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Enlèvements, massacres… La guerre civile en Birmanie touche les Rohingyas jusque dans les camps de réfugiés

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La guerre civile en Birmanie touche particulièrement la communauté Rohingya, déjà morcelée par un exode une décennie plus tôt : elle est désormais menacée par l’armée comme par les forces rebelles cherchant à renverser la junte.

Les Rohingyas, peuple dont les images de l’exil forcé avaient fait le tour du monde en 2017, n’ont pour la plupart jamais pu retourner dans leur pays d’origine, la Birmanie. Mais la guerre entre la junte birmane et les groupes insurgés touche désormais les réfugiés jusque dans les camps installés au Bangladesh, où vivent depuis des années des centaines de milliers de personnes.

Les Rohingyas à nouveau menacés en Birmanie

Groupe ethnique majoritairement musulman vivant principalement dans l’État d’Arakan, dans l’ouest de la Birmanie, les Rohingyas se sont trouvés au centre d’un conflit avec le gouvernement birman à partir de 2016, aux conséquences dramatiques pour la population. Des représailles lancées par les militaires suite à des attaques de l’Armée du salut des Rohingyas de l’Arakan contre des postes-frontières ont entraîné un exode de la majorité de la population. On compte à l’époque près de 900 000 réfugiés au Bangladesh voisin en octobre 2017, alors que seuls environ 600 000 Rohingyas restaient en Birmanie en 2021, selon une mission des Nations Unies.

La même année, un coup d’Etat va déclencher un nouveau conflit n’épargnant pas ces derniers Rohingyas restés dans leur pays de naissance. La mise en place d’une junte militaire provoque une guerre civile face à des dizaines de groupes rebelles, dont certains se sont alliés et revendiquent vouloir mettre en place une démocratie.

L’offensive lancée en octobre 2023 par l’Alliance de la Fraternité, composée de l’Armée de l’Arakan, l’Armée de libération nationale Taaung et l’Alliance démocratique nationale du Myanmar, a fragilisé le régime, qui perd depuis du terrain au profit des insurgés. Si les espoirs d’une victoire des rebelles sont donc grands face à l’impopularité de la junte dans le pays et le manque de soutien des alliés de l’armée birmane, notamment la Chine, les victimes civiles sont nombreuses, y compris parmi les Rohingyas.

Un massacre commis par les rebelles

Selon une investigation de l’ONG Fortify Rights, l’Armée de l’Arakan a commis « des attaques disproportionnées et sans distinction contre des civils Rohingyas en fuite le 5 et 6 août », de même qu’un déplacement de civils à Maungdaw, dans l’État de Rakhine (autre nom d’Arakan).

Cette attaque a été conduite par des bombardements et des drones, tuant plus d’une centaine de civils tentant de fuir au Bangladesh, au sein d’une foule de plusieurs milliers de personnes, le 5 août. Un autre assaut conduit par des soldats le lendemain a entraîné la mort de dizaines de civils.

L’investigation de Fortify Rights documente également d’autres crimes commis par l’Armée de l’Arakan, incluant le pillage et la destruction de propriétés à Buthidaung, ville à proximité de la frontière. Face à cette Armée de l’Arakan, on peut observer un changement d’alignement spectaculaire du côté Rohingya : l’Organisation de Solidarité Rohingya (RSO) combat du côté de la junte militaire, quelques années après la répression sanglante organisée par les futurs chefs du régime actuel.

Des enlèvements dans les camps de réfugiés

Mais les Rohingyas ne sont pas épargnés non plus au Bangladesh, pays où le gouvernement discutait en 2017 d’un programme de stérilisation des femmes du groupe ethnique pour éviter une explosion démographique parmi les réfugiés. L’essentiel des Rohingyas vivent dans la région frontalière du Cox’s Bazar, où on trouve le plus grand camp de réfugiés du monde selon l’ONU, Kutupalong, avec près de 600 000 habitants en 2022. Ce lieu a été le théâtre de kidnappings organisés par des groupes armés Rohingyas, dont le RSO, visant des personnes enrôlées par la suite dans les forces militaires birmanes, selon une autre enquête de Fortify Rights.

Ces enlèvements ne concernent pas que des personnes majeures : Radio Free Asia cite le cas de Farhad, 13 ans, qui a été remis à l’armée birmane, selon des informations qu’il a pu communiquer par téléphone à son frère. Le média souligne les changements drastiques que cette vague de kidnapping a causés dans le camp : les rues sont désormais vides, plusieurs boutiques restent fermées, tandis que des familles cachent leurs enfants pour éviter tout enlèvement.

Le nombre précis de personnes enlevées est pour l’instant inconnu, mais pourrait s’élever à plusieurs milliers de personnes : selon l’AFP sur la base d’un rapport confidentiel de l’ONU, environ 1 500 Rohingyas vivant dans les camps avaient été forcés de rejoindre l’armée en mai.

Par Benjamin Laurent – Géo magazine – 5 septembre 2024

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