Aung San Suu Kyi exclue de la « communauté » des lauréats du prix Sakharov des droits de l’homme
La dirigeante birmane est sanctionnée pour « son inaction et son acceptation des crimes en cours contre la communauté rohingya », a annoncé jeudi le Parlement européen.
Le Parlement européen a « formellement » exclu, jeudi 10 septembre, la dirigeante birmane Aung San Suu Kyi de la « communauté » des lauréats du prix Sakharov des droits de l’homme, qui lui avait été décerné en 1990, en raison du sort réservé à la minorité musulmane en Birmanie.
« La décision de la conférence des présidents [qui réunit le président du Parlement européen et les chefs des groupes politiques] d’exclure formellement Aung San Suu Kyi de toutes les activités de la communauté des lauréats du prix Sakharov sanctionne son inaction et son acceptation des crimes en cours contre la communauté rohingya », a déclaré le Parlement dans un communiqué sur cette mesure sans précédent. La « communauté » du prix Sakharov met en relation les eurodéputés, les lauréats et la société civile pour évoquer les violations des droits de l’homme.
La décision du Parlement européen intervient alors que deux ex-militaires birmans ont reconnu avoir commis sur ordre de leurs supérieurs des exactions à l’encontre de Rohingya et pourraient devoir témoigner devant la justice internationale.
Vives critiques
Quelque 750 000 Rohingya ont fui depuis août 2017 les exactions de l’armée birmane et de milices bouddhistes et s’entassent depuis dans d’immenses camps de fortune au Bangladesh voisin. Aung San Suu Kyi – chef de facto du gouvernement birman – a été vivement critiquée pour son silence sur cette répression qualifiée par l’ONU de « nettoyage ethnique ». Les Nations unies ont par ailleurs déploré que la dirigeante n’ait pas utilisé son « autorité morale » dans la crise.
Le prix Sakharov en revanche ne peut pas être retiré à Aung San Suu Kyi, a-t-on fait savoir de source proche du dossier. « Le prix est attribué pour des actions spécifiques (…). On ne peut pas lui retirer ce qu’elle a fait dans le passé », a expliqué cette source. En 1990, le Parlement européen avait décerné le prix Sakharov pour la liberté de l’esprit à Aung San Suu Kyi, alors leader de l’opposition birmane, pour avoir incarné le combat de son pays pour la démocratie.
Créé en 1988, ce prix récompense « une contribution exceptionnelle à la lutte pour les droits de l’homme dans le monde » et a plusieurs fois fait office d’antichambre du prix Nobel de la paix – qu’Aung San Suu Kyi avait elle-même obtenu en 1991. Le Comité Nobel norvégien avait exclu l’an dernier de retirer le Nobel de la paix à Aung San Suu Kyi, ses statuts ne prévoyant pas une telle possibilité.
Le Monde avec Agence France Presse – 10 Septembre 2020
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