Thaïlande : les étudiants hissent le drapeau noir
Bravant la menace du Covid-19, les manifestations continuent en Thaïlande pour demander davantage de liberté et de démocratie
Jeunes, engagés et révoltés, lundi 2 mars des étudiants de la faculté de Chulalongkorn de Bangkok se sont attirés les foudres de leur administration et des réseaux sociaux après avoir hissé un drapeau noir en berne en symbole de leur protestation contre le gouvernement du général Prayuth qu’ils jugent autoritaire et anti démocratique.
A Chulalongkorn, coronavirus ou pas on continue de se rassembler et de manifester contre le gouvernement. Si la plupart du temps l’ambiance est pacifique et apaisée, il peut arriver que les choses dérapent.
Lundi 2 mars, alors que l’administration de la faculté venait de descendre le drapeau national avant de le hisser à nouveau le lendemain comme le veut la coutume, un groupe de manifestants a pris l’initiative de le remplacer par un drapeau noir en berne.
“Nous avons attendu que l’hymne national soit terminé. Un garde de sécurité de l’université a baissé le drapeau national thaïlandais et l’a enlevé comme d’habitude. Le drapeau national serait ramené et hissé de nouveau à 8 heures le lendemain. Le mât a été laissé sans drapeau. Nous avons alors procédé à la levée de notre drapeau noir, en berne.” – Sirin « fleur » Mungcharoen pour le Thai Enquirer
Un acte militant qui a été filmé par l’un des gardiens puis posté sur les réseaux sociaux.
Rapidement, la vidéo est devenue virale. Une marée de messages haineux, fustigeant ce geste, s’est déversée dans les commentaires s’attirant les foudres de certains usagers percevant ce geste comme une insulte envers le pays.
Sirin “Fleur” Mungcharoen, victime d’une manipulation médiatique ?
De part sa ferveur Sirin “Fleur” Mungcharoen, une militante s’est particulièrement distinguée dans la vidéo. Fustigée sur les réseaux, la jeune activiste dénonce un manque de contextualisation de cette vidéo.
Cette dernière aurait commencé à être enregistrée après que des membres de l’administration aient décidé de retirer le drapeau.
“Il n’y a jamais eu un moment où nous avons manqué de respect au drapeau.” – Sirin Mungcharoen pour le Thai Enquirer
Injures et menaces de mort
Dans une lettre ouverte paru dans le Thai Enquirer, la jeune militante affirme ne pas avoir retiré le drapeau national pour l’échanger avec le noir, ce dernier ayant déjà été retiré. Une manipulation médiatique qui lui aurait donné l’image d’une personne détestant sa nation, au point de lui en retirer son symbole.
“Seule et paniquée, j’ai crié à l’aide. Ce fut le début de la vidéo diffusée. Après que mes amis m’aient entendu crier, ils sont revenus. Un ami qui m’avait aidé à hisser le drapeau se servait aussi de son corps pour me protéger des agents de sécurité. Un autre ami enregistrait l’incident, au cas où quelque chose de violent se produirait. Pendant ce temps, un agent de sécurité utilisait également son téléphone pour enregistrer une vidéo. Il y a eu un échange de paroles. Après l’échec de ma tentative de lever le drapeau, je suis retourné à la manifestation.” a confié la militante dans une lettre ouverte dans le Thai Enquirer
D’une violence rare, les commentaires se sont par la suite attaqués directement à l’apparence physique et à l’intégrité de la jeune fille.
“ D’autres ont critiqué mon apparence, disant que parce que je me suis teint les cheveux en blond, j’avais l’air d’une salope. D’autres ont dit que j’avais crié comme si j’avais été violée par un gang. D’autres ont dit que si ce n’était pas illégal, ils me tueraient. “
Sirin “Fleur” Mungcharoen
Désactivation forcée des comptes de réseaux sociaux et maquillage obligatoire
Un harcèlement médiatique qui dépasse la frontière de la manifestation et du sujet initial. Face à la situation, Sirin a s’est vue contrainte de fermer ses réseaux sociaux et de se couvrir le visage et les cheveux.
Désormais, l’activiste vit “dans la peur à cause de la haine reçue en ligne”.
Selon la militante, d’autres étudiants ont également été victime de ce type de harcèlement en ligne suite à leur participation à des manifestations. Une image déformée et déformante qui entrave la continuation saine et pacifique des protestations.
“De nombreux militants thaïlandais ont été confrontés aux mêmes problèmes que moi. Le harcèlement en ligne et la chasse aux sorcières ne nous sont pas étrangers. Pour moi, c’est un cauchemar qui n’est pas encore terminé.” a déclaré Sirin lors d’une conférence de presse au FCCT
Par Anouk Ampe – thailande-fr.com – 14 mars 2020
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