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A Phnom Penh, le béton asphyxie le fleuve Mékong

Au sud de la capitale du Cambodge, deux méga projets immobiliers réduisent d’un tiers la largeur du fleuve. Les conséquences pour l’environnement s’annoncent dramatiques.

Depuis la petite terrasse en bambou de son restaurant, sur les berges au sud-est de la capitale du Cambodge, Pot Penh ne voit qu’elle : l’île artificielle de Koh Norea, gigantesque dune de sable posée au milieu du Mékong, sur laquelle s’affairent grues et bulldozers.  « Avant, on voyait la rivière, et même la forêt sur l’autre rive, se désole la restauratrice de 68 ans. Les clients venaient profiter du calme et de la vue. Depuis le début des travaux l’an dernier, il n’y a plus de rivière… ni de clients. « 

Les 100 ha de Koh Norea en font un projet immobilier hors norme. Il est développé par le conglomérat cambodgien OCIC, proche du pouvoir et déjà à l’origine, il y a dix ans, de l’île artificielle voisine de Koh Pich. À grand renfort de remblais de sable dragué à proximité, la nouvelle île accueillera des tours de verre, des ports de plaisance et plusieurs centres commerciaux.  Tout ça ne répond pas aux besoins des habitants. Ce n’est que pour les riches ! », ​lance Pot Penh, amère.

En vingt-cinq ans, la population de Phnom Penh a triplé pour s’établir à 2,5 millions d’habitants. Les projets immobiliers foisonnent, mais beaucoup ne sont pas destinés aux plus défavorisés, encore nombreux dans ce pays en développement.

Avec leur vue dégagée, les rives du Mékong sont prisées des investisseurs. Face à Koh Norea, sur la rive opposée, des barges déversent aussi leur cargaison de sable dans un flux continu. Peu à peu, elles remblaient soixante-dix ha de zone humide pour y installer une ville satellite à destination, là encore, des plus aisés.

Grignoté par ces deux projets, le Mékong a perdu un tiers de sa largeur à cet endroit.  Ce rétrécissement aura des implications sur les courants et l’érosion des berges, notamment en aval, dans le delta   prévient Marc Goichot, spécialiste du Mékong au sein du WWF. Des études d’impact environnemental ont été réalisées par les promoteurs, mais la loi n’impose pas de les rendre publiques…

Les quantités de sable utilisées pour ces projets inquiètent particulièrement Marc Goichot :  Remblayer rien qu’un hectare sur une épaisseur de deux mètres nécessite deux millions de tonnes de sable. Selon nos calculs,  c’est la moitié de la production annuelle de sable par le Mékong, estimée entre trois et cinq millions de tonnes. »

Sur place, les effets se font déjà sentir, notamment pour les communautés de pêcheurs vivant sur les berges.  Avant, il y avait de la place pour pêcher et la zone était très poissonneuse​, se souvient Kao Pou Somak, un pêcheur de 36 ans. Mais depuis qu’ils ont commencé à remblayer les rives, mes prises ont été divisées par deux. 

Par François Camps – Ouest France – 24 février 2021

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