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Cambodge : le coronavirus aggrave encore le sort des familles sur-endettées

Vendre ses terres, Roeurn Reth devra peut-être bientôt s’y résoudre. Cette agricultrice de 50 ans du nord du Cambodge est prise au piège d’un surendettement écrasant, incapable de rembourser ses micro-prêts qui se sont accumulés depuis la pandémie de covid-19.

Tout a commencé avec un emprunt de 3.000 dollars pour le mariage de son fils, auxquelles se sont ajoutés 4.000 dollars récemment pour couvrir d’autres besoins.

Ses enfants, partis gagner leur vie en Thaïlande, ne peuvent plus l’aider à rembourser cette dette astronomique pour elle.

« À cause de la Covid, il n’y a plus de travail… et mes fils n’ont pas d’argent », raconte-t-elle en larmes à l’AFP devant sa modeste maison de la province de Siem Reap.

« Maintenant, je ne peux pas payer mes dettes. »

En raison d’un accès limité aux banques traditionnelles, plus de 2,6 millions de Cambodgiens se sont tournés, comme Reth, vers la microfinance.

Des taux de 30% par an

Mais peu réglementée au Cambodge, celle-ci a explosé et favorisé les pratiques prédatrices de la part de certains prêteurs, notamment auprès de villageois peu au fait des questions d’argent.

Ainsi le Cambodge est le pays au monde qui a le plus recours à la microfinance: 3.800 dollars de dette par habitant pour un revenu annuel moyen qui ne dépasse pas 1.700 dollars, selon l’ONG locale Licadho.

Les taux d’intérêt atteignent parfois 30% par an.

« Avec la pandémie de Covid et les inondations dans les zones rurales, les gens ont accumulé les problèmes, avec de plus en plus de difficultés pour faire face aux dettes », explique Am Sam Ath, de Licadho.

Le Cambodge n’a pour le moment enregistré officiellement que 302 cas de Covid-19, mais de nombreux travailleurs migrants installés en Thaïlande sont revenus au pays, lorsque l’activité économique s’est contractée à partir du printemps dernier.

Certains ont pu retrouver un travail, souvent dans la construction, fermant le marché à ceux qui, comme Reth et son mari, ont tenté leur chance à Phnom Penh, avant de revenir dans leur village, jugés trop âgés pour occuper un emploi.

La prochaine fois que ses créanciers lui rendront visite, elle craint qu’ils ne lui prennent sa maison ou la rizière attenante, qu’elle a dû hypothéquer.

« Morte d’inquiétude, tous les jours, j’avale mon riz de manière amère », dit-elle.

Au milieu des rizières, le petit village de Trapeang Veng n’est accessible que par des chemins caillouteux, à 50 kilomètres du célèbre temple d’Angkor Wat.

Les villages se vident petit à petit

Des affiches déchirées annonçant « de l’argent facile » sont collées sur les cocotiers à travers le village, faisant la promotion de prêts faciles pour acheter moto, tracteur ou maison.

Mais le village s’est petit a petit vidé. Certains, étranglés par les dettes, ont tout laissé derrière eux pour éviter de payer.

« Ces maisons sont difficiles à rater », explique le chef du village Dorm Deam, en désignant une bâtisse en béton à la porte d’entrée cadenassée et ornée de bois sculpté. « Depuis la pandémie de coronavirus, la situation s’est aggravée », raconte-t-il à l’AFP.

Aujourd’hui, plus des trois quarts des 113 familles de Trapeang Veng doivent une somme totale d’environ 300.000 dollars.

A l’échelle du pays, une campagne a été engagée par des défenseurs des droits humains pour geler les remboursements et exiger des prêteurs la restitution de titres fonciers sous hypothèque.

Avec quelques résultats. Quelque 270.000 Cambodgiens ont vu leurs prêts restructurés ces derniers mois, selon le directeur de la Banque nationale du Cambodge, Chea Serey.

Seule avec sa petite-fille, dont les parents sont partis travailler en Thaïlande, Penh Tay ne fait pas partie de ceux-là.

Cette éleveuse de 53 ans a une dette cumulée de 20.000 dollars. Le mois dernier, elle n’a pas payé sa mensualité et le prêteur est venu pour saisir son unique vache.

« Je ne sais pas ce qu’ils vont me prendre la prochaine fois » dit-elle, ajoutant que sa voisine a été forcée de vendre.

« J’ai peur de perdre ma maison et de ne plus avoir aucun endroit où vivre ».

Agence France Presse – 15 Novembre 2020

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