Un journaliste cambodgien détenu pour avoir cité le premier ministre
Le directeur du site d’information cambodgien TVFB a été arrêté mardi 7 avril pour avoir cité directement des propos tenus par le premier ministre Hun Sen lors d’une conférence de presse.
Sovann Rithy, le directeur du site d’information cambodgien TVFB, a été arrêté mardi 7 avril par la police municipale de Phnom Penh pour « incitation à commettre un crime ». Le journaliste avait cité sur Facebook le premier ministre Hun Sen plus tôt dans la journée : « si les motos-taxis n’ont plus d’argent, alors vendez vos motos pour dépenser de l’argent. Le gouvernement ne peut pas vous aider ».
Ces propos ont été tenus durant une conférence de presse de quatre heures largement diffusée en direct, notamment sur la page Facebook du premier ministre.
Selon la police, les propos du premier ministre étaient un trait d’humour, et ne devaient donc pas être cités tels quels. Le porte-parole de la police nationale Chhay Kim Khoneun a déclaré que « s’il est avéré que les commentaires de Sovann Rithy n”étaient pas intentionnels, les autorités le rééduqueront ». D’après l’ONG Human Rights Watch, la rééducation est souvent utilisée comme un moyen de réduire au silence les personnes arrêtés en les forçant à signer des documents dans lesquels ils s’engagent à ne pas exprimer d’opinions critiques en échange de leur libération.
Reporters sans frontières, Human Rights Watch, l’Alliance des journalistes cambodgiens (CamboJA), et le Club de correspondants étrangers du Cambodge (Overseas Press Club of Cambodia, OPCC) demandent la libération de Sovann Rithy ainsi que la fin des poursuites à son encontre. Le journaliste est actuellement en détention provisoire à la prison de la police judiciaire.
La licence du média auprès du ministère de l’information a été révoquée et le site fermé, au motif que le journaliste aurait sélectionné cette citation. Sovann Rithy risque jusqu’à deux ans de prison.
« Nous appelons la justice cambodgienne à mettre un terme immédiat à cette affaire totalement kafkaïenne en libérant Sovann Rithy sur le champ, et demandons par ailleurs au gouvernement de rétablir la licence de diffusion de TVFB, a déclaré Daniel Bastard, responsable du bureau Asie-Pacifique de RSF. Emprisonner un journaliste parce qu’il a cité, mot pour mot, une déclaration du premier ministre dépasse les bornes de l’absurde. La crise du Covid-19 ne doit pas servir de prétexte pour faire taire les journalistes qui ne suivent pas aveuglément le discours officiel du gouvernement. »
Le Cambodge se situe à la 143e position sur 180 pays dans le Classement mondial de la liberté de la presse établi par Reporters sans frontières en 2019.
Par Pierre Motin – Lepetitjournal.com – 13 avril 2020
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