Vers une nouvelle année de répression au Vietnam ?
Des dizaines de défenseurs des droits humains se trouveraient derrière les barreaux, selon les ONG. La France et son président, Emmanuel Macron, ne peuvent rester silencieux.
Ce 12 février, jour du Têt (nouvel an lunaire) une nouvelle année s’ouvre au Vietnam. Encore une année de répression ? C’est à craindre, au vu de la situation dramatique des défenseur⋅e⋅s des droits humains dans le pays. On en parle peu : le Vietnam est aujourd’hui le pays d’Asie de l’Est et du Sud-Est qui criminalise le plus sévèrement les activités menées par les défenseur⋅e⋅s des droits humains. 150 à 250 d’entre eux se trouveraient actuellement derrière les barreaux, selon les ONG. Depuis quelques années, la répression à leur encontre s’est amplifiée, avec une accélération des arrestations et condamnations lourdes. Et 2021 s’annonce comme une année noire, avec la condamnation le 5 janvier de trois journalistes indépendants à des peines allant de onze à quinze ans de prison. Le 20 janvier, la défenseure de l’environnement et des droits fonciers Dinh Thi Thu Thuy a, elle, été condamnée à sept ans de prison pour le même chef d’inculpation. L’activiste pro-démocratie Le Dinh Luong endure quant à lui la peine la plus longue jamais prononcée au Vietnam à l’égard d’un défenseur des droits : vingt ans de réclusion.
Des pratiques tortionnaires
Dans ce pays dirigé depuis quarante-cinq ans par un régime autoritaire à parti unique, où la liberté de la presse est inexistante et la justice contrôlée par l’exécutif, les défenseur⋅e⋅s des droits humains sont les dernières voix à continuer de lutter pour que les citoyen⋅ne⋅s puissent exercer leurs droits garantis par la Constitution du Vietnam et par les conventions internationales. Or, les autorités vietnamiennes assimilent ces défenseurs à des ennemis de l’Etat. Ils sont intimidés, réprimés, violentés, arrêtés. Une fois derrière les barreaux, les défenseur⋅e⋅s sont détenu⋅e⋅s à l’isolement, souvent au secret, durant la période d’enquête et d’interrogation, qui peut durer de nombreux mois, en violation de tous les standards internationaux établis en la matière. Cette détention au secret facilite et perpétue des pratiques tortionnaires.
La France ne peut rester silencieuse face à cette situation, elle qui a fait du soutien aux défenseur⋅e⋅s des droits humains à travers le monde l’un des axes prioritaires de sa candidature au Conseil des droits de l’homme des Nations unies. Notre organisation, l’Acat (Action des chrétiens pour l’abolition de la torture), engagée depuis des années auprès des défenseur⋅e⋅s vietnamien⋅ne⋅s, reconnaît le rôle positif du réseau diplomatique français à leurs côtés – une priorité de l’action extérieure française. Mais force est de constater que cela ne suffit pas. L’engagement de la France doit également résonner du niveau le plus élevé de son exécutif : sa présidence.
L’engagement présidentiel
C’est la raison pour laquelle l’Acat, accompagnée de plus de 10 500 citoyen·ne·s qui se sont mobilisé·e·s en adressant à Emmanuel Macron une pétition, interpelle le président de la République et lui demande d’agir en réaffirmant la primauté que doit avoir le respect des droits humains dans le cadre de la mise en œuvre d’un Etat de droit au Vietnam, en particulier les droits garantis par le Pacte international relatif aux droits civils et politiques et la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Elle l’exhorte aussi à intervenir auprès de son homologue vietnamien M. Nguyen Phu Trong au sujet de l’augmentation des violations commises à l’encontre des défenseurs des droits humains au Vietnam. Elle lui demande de porter une attention particulière aux situations des défenseurs Nguyen Trung Ton et Le Dinh Luong, condamnés à des peines de douze et vingt ans de prison et dont la santé se dégrade.
C’est ainsi, seulement, que la France pourra honorer pleinement sa «diplomatie humaniste» et tenir la promesse faite aux défenseur⋅e⋅s des droits humains : celle qui dit que «la France sera toujours en première ligne à leurs côtés», comme «le président de la République en a pris l’engagement».
Par Bernadette Forhan – Libération – 12 février 2021
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