Après un bref espoir, la condamnation à mort de Ho Duy Hai confirmée
Du 6 au 8 mai 2020 s’est tenue une série d’audiences dans l’affaire Ho Duy Hai, qui avait été condamné à mort en 2008. Les juges de la Cour suprême à Hanoï devaient déterminer si les vices de procédure et irrégularités ayant entaché la condamnation de Hai étaient avérées et décider de prononcer ou non l’annulation de cette dernière. Ils ont finalement décidé de confirmer le verdict original.
Le 8 mai 2020 aux alentours de 15h30, après trois jours d’audiences, un panel de 17 juges de la Cour populaire suprême de Hanoï a réaffirmé les verdicts énoncés par le tribunal de première instance et la cour d’appel en 2008 et 2009 respectivement : Ho Duy Hai demeure condamné à mort. La Cour a également rejeté la demande du Parquet vietnamien qui, en novembre 2019, réclamait l’annulation du verdict pour vices de procédure.
Si la Cour suprême a reconnu que des erreurs avaient été commises durant la procédure, ces dernières ne changent pas selon eux la nature de l’affaire, et donc le bien-fondé de la condamnation à mort de Ho Duy Hai.
Selon des juristes vietnamiens avec lesquels l’ACAT a pu échanger, il reste encore trois possibilités pour que Ho Duy Hai quitte enfin les couloirs de la mort, où il se trouve depuis déjà 12 ans :
- L’Assemblée nationale peut intervenir et demander à ce que le Comité judiciaire de la Cour suprême se réunisse en vue de procéder à une révision de sa décision ;
- Le chef du Parquet populaire suprême ou le président de la Cour suprême peuvent également demander une révision de la décision par le Comité judiciaire de la Cour suprême ;
- Le président de la République socialiste du Vietnam, Nguyen Phu Trong, peut décider de gracier Ho Duy Hai.
Une affaire d’injustice et d’arbitraire qui mobilise l’opinion publique
Au premier jour de l’audience le 6 mai 2020, Ho Duy Hai était représenté par son avocat Tran Hong Phong, qui a pu déclamer sa plaidoirie durant une vingtaine de minutes. Le reste de l’audience s’est tenu à huis clos. La mère de Ho Duy Hai, Nguyen Thi Loan, avait fait le voyage jusqu’à Hanoï accompagnée de la tante et la sœur de Hai, mais elles n’ont pas pu assister à l’audience. A l’annonce du verdict, elles étaient effondrées. « Hai est innocent ! Il n’y a pas de justice au Vietnam ! » a crié la sœur du prisonnier, Ho Thi Thu Thuy.
Le cas de Ho Duy Hai dispose d’une résonance particulière auprès de l’opinion publique au Vietnam. Nombreux sont ceux qui reconnaissent l’injustice subie par Hai, issu d’une famille pauvre peu éduquée, arrêté arbitrairement et forcé de confesser sous la torture avant d’être condamné à mort pour un double meurtre qu’il n’a pas commis. Il existe en effet un manque de confiance indéniable dans les institutions et le système judiciaire au Vietnam. La plupart des citoyens vietnamiens ont été témoins, directs ou indirects, de violences policières au cours de leur vie. Ainsi, le soutien dont bénéficie depuis des années la famille de Hai leur permet de se rendre régulièrement à Hanoï pour réclamer justice auprès des autorités et de garder espoir. L’opinion publique vietnamienne avait en 2014 créé assez de pression pour stopper in extremis l’exécution de Ho Duy Hai. A l’annonce de ce dernier verdict le 8 mai 2020, plusieurs avocats et journalistes vietnamiens se sont exprimés sur les réseaux sociaux pour condamner la décision de la Cour.
La neutralité du président de la Cour suprême mise en doute
L’ACAT a échangé avec plusieurs activistes vietnamiens qui ont déclaré être peu surpris par le verdict rendu par la Cour suprême. En effet, le panel de juges était mené par le président de la Cour suprême lui-même, Nguyen Hoa Binh, qui a toujours fait preuve d’une grande fermeté sur l’affaire Ho Duy Hai. Et pour cause : au moment de l’enquête sur le double meurtre ayant abouti à la condamnation de Hai, il était à la fois directeur-adjoint du Département général de la police et directeur-adjoint de l’Agence d’investigation du ministère de la Sécurité publique. Puis, en 2011, il était à la tête du Parquet populaire suprême lorsque ce dernier a refusé de suspendre la peine de Ho Duy Hai. Nguyen Hoa Binh a toujours soutenu que l’affaire avait été menée correctement, sans aucune faute de la part des autorités en charge de l’investigation. En ce sens, rendre un verdict favorable à Ho Duy Hai aurait été un véritable désaveu, une reconnaissance de son propre échec comme celui du ministère de la Sécurité publique.
Retour sur le déroulé de l’affaire et les vices de procédure l’ayant entachée
Accusé du meurtre de deux jeunes femmes dans la province méridionale de Long An en mars 2008, Ho Duy Hai a été condamné à la peine capitale en décembre 2008, après une enquête bâclée. Il avait 23 ans. En détention provisoire, des aveux lui ont été arrachés sous la torture. Cette confession, qu’il a par la suite récusée, est la seule preuve sur laquelle se base sa condamnation. Cette dernière a pourtant été confirmée en appel en 2009. Le 4 décembre 2014, Hai a échappé à la mort in extremis lorsque, sous la pression de l’opinion publique, le président de l’époque Truong Tan Sang a stoppé son exécution la veille de son application.
Début 2015, son dossier a été réexaminé par le comité judiciaire de l’Assemblée nationale, à l’initiative de la députée Le Thi Nga. De nombreux vices de procédures ont alors été mis au jour : le tribunal de première instance et la cour d’appel avaient ignoré les alibis et les preuves disculpant Ho Duy Hai. Les empreintes prélevées sur la scène du crime ne lui appartenaient pas, les témoins reconnaissaient d’autres suspects et les enquêteurs n’avaient obtenu aucune preuve de la présence physique de Hai sur la scène du crime. Des éléments de preuves, notamment l’arme du crime, avaient également été trafiqués. Malgré ces violations du code de procédure pénale, Ho Duy Hai demeurait sous la menace d’une exécution.
Le 30 novembre 2019, la plus haute instance du parquet vietnamien, le Parquet populaire suprême (Supreme People’s Procuracy, SPP) annonçait que le cas de Ho Duy Hai avait “souffert de sérieux vices de procédures ayant affecté la qualité des preuves récoltées” pour l’inculper. Il avait alors demandé à ce que la Cour suprême du Vietnam annule l’ensemble des verdicts précédents, soit la condamnation prononcée en première instance par un tribunal provincial de Long An en 2008, la confirmation en appel en 2009 par la cour d’appel suprême de Ho Chi Minh Ville ainsi que son propre refus de suspendre la peine en 2011.
Communiqué de l’ACAT (Action des Chrétiens pour l’Abolition de la Torture) – 11 mai 2020
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