L’Union Européenne au secours de la pêche birmane
Les cordonniers sont toujours les plus mal chaussés, selon le dicton. L’aphorisme peut sans doute s’appliquer à l’Union Européenne, incapable pour l’instant de trouver un accord acceptable avec le Royaume-Uni sur la question hautement symbolique de la pêche mais tout à fait apte à développer un programme national d’aquaculture durable (MYSAP) en faveur de la Birmanie, un programme utile d’aide et de soutien aux entreprises du secteur de la pêche.
En partenariat avec la GIZ – l’agence allemande pour le développement, omniprésente en Birmanie et dont le principal bailleur de fonds sur ce projet est l’Union européenne – la direction de la Pêche, qui est rattachée au ministère de l’Agriculture, de l’Elevage et de l’Irrigation, met actuellement en œuvre ce programme MYSAP, qui a pour objectif de créer une aquaculture durable tout en favorisant le commerce local, notamment en réservant une partie de la production aux communautés souffrant de malnutrition. Spécificité de ce programme d’aide : les exportations de poissons à destination de l’UE sont favorisées. Autre aspect, toujours dans l’idée de susciter un développement économique vertueux, le gouvernement birman va fournir des intrants et va inciter les entreprises à transformer leurs produits, ce qui générera une meilleure plus-value financière par rapport à la vente de produits bruts.
Depuis les années 1980, la pêche intensive a entraîné une réduction de 90% des stocks de poissons sauvages. Dans les zones rurales, où se concentre 70% de la population, ce modèle d’exploitation déraisonnable de la ressource halieutique menace la qualité de vie des habitants, mettant en risque tant leur autonomie alimentaire qu’économique. À cela s’ajoute aujourd’hui la pandémie de Covid-19, qui a entraîné une chute des exportations, fragilisant encore plus l’économie du pays.
Le secteur halieutique n’a pas fait exception. En soutenant un développement raisonné de la pêche en zones côtières et fluviales, le gouvernement et ses bailleurs cherchent donc à renforcer le secteur tout en diminuant son impact sur l’environnement, notamment la biodiversité.
Depuis 2016, le secteur de la pêche croît. Aujourd’hui, ses exportations génèrent un peu plus de 700 millions d’euros par an. D’un point de vue économique, en prévoyant des exportations sur le long terme avec l’UE dans un cadre d’exploitation raisonnée, l’initiative fait sans. Elle est même certainement bénéfique à la biodiversité locale. En revanche, du point de vue de l’impact environnemental global, l’exportation de ces ressources alimentaires à l’autre bout de la planète rend le terme « durable » quelque peu paradoxal, voire trompeur…
Par Julia Guinamard – Lepetitjournal.com – 21 Décembre 2020
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