Vietnam impose un décret pour interdire l’anonymat sur internet
Au Vietnam, pays placé à la 174ème place sur 180 au classement de Reporters sans frontière, un nouveau décret de régulation d’internet entre en vigueur mercredi 25 décembre. L’objectif est de forcer les géants d’internet à divulguer des informations sur leurs utilisateurs.
Un nouveau texte vient s’ajouter à la loi sur la cybersécurité adoptée en 2018, et déjà très critiqué par les partisans de la liberté en ligne, les États-Unis ou l’Union européenne. Le Décret 147 légifère sur les plateformes numériques vietnamiennes telles que Zalo ou ZingMe, et les réseaux sociaux étrangers – Facebook, YouTube ou TikTok – qui devront désormais vérifier les identités des utilisateurs qui naviguent sur leur site.
Il leur sera demandé leur nom complet, leur date de naissance, ainsi que leur numéro d’identification ou de téléphone portable. Seuls les comptes vérifiés seront autorisés à poster, commenter ou diffuser en direct. Toutes les données sur les utilisateurs devront être stockées et pourront désormais être transmises aux autorités, à leur demande. Enfin, l’État vietnamien pourra réclamer de retirer, dans les 24 heures, les publications, comptes, chaînes ou groupes d’échange jugés illégaux.
L’objectif affiché, c’est de lutter contre les contenus « néfastes » ou « toxiques », avant qu’ils ne deviennent viraux. Le ministère de l’Information et de la Communication indique que l’authentification des comptes va faciliter les enquêtes puisqu’il sera possible d’identifier des malfaiteurs qui se cachent derrière des pseudos, par exemple. Il sera ainsi plus aisé de poursuivre les coupables d’infractions, de fraude ou de fausses informations, quelques-unes des activités illégales citées par l’état vietnamien qui dit vouloir « réguler les comportements pour maintenir l’ordre social, la sécurité nationale et la souveraineté nationale dans l’espace numérique ».
Si les intentions sont louables, la mise en application de ce décret fait craindre qu’il ne devienne « un nouvel outil de répression de la dissidence », comme l’explique Patricia Gossman, directrice adjointe de la division Asie de Human Rights Watch.
Menaces pour la liberté d’expression
Car au Vietnam, toute critique du gouvernement peut être considérée comme une activité illégale. Les arrestations de journalistes se sont multipliées, plusieurs militants de l’environnement ont été emprisonnés pour avoir dénoncé des projets écocides. Les blogueurs sont également inquiets, depuis qu’en octobre dernier, Duong Van Thai a été condamné à 12 ans de prison pour la publication de vidéos où il dénonçait la corruption au sein du parti communiste, le parti unique au Vietnam. Ses vidéos, regardées par près de 120 000 abonnés sur YouTube, ont été considérées comme « hostiles à l’État ».
Au nom de la transparence, le décret 147 de régulation d’internet fait courir un risque à tout Vietnamien qui s’exprime sur les réseaux sociaux, puisque les publications ne pourront plus être anonymes. Les organisations de la société civile estiment que les gens auront désormais davantage recours à l’autocensure.
Ventes en ligne et jeux vidéo
Le Vietnam est un pays hyper connecté. Sur les 100 millions d’habitants, 65 millions ont un compte Facebook, 60 millions sont sur YouTube et 20 millions sur TikTok. Des sites qui sont aussi devenus des plateformes importantes du commerce en ligne, avec des ventes qui génèrent l’équivalent d’un cinquième de l’économie du pays. Les nouvelles règles d’identification font craindre une baisse de revenus pour des millions d’internautes.
Les plateformes concernées n’ont pour l’instant pas réagi à ce décret 147, dont un autre aspect est la lutte contre l’addiction aux jeux vidéo : une limite d’une heure par session et de trois heures par jour sera désormais imposée.
Par Carlotta Morteo – Radio France Internationale – 25 décembre 2024
Articles similaires / Related posts:
- Au Vietnam, Facebook et YouTube complices de la répression Un rapport d’Amnesty International rendu public ce mardi montre comment les géants d’internet se sont soumis à la volonté des autorités vietnamiennes de censurer et harceler sa population....
- Vietnam : Facebook et Google, des «zones sans droits de l’Homme», dénonce Amnesty Facebook et Google deviennent des «zones sans droits de l’Homme» au Vietnam, a averti Amnesty International mardi 1er décembre, accusant les géants de la technologie d’aider à censurer l’opposition pacifique et la liberté politique dans le pays. Amnesty a averti que, bien qu’elles aient été «autrefois le grand espoir pour l’essor de la liberté d’expression dans le pays, les plateformes des réseaux sociaux sont en train de devenir rapidement des zones sans droits de l’Homme»....
- Vietnam : les réseaux sociaux, terrain de chasse du Parti Communiste Google et Facebook peuvent devenir les bras armés d’un régime autoritaire qui censure et harcèle. Exemple au Vietnam....
- Viêt-Nam. Des militant·e·s visés par un groupe de pirates tristement célèbre Le groupe de pirates informatiques Ocean Lotus, soupçonné d’entretenir des liens avec l’État vietnamien, est à l’origine d’une campagne soutenue d’attaques lancées au moyen de logiciels espions contre des défenseur·e·s vietnamiens des droits humains, comme le révèle une nouvelle enquête menée par Amnesty Tech, qui souligne l’intensification des atteintes portées à la liberté d’expression....
- Le Vietnam s’attaque aux médias sociaux Le gouvernement vietnamien souhaite intensifier son contrôle sur les comptes de médias sociaux qui peuvent publier du contenu lié à l’actualité....