Birmanie : nouvelles manifestations contre le coup d’Etat, l’ONU prend contact avec l’armée putschiste
Les Nations unies réclament de mettre un terme au coup d’Etat, ainsi que la libération des personnes détenues, alors que le pays, en pleine contestation, connaît des coupures du réseau Internet.
La contestation s’amplifie en Birmanie face à une situation qui semble s’aggraver depuis le coup d’Etat qui a renversé le gouvernement d’Aung San Suu Kyi. Aux cris d’« à bas la dictature militaire », près d’un millier de personnes manifestaient, samedi 6 février, à Rangoun, plus gros rassemblement depuis le coup de force de l’armée. Mobilisés au cœur de la capitale économique du pays, les contestataires agitent des drapeaux rouges aux couleurs de la Ligue nationale pour la démocratie (LND), le parti de l’ex-dirigeante de 75 ans, arrêtée lundi.
En outre, la Birmanie connaît des « coupures d’Internet » dans l’ensemble du pays, a indiqué l’ONG de surveillance d’Internet NetBlocks. Ces importantes perturbations « ont commencé vers 10 heures » heure locale (4 h 30 heure français), a fait savoir l’organisation. Ces coupures ont une amplitude similaire à celles qui avaient été constatées au moment du putsch de lundi, a précisé un observateur.
L’accès à Twitter et Instagram avait déjà été restreint vendredi soir pour tenter de faire taire la contestation qui émerge dans le pays, surtout sur les réseaux sociaux où les hashtags #WeNeedDemocracy (« Nous avons besoin de la démocratie »), #HeartheVoiceOfMyanmar (« Entendez la voix de la Birmanie »), #FreedomFromFear (« Libérons-nous de la peur ») ont été utilisés des millions de fois.
L’armée avait ordonné, deux jours plus tôt, d’empêcher l’accès à Facebook, principal outil de communication pour des millions de Birmans. Ces réseaux servent à « provoquer des malentendus chez le public », a justifié le ministère des transports et des communications. Pour tenter d’échapper à la censure, des Birmans se tournent vers des VPN, outils virtuels qui permettent de contourner toute restriction géographique.
Premier contact de l’ONU
Les événements sont au cœur de l’agenda international. Christine Schraner Burgener, envoyée spéciale des Nations unies (ONU) pour la Birmanie, a eu un premier contact avec les militaires.
Elle a « clairement exprimé notre position » : mettre un terme au coup d’Etat et libérer les personnes détenues, a indiqué, vendredi à la presse, le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres. Mais le Conseil de sécurité n’a pas formellement condamné le putsch dans sa déclaration commune, Chinois et Russes s’opposant à une telle prise de position.
La Chine reste le principal soutien de la Birmanie aux Nations unies, où elle a contrecarré toute initiative contre l’armée au moment de la crise des musulmans rohingyas. Une réunion en ligne s’est aussi tenue vendredi entre les autorités birmanes et plusieurs diplomates et ambassades étrangères, selon le journal Global New Light of Myanmar, détenu par l’Etat.
« Le gouvernement comprend les préoccupations de la communauté internationale sur la poursuite du processus de transition démocratique » du pays, a déclaré le ministre de la coopération internationale, Ko Ko Hlaing, lors de cette réunion, selon le journal. L’Union européenne et les Etats-Unis font planer la menace de sanctions depuis les premières heures du coup d’Etat.
« Chasser les démons »
Ecrivains, moines, étudiants, activistes, députés, responsables locaux : l’armée a multiplié les arrestations. Win Htein, proche d’Aung San Suu Kyi, qui a passé plus de vingt ans en détention sous la junte, de 1989 à 2010, a été arrêté vendredi.
Malgré la peur des représailles, dans un pays habitué aux répressions sanglantes comme en 1988 et 2007, des centaines d’enseignants et d’étudiants avaient déjà manifesté vendredi à Rangoun. A la tombée de la nuit, des habitants de la capitale économique ont, une fois de plus, klaxonné et tapé sur des casseroles pour « chasser les démons », les militaires.
Une vingtaine de personnes qui avaient ainsi manifesté leur mécontentement la veille ont été condamnées à sept jours de détention. Quatre étudiants ont été inculpés pour avoir manifesté.
Le chef de l’armée, Min Aung Hlaing, qui concentre désormais l’essentiel des pouvoirs, a expliqué son passage en force en alléguant qu’il y avait eu d’« énormes » fraudes aux législatives de novembre, massivement remportées par la LND. En réalité, les généraux craignaient de voir leur influence diminuer après la victoire de la LND, qui aurait pu vouloir modifier la Constitution, très favorable aux militaires, estiment des analystes.
Min Aung Hlaing, paria à l’international depuis les exactions de l’armée contre les Rohingyas et proche de la retraite, a aussi renversé Aung San Suu Kyi, adulée dans son pays, par ambition politique, d’après ces experts. Cette dernière a été inculpée pour avoir enfreint une obscure règle commerciale et se trouve « assignée à résidence » dans la capitale Naypyidaw, « en bonne santé », d’après un porte-parole de la LND. Les militaires ont instauré l’état d’urgence pour un an et promis des élections à l’issue de cette période.
Le Monde avec Agence France Presse – 6 février 2021
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