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Il faut que le drame de l’agent orange soit connu dans le monde, plaide Tran To Nga, victime franco-vietnamienne

Tran To Nga a porté plainte contre 26 multinationales ayant fabriqué ce puissant herbicide utilisé pendant la guerre de Vietnam. Le procès qui l’oppose à ces géants industriels, dont Dow Chemicals et Monsanto, s’ouvre lundi 25 janvier au tribunal de grande instance d’Evry.

C’est une course contre la montre pour Tran To Nga. A 78 ans, cette franco-vietnamienne se bat depuis des années au nom des victimes de « l’agent orange », puissant herbicide utilisé pendant la guerre du Vietnam et responsable de très nombreux cancers et malformations génétiques. Le tribunal d’Evry (Essonne) a reçu sa plainte, déposée en mai 2014 contre 26 multinationales qui ont fabriqué ces produits chimiques. Parmi elles : Monsanto ou encore Dow Chemicals. L’audience des plaidoiries, initialement prévue en octobre dernier, doit avoir lieu lundi 25 janvier.

« Il faut que le drame de l’agent orange soit connu dans le monde », explique Tran To Nga à franceinfo*. Elle souhaite que la justice reconnaisse la responsabilité des entreprises dans la dispersion de produits toxiques, symboles de la guerre chimique amorcée au Vietnam par des forces américaines tenues en échec. Ainsi, entre 1965 et 1973, des avions de l’US Air Force déversent, au-dessus des forêts du pays, 80 millions de litres de cet agent orange qui contient des dioxines. L’objectif est notamment d’éliminer la végétation où se cachent les combattants du Vietcong, force armée nationaliste et communiste.

« J’ai reçu en direct le poison »

Les conséquences sont désastreuses pour la nature et pour des millions d’habitants, mais aussi pour des milliers de vétérans du Vietnam : cancers, malformations congénitales, maladies du système nerveux. Les dégâts se font sentir plusieurs années après les épandages. Tran To Nga, ancienne agente de liaison du Front national de libération du Sud Vietnam puis correspondante de guerre de l’Agence d’information de libération, a été en contact avec l’herbicide. « J’ai reçu en direct le poison. J’ai pataugé aussi dans des mares, dans des étangs, où il y avait plein de feuilles mortes, de poison », confie-t-elle.

Elle a perdu sa première fille, née avec une malformation cardiaque. Sa deuxième fille est également atteinte de malformations cardiaques. Elle-même souffre de nombreuses maladies.

« J’ai des problèmes cardiaques, j’ai eu deux fois la tuberculose. Les maladies des poumons sont des maladies typiques pour les victimes de la dioxine. »Tran To Nga à franceinfo

Dans les années 1980, plusieurs firmes, dont Monsanto, ont signé un accord à l’amiable avec des vétérans américains. En échange de l’arrêt des poursuites, ils ont versé 250 millions de dollars de compensation, rappelle Courrier international. En 2013, la justice sud-coréenne a condamné Monsanto et Dow Chemicals à indemniser 39 vétérans de la guerre du Vietnam contaminés par ce défoliant, à hauteur de 315 000 euros, signale France 24.

« Je n’ai pas le droit d’être découragée »

En revanche, les victimes vietnamiennes n’ont à ce jour rien obtenu. « L’État vietnamien ne pouvant rien intenter vis-à-vis des Etats-Unis, dont il recherche aujourd’hui une forme de protection face à la Chine, les plaintes ne peuvent venir que d’initiatives privées, d’où celle de Madame Tran To Nga actuellement au tribunal d’Evry, en France », explique à RFI André Bouny, auteurs de plusieurs livres de référence sur l’agent orange.

Si la justice est favorable à Tran To Nga, ce serait donc une première pour une victime vietnamienne : « Je n’ai pas le droit d’être découragée ou bien d’arrêter. J’ai presque 80 ans. Je suis l’unique personne à pouvoir faire ça. Si je disparais, alors tout disparaîtra avec moi. » 

Par Linh Lan Dao, Pascal Caron, Pascal Crapoulet, Rénald Perquis – Franceinfo – 25 Janvier 2021

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