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Thaïlande : des stigmates de la pop culture pour contester le pouvoir

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Des dizaines de milliers de manifestants dans les rues pour marcher vers la démocratie. Depuis cet été, la Thaïlande vit au rythme de la contestation, emmenée par des étudiants en mal de liberté. Des mouvements très visuels, qui invoquent des symboles de leur temps pour dénoncer le régime militaire.

609 millions d’euros pour une commande de deux sous-marins chinois alors que l’économie thaïlandaise recule de 12 %, faute de touristes et en raison de la chute des exportations, la dépense ne passe pas auprès des étudiants. Déjà en colère et dans les rues depuis plusieurs semaines pour protester contre le gouvernement et demander une réforme de la monarchie, une partie de la jeunesse a rajouté une revendication : l’abandon du contrat lancé en 2015 entre les autorités de Bangkok et celles de Pékin.

Une image de presse simple et directe

Sur la photo prise par Lillian Suwanrumpha, de l’AFP, lundi 31 août 2020 à Bangkok, un homme manifeste contre l’achat de sous-marins chinois par les militaires thaïlandais. Il porte un masque, coronavirus oblige, mais aussi par crainte de la répression. L’étudiant tient d’une main un bouquet de ballons colorés, symbole de liberté et d’enthousiasme. Il salue de la main gauche en faisant le signe des trois doigts, le “three fingers salute” (salut des trois doigts), en référence au premier tome de la saga Hunger Games, les jeux de la faim, écrit par Suzanne Collins en 2008 et adapté au cinéma par Gary Ross en 2012. Le manifestant fait ainsi allusion à l’héroïne de l’histoire, icône de la rébellion qui défie le pouvoir. Un pouvoir par ailleurs incarné par deux policiers quasi robots, en arrière plan de l’image saisie par celle qui a été diplômée en beaux-arts du Chelsea College of Arts (UAL, Londres) en 2010.

Depuis la mi-juillet les défilés de contestation s’enchaînent en Thaïlande pour réclamer la chute du gouvernement et la dissolution du Parlement. Les manifestants appellent au changement et s’attaquent au tabou des tabous : la monarchie. Le mouvement pro-démocratie a connu des records d’influence, réunissant  entre 10 000 et 20 000 personnes.

“C’est une photo ‘one shot’, prise sur l’instant”, explique Françoise Bornstein, galeriste de photographie à Paris. “L’instantanéité se remarque par le fait qu’il n’y a pas de composition.”

La photo est prise en contre-plongée, ce qui donne plus de relief au jeune homme, qui devient l’unique sujet du cliché. D’autant que ce qui l’entoure, les images des immeubles, est flou.

“Le policier derrière n’est pas clairement identifié, bien qu’on suppose que sa présence signifie qu’il s’agit d’une manifestation.” Pour la directrice de la galerie Sitdown, les ballons qui attirent l’œil et les doigts serrés expriment l’unité et la force.

Un message fort et (partiellement) entendu

Les manifestants ont eu partiellement gain de cause. Face à la forte mobilisation et pour apaiser la grogne populaire et, sans doute, se détourner des revendications démocratiques, le Premier ministre et ministre de la Défense Pravut Chan-O-Cha a réagi en demandant à la marine thaïlandaise de “retarder l’achat [des sous-marins]”. La Thaïlande, l’un des premiers pays à acheter des submersibles construits par la Chine, devait en acquérir trois. L’achat du premier a été finalisé en 2017 et sa livraison est prévue en 2023.

Les deux autres ont fait l’objet d’une approbation d’une sous-commission parlementaire en août dernier, suscitant la colère des citoyens. Les critiques portaient sur la somme à débourser – 609 millions d’euros – mais aussi sur l’intérêt et la valeur stratégique de posséder ces engins. La Thaïlande est en effet un pays aux eaux peu profondes, qui se tient à l’écart des différends en mer de Chine, contrairement à plusieurs de ses voisins.

Mais depuis 2007, le royaume achète des matériels militaires chinois, suite logique du rapprochement politique sino-thaïlandais. Auparavant, Bangkok, le plus ancien allié des États-Unis en Asie du Sud-Est, achetait du matériel américain. Devenu obsolète, il été remplacé par des engins chinois bradés. Les liens avec Pékin se sont resserrés après que Washington a sanctionné le royaume après l’arrivée au pouvoir des militaires en Thaïlande, lors du coup d’Etat de mai 2014.

Par Nadine Epstain – Radio France Culture – 5 Septembre 2020

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