mais a également approfondi ses connaissances sur les coutumes et les rituels de sa culture.
“Je m’engage à donner le meilleur de moi-même dans mes études et à adopter une conduite exemplaire. En tant que jeune fille bilingue khmer-vietnamienne, je tiens à remercier sincèrement mes professeurs pour leur dévouement au cours de ces trois derniers mois. Grâce à eux, j’ai pu maîtriser l’écriture khmère”, déclare Châu avec gratitude.
Nichée dans l’arrondissement de Ninh Kiêu, la pagode Munir Ansay s’anime chaque soir grâce à ses cours de langue khmère. Ce projet, porté par la passion du vénérable Trân Sol, le prieur de la pagode, a insufflé un nouveau souffle à la communauté.
Préserver les valeurs culturelles
Kim Tân Tài, moine enseignant le khmer à la pagode Munir Ansay, souligne : “De nombreux foyers utilisent encore le khmer dans leurs conversations quotidiennes. Les enfants, baignés dans cette langue, l’apprennent naturellement et maîtrisent rapidement l’écriture”.
Même les étudiants universitaires qui assistent au cours font preuve d’un grand enthousiasme et apprennent rapidement. Selon le moine, l’enseignement du khmer à la pagode contribue à protéger les valeurs culturelles du peuple khmer. En leur transmettant des connaissances sur leur langue et leur écriture, ils peuvent mieux préserver leur patrimoine culturel.
Trân Thi Minh Thao, étudiante au collège FPT de Cân Tho, exprime sa gratitude envers la pagode Munir Ansay : “C’est une chance incroyable que le temple propose des cours de khmer. À l’école, nous apprenons la langue officielle, le vietnamien, mais ici, je peux approfondir mes connaissances et mieux comprendre notre culture”.
La pagode Munir Ansay ne se contente pas de transmettre les valeurs culturelles traditionnelles, elle soutient également les étudiants défavorisés en leur offrant gratuitement des cours de khmer dans différents quartiers de Cân Tho. Grâce à la générosité des donateurs, les enseignants peuvent se procurer le matériel pédagogique nécessaire, contribuant ainsi à la pérennité de cette initiative essentielle à la préservation de la culture khmère.
Le vénérable Ly Hùng, vice-président permanent de l’Association de solidarité des moines patriotes de Cân Tho, a souligné l’importance de la collaboration entre l’association, les autorités locales et les organisations civiles pour promouvoir l’apprentissage de la langue khmère.
Grâce à ce partenariat, un vaste réseau d’enseignement a vu le jour cet été avec 23 moines et 19 enseignants répartis dans sept pagodes et quartiers, permettant à 218 élèves d’obtenir leur certificat. Ces résultats témoignent de la réussite de cette initiative et de la détermination de tous les acteurs impliqués à préserver la culture khmère.
Le vénérable Ly Hùng exprime le vœu de voir ces cours gratuits s’inscrire dans la durée, et appelle les autorités à apporter les moyens nécessaires pour que la langue et la culture khmères continuent d’être transmises aux générations futures.
Par Huong Linh & Thanh Thât – Le courrier du Vietnam – 12 octobre 2024
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