Quelle réconciliation pour le comité en charge d’éviter l’escalade de la répression ?
A l’initiative du président du Parlement thaïlandais, Chuan Leekpai, un comité de réconciliation a été crée en 2020 pour trouver une solution à l’actuelle crise politique thaïlandaise.
Il est composé de sénateurs, de députés de la coalition gouvernementale, d’officiers militaires et d’universitaires proches du pouvoir. Assumant leur choix de rester à l’écart de ce comité, aucun député de l’opposition ou représentant du mouvement pro-démocratie n’y figure, alors que sa première réunion est convoquée pour le lundi 18 janvier.
Selon le Bangkok Post, les manifestants pro-démocratie ont déclaré en novembre 2020 qu’ils n’accepteraient ni ne rejoindraient ce comité constitué par la majorité au pouvoir, affirmant que le gouvernement dirigé par le général Prayuth Chan-o-cha demeure un obstacle majeur à la résolution des problèmes politiques, économiques et sociaux du pays.
De même, beaucoup de députés de l’opposition du Pheu Thai et de Move Forward estiment que la sur-représentation pro-Prayuth au sein de ce panel est un obstacle insurmontable pour espérer discuter et a fortiori répondre aux demandes des manifestants. On peut aussi noter que les anciens premiers ministres Anand Panyarachun, Abhisit Vejjajiva et Chavalit Yongchaiyudh avaient laissé entendre qu’ils pourraient être prêts à rejoindre le comité mais, à ce jour, ils ne l’ont toujours pas fait.
Malgré les efforts du vétéran de la politique siamoise Chuan Leekpai, qui a connu les crises thaïlandaises de ces trois dernières décennies et qui a pris l’attache de l’Institut du roi Prajadhipok pour former ce comité, on ne voit pas comment ses travaux pourraient amener une réconciliation réelle et effective. Le président du Parlement espérait que toutes les parties s’engagent dans un dialogue pour trouver une solution à la tension politique de 2020, alors que les demandes répétées des manifestants pro-démocratie pour une réforme politique et monarchique étaient accueillies avec violence par les forces de police et les groupes ultra-royalistes.
L’impossible réconciliation à cause de l’article 112 ?
La principale réponse obtenue par les étudiants à leurs demandes de réformes, y compris leurs revendications sur l’évolution de la monarchie – a été le recours de plus en plus fréquent à la législation sur le crime de lèse-majesté. En deux mois, plus de quarante manifestants, dont deux mineurs, se sont vus opposés l’article 112 du code pénal thaïlandais pour avoir « insulté ou diffamé la monarchie ». Avec de longues peines de prison qui se profilent.
En terme d’approche de dialogue entre les parties, selon les vœux de Chuan Leekpai, force est de constater qu’il est difficile de faire pire . Comment un dialogue de réconciliation est-il envisageable dans ces conditions ?
La seule porte entrouverte qui permettrait au comité d’initier une probabilité infime de sortie de crise serait de proposer une réécriture de la constitution préparée par les militaires et votée par référendum en août 2017 alors que le pays était gouverné par la junte.
Cette constitution, la vingtième depuis 1932, marquait un très net recul démocratique, surtout par rapport à celle de 1997 souvent appelée « la Constitution du peuple » ou encore vis-à-vis de celle de 2007. En s’arrogeant de facto 250 sièges de sénateurs cooptés, le système politique représentatif thaïlandais s’est retrouvé verrouillé. Ayant reçu mandat par le Parlement pour réexaminer la loi fondamentale conçue pour ménager le pouvoir de l’armée, le comité de réconciliation serait inspiré de vite montrer des signes d’ouverture. Sans geste politique significatif d’une amélioration démocratique, ce comité sera mort-né.
Par Philippe Bergues – Gavroche-thailande.com – 18 janvier 2021
Articles similaires / Related posts:
- Rung, l’étudiante qui a brisé le tabou de la monarchie en Thaïlande Elle a 22 ans et a été arrêtée jeudi pour avoir osé se confronter au plus grand tabou de la Thaïlande, la monarchie, clé de voûte d’un système militaro-politique qu’une partie de la jeunesse, en mal de démocratie, rejette dans la rue depuis plusieurs mois....
- Comme en 2010, les royalistes thaïlandais mobilisés au nom de la «stabilité» L’activisme de la jeunesse qui a encore manifesté samedi dans plusieurs endroits de Bangkok inquiète une grande partie de l’élite, mais aussi de la population. Le fait de remettre en cause la monarchie, et d’exiger de la transparence de la part du roi, reste considéré par beaucoup de thaïlandais comme un crime de lèse majesté en soi. Pourquoi ? Essayons de comprendre avant de juger…...
- Un roi aimé par la population, ce que veut montrer le palais La sortie publique vendredi soir du Roi Rama X et de son épouse la Reine Suthida a clairement pour but de montrer à la population que la révolte de la jeunesse n’est pas soutenue par la majorité du pays et que l’institution, et la personne du souverain, restent respectés dans le royaume....
- En Thaïlande, le crime de “lèse-majesté” menace les opposants Restaurée en novembre 2020, une loi menace de quinze ans d’emprisonnement toute diffamation du roi. Des opposants au gouvernement en font les frais....
- Au parlement Thaïlandais, le renforcement de la loi sur le crime de lèse majesté sera débattu Le parti royaliste Thai Pakdee a reçu le feu vert pour recueillir des signatures en vue de modifier la loi sur la lèse-majesté, ce qui pourrait entraîner des poursuites judiciaires contre un plus grand nombre de personnes ayant insulté la monarchie thaïlandaise....