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Cambodge. Un projet de loi répressif relatif à l’ordre public cible les plus vulnérables de la société

Le projet de loi du Cambodge relatif à l’ordre public constitue une attaque contre les droits humains qui cible les personnes les plus vulnérables de la société, a déclaré Amnesty International jeudi 13 août dans une déclaration commune signée par 65 organisations cambodgiennes et internationales de la société civile appelant à l’abandon de ce texte.

Une première proposition de Loi sur le maintien de l’ordre public a été diffusée par le ministère de l’Intérieur en juillet. Elle comporte une multitude de dispositions excessivement larges et arbitraires qui sont contraires au droit international relatif aux droits humains et même à la Constitution cambodgienne.

« Ce projet de loi est une tentative flagrante du gouvernement cambodgien visant à étendre son contrôle arbitraire de la vie quotidienne des citoyens au Cambodge. Le texte est truffé de restrictions franchement ridicules des libertés individuelles, allant de l’interdiction de porter des masques à l’intérieur de certains lieux à celle de parler fort, a déclaré Ming Yu Hah, directrice adjointe du Bureau régional Asie-Pacifique d’Amnesty International.

« Il s’attaque également aux personnes vivant dans la pauvreté, en rendant passibles de poursuites celles qui sont sans domicile et qui mendient. Dans un pays où il n’existe pas de système complet de protection sociale et où les revenus des habitants ont été gravement impactés par la pandémie de COVID-19, ces mesures pourraient laisser encore bien plus de personnes sans moyen de se nourrir et privées de leur droit à un niveau de vie suffisant.

« En outre, certaines dispositions sont discriminatoires envers les personnes souffrant de maladies mentales, fondées sur une vision non scientifique et punitive de la santé mentale. » En effet, un article du projet de loi interdit aux personnes atteintes de « troubles mentaux » de « marcher librement dans des lieux publics ».

En plus d’affecter de manière disproportionnée certaines groupes de population marginalisés, ce texte occasionnerait un recul considérable pour les droits des femmes au Cambodge. Son article 36 interdit par exemple aux femmes de porter des vêtements « trop courts » ou « trop transparents ».

« Ce projet de loi présente une grave menace pour les droits des femmes au Cambodge, en les exposant à un risque accru de subir du harcèlement et des poursuites en raison de leurs choix vestimentaires. Cependant, les femmes cambodgiennes montrent qu’elles n’accepteront pas cette atteinte misogyne et régressive à leurs droits. Elles s’organisent, résistent et se font entendre pour dire clairement qu’elles ne se laisseront pas réduire au silence, a déclaré Ming Yu Hah.

« Réprimander les femmes pour ce qu’elles portent ne fait que renforcer l’idée qu’elles sont responsables des violences sexuelles qu’elles subissent et ainsi consolider la culture d’impunité qui existe déjà en ce qui concerne les violences liées au genre au Cambodge. »

Par ailleurs, le projet de loi requiert l’aval des autorités pour l’« utilisation des espaces publics » et permettrait à celles-ci d’empêcher un événement si l’autorisation n’a pas été demandée. Il confère aux autorités locales le pouvoir de « désigner des agents contractuels pour aider à maintenir l’ordre public » afin de faire respecter ses dispositions.

« Cette loi menacerait gravement le droit à la liberté de réunion pacifique car elle comporte des dispositions contraires aux garanties inscrites dans la législation cambodgienne en la matière, à la Constitution cambodgienne et au droit international relatif aux droits humains, a déclaré Ming Yu Hah.

« Elle renforcerait aussi les pouvoirs des entreprises de sécurité privées déjà connues pour commettre des atteintes aux droits humains et harceler les personnes qui exercent leur droit de réunion pacifique. Ces agents de sécurité qui ont très rarement à répondre de leurs actes pourraient encore plus contrôler les choix des femmes dans l’espace public – ce qui est particulièrement inquiétant au vu de leur rôle présumé dans la mort de Pen Kunthea en 2017, crime pour lequel personne n’a jamais été amené à rendre des comptes. »

Complément d’information

Le projet de Loi sur le maintien de l’ordre public a été publié dans un contexte de répression croissante des libertés fondamentales au Cambodge.

Les autorités cambodgiennes ont déjà utilisé la pandémie de COVID-19 comme prétexte pour instaurer une loi problématique relative à l’état d’urgence, qui confère des pouvoirs illimités aux autorités pour restreindre les droits humains.

Amnesty International – 13 août 2020

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