Au Cambodge, la répression s’accentue contre les défenseurs des droits humains
Selon un rapport d’une ONG, le gouvernement du Premier ministre, Hun Sen, mène des campagnes de harcèlement à l’encontre de tout dissident.
Depuis le mois de mars, l’épidémie du Covid-19 donne des arguments et de nouveaux «outils» au gouvernement cambodgien pour faire taire toute forme d’opposition. La loi sur l’état d’urgence votée en avril et justifiée comme une réponse directe à l’épidémie, réduit à nouveau les libertés civiles des Cambodgiens. Le gouvernement s’est ainsi attribué des pouvoirs étendus qui lui permettent de décréter un état d’urgence avec en prime la possibilité de restreindre les libertés de circulation, d’expression et d’association des Cambodgiens. Selon Hugo Gabbero, responsable de l’Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l’Homme (rattaché à la Fédération internationale pour les droits humains) «les termes de cette loi mal définis donnent au gouvernement le pouvoir de déclarer un état d’urgence dans presque toutes les situations». En attendant, les activistes et autres journalistes continuent de défier le pouvoir en luttant, par exemple, contre la déforestation illégale et la corruption qui l’accompagne.
L’Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l’homme vient de publier un rapport qui détaille un peu plus la répression subie par les militants cambodgiens. Face à la montée de la répression, l’Observatoire a décidé en 2019 de mener une enquête de terrain. «Sur place, on s’est rendu compte d’une surveillance constante des défenseurs des droits humains», raconte Hugo Gabbero.Le rapport de l’Observatoire fait état de nombreuses attaques du gouvernement contre toute forme de dissidence menée par des militants écologistes, des journalistes et des cyberactivistes. La moindre critique envers les agences gouvernementales ou des grandes entreprises du pays expose ces militants à des violences physiques et/ou à de lourdes peines de prison.
Le rapport de l’Observatoire affirme que les actes de harcèlement envers les défenseurs des droits humains ne cessent de se multiplier. Le 13 mars, quatre activistes environnementaux ont été battus par les services de sécurité privée de l’entreprise Think Biotech Co, alors qu’ils enquêtaient sur la déforestation illégale de la forêt protégée Prey Lang, dans l’est du pays. Après avoir été détenus dans l’enceinte de l’entreprise, les militants ont été remis à la police du district avant d’être libérés grâce à une mobilisation populaire.
Les défenseurs des droits humains sont également soumis à une surveillance renforcée sur le Web. Les fournisseurs d’accès internet sont contraints de transmettre les données des utilisateurs au gouvernement. Et les internautes sont poursuivis si d’aventure ils critiquent le gouvernement en ligne. Sous couvert d’une loi relative aux fake news, les critiques des cyberactivistes pourraient être étouffées. Plus de 40 personnes ont déjà été arrêtées depuis le début de l’épidémie de Covid-19 accusées d’avoir propagé sur les réseaux sociaux des «fake news» – en réalité des commentaires sur la gestion de la crise par le gouvernement. Le directeur de l’ONG cambodgienne Licadho, après avoir dénoncé ces arrestations lors d’une interview à la radio, a été menacé le 30 mars, en pleine conférence de presse, par le Premier ministre, Hun Sen, lui-même : «Monsieur Am Sam Ath de Licadho, faites attention à ce que vous dites. […] Je peux vous faire arrêter car vous êtes complices d’actes illicites au Cambodge.»
«Nous attendons une réaction de la nouvelle rapporteuse spéciale des Nations unies sur la situation des défenseurs des droits humains. Il est important pour nous qu’elle puisse se rendre au Cambodge et enquêter sur le terrain de façon impartiale», conclut Hugo Gabbero.
Par Julie Tomiche – Libération – 9 juillet 2020
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