Bain de sang dans une Birmanie terrorisée
La répression militaire a fait plus de 700 victimes depuis le coup d’État du 1er février dernier, dont 82 ce week-end. La terreur aveugle exercée par l’armée a asphyxié Rangoun, mais en province la résistance continue.
La folie meurtrière de l’armée birmane ne connaît plus de limites. À coups de grenades, de tirs d’artilleries lourdes ou de raids aériens, elle réprime les moindres sursauts de résistance qui osent encore s’exprimer dans les provinces.
Selon le décompte tenu par l’Association d’assistance aux prisonniers politiques (AAPP), la répression militaire a fait plus de 700 victimes depuis le coup d’État du 1er février dernier, dont 82 pour ce seul week-end. Pour autant, des manifestants ont continué à se réunir dimanche 11 avril dans la grande ville du nord, Mandalay.
« Personne ne vient à notre secours ».
« C’est un vrai bain de sang dans tout le pays », témoigne sur messagerie cryptée un contestataire qui se cache à Rangoun. « On ne peut plus sortir en sécurité, les soldats sont partout. Ils mènent des raids nocturnes chez les gens, arrêtent des jeunes et violentent les vieux parents, ce sont des barbares. »
Face à l’immobilité de la communauté internationale qui n’arrive pas à se mettre d’accord sur une condamnation du putsch à cause des pressions russe et chinoise, ce jeune militant de la première heure se désespère : « Personne ne vient à notre secours, nous sommes pris dans le piège de notre propre armée qui va tous nous tuer et nous ruiner. »
Rangoun s’est vidé de 30 à 50 % de sa population
Dans les rues de Rangoun, sont apparus de nombreux enfants mendiants, des gens en guenilles qui errent pour trouver à manger. « Je n’avais jamais vu une telle pauvreté exploser ces dernières semaines », raconte un ingénieur européen qui vient de réussir à quitter la Birmanie pour se réfugier en Thaïlande. « Le pays s’enfonce dans une terrible crise économique dont il aura du mal à se remettre. Plus rien ne fonctionne. Face à la terreur de l’armée, de 30 à 50 % des habitants ont fui Rangoun pour rentrer dans leurs provinces d’origine. »
Il raconte des convois de dix à vingt camions de militaires traversant la ville à tombeau ouvert, « tels une bande de brigands qui obéit aveuglément aux ordres de tuer les civils ». « On a un sentiment de vide à Rangoun et les gens ne manifestent plus. »
La contestation se poursuit dans les provinces
Dans les provinces du nord toutefois, des poches de résistances subsistent, en en payant le prix fort : 82 morts en une journée ce week-end dans la ville de Bago (65 km au nord de Rangoun). Les forces de l’ordre ont empêché les secouristes d’intervenir et chargé les cadavres dans leurs camions. À Mandalay, dimanche 11 avril, des étudiants et leurs enseignants ont défilé dans les rues mais très brièvement. Dans la banlieue-bidonville d’Okkalapa au sud de Rangoun, des protestataires ont brandi des pancartes mais nombre d’entre eux ont été arrêtés et condamnés (certains à la peine de mort) par une Cour martiale.
« Les militaires sont prêts à retourner au temps où des personnes étaient exécutées en Birmanie », soit plus de trente ans en arrière, dénonce Phil Robertson, directeur adjoint du département Asie de Human Rights Watch. Face à la dégradation constante de la situation en Birmanie, l’émissaire de l’ONU, Christine Schraner Burgener, a commencé ce week-end une tournée asiatique qui doit aussi la conduire en Chine et qui devrait déboucher sur un sommet « d’urgence » des pays de l’Association des pays d’Asie du Sud-Est le 20 avril.
Par Dorian Malovic – La Croix – 11 avril 2021
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