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Vietnam : ce nouveau décret « draconien » régulant Internet qui inquiète

Les utilisateurs des réseaux sociaux devront faire vérifier leur identité en vertu du nouveau décret 147, suscitant des craintes qu’il ne compromette la liberté d’expression et n’expose les dissidents anonymes.

Il s’agit du décret 147. Une sorte de nom de code qui pourrait figurer dans un film d’espionnage. Le Vietnam se dote d’une législation encore plus stricte pour réguler Internet et combattre, selon le régime, les cyberattaques. D’après ce décret qui entre en vigueur mercredi, les géants d’internet – comme toutes les « organisations, entreprises et individus étrangers » -, devront désormais vérifier les identités des utilisateurs grâce à leurs numéros d’identité ou de téléphone portable et garder ces données, en plus de leurs nom complet et date de naissance.

Stockées, elles pourront ensuite être transmises aux autorités, qui peuvent aussi réclamer de retirer dans les 24 heures les publications jugées illégales. Au Vietnam, tous les médias sont aux mains de l’État et les blogueurs indépendants sont interdits. Ce pays à parti unique occupe la 174e place sur 180 dans le classement mondial de la liberté de la presse établi par l’ONG Reporters sans frontières et est l’un des Etats qui recourent le plus à l’emprisonnement des journalistes, selon l’organisation. Les dissidents sont plus rapidement arrêtés lorsqu’ils sont fortement suivis en ligne.

En octobre, le blogueur Duong Van Thai (près de 120.000 abonnés sur YouTube où il critiquait souvent le gouvernement dans des vidéos en direct) a été condamné à 12 ans de prison pour publication d’informations hostiles à l’État. Son arrestation faisait suite à celle, survenue quelques mois plus tôt, du journaliste Huy Duc, auteur de l’un des blogs les plus populaires au Vietnam sur lequel il ciblait le gouvernement sur des questions de contrôle des médias et de corruption. Ses publications « violaient les intérêts de l’État », avaient estimé les autorités.

« Maintenir l’ordre social »

Le Quang Tu Do, du ministère de l’Information et de la Communication, a indiqué aux médias étatiques que la mesure « régulera les comportements pour maintenir l’ordre social, la sécurité nationale et la souveraineté nationale dans l’espace numérique ». D’après des opposants à la loi, le décret 147 mettra les dissidents face au risque d’être arrêtés pour leurs publications anonymes sur les réseaux. « Beaucoup œuvrent discrètement mais sûrement pour défendre les valeurs universelles des droits humains », affirme la blogueuse et militante Nguyen Hoang Vi. Mais selon elle, le nouveau décret pourrait « pousser à l’autocensure et faire en sorte que les gens qui expriment des opinions discordantes veuillent se protéger, nuisant finalement au développement de valeurs démocratiques » au Vietnam.

Le ministère de l’Information estime que le Vietnam compte 65 millions d’utilisateurs de Facebook, 60 millions de la plateforme de vidéos YouTube et 20 millions de TikTok. D’après le nouveau décret, seuls ceux qui auront un compte certifié pourront en outre diffuser des vidéos en direct, affectant possiblement un grand nombre d’abonnés qui ont fait des réseaux sociaux leur source de revenus.

Combattre l’addiction aux jeux vidéo

Ni Meta, Google (propriétaire de YouTube) ou TikTok n’ont réagi. L’organisation de défense des droits humains Human Rights Watch (HRW) a appelé le gouvernement vietnamien à revenir sur ce décret « draconien » qui menace selon elle l’accès à l’information et la liberté d’expression. « Le nouveau décret 147 et les autres lois sur la cybersécurité ne protègent pas le public de réelles questions sécuritaires et ne respectent pas les droits fondamentaux des droits humains », estime Patricia Gossman, directrice adjointe de la division Asie de HRW. « Parce que la police vietnamienne traite toute critique du parti communiste comme une question de sécurité nationale, ce décret lui fournira un autre outil de répression de la dissidence », alerte-t-elle.

Le décret est également destiné à combattre l’addiction aux jeux vidéo, alors que la moitié de la population (100 millions) joue régulièrement, d’après le cabinet de conseil Newzoo. Les éditeurs de jeux vidéo devront imposer une limite de temps : une heure par session et 180 minutes par jour maximum.

Agence France Presse – 23 décembre 2024

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