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“Em”, traces d’un Vietnam déchiré

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Kim Thuy a quitté le Vietnam en 1975. Ce qu’elle nous en raconte dans ce livre d’apparence modeste est pourtant d’une justesse et d’une force rares.

Le sort funeste infligé au Vietnam est-il vraiment sorti de nos mémoires ? Depuis les mauvais traitements des colons d’Indochine envers les travailleurs locaux, considérés comme des esclaves, jusqu’aux ravages provoqués par les guerres menées par la France, puis par les États-Unis, au nom d’une vaine lutte contre la menace communiste, en Asie.

Une ronde, d’un personnage à un autre

Cet oubli, Kim Thuy, qui vit maintenant au Québec, ne veut pas l’accepter. Et bien que convaincue que « jamais (son) imagination n’arriverait à concevoir toute la réalité », elle a choisi la fiction pour combler les lacunes de notre mémoire collective.

Si les horreurs systémiques de la guerre ne font aucun doute à ses yeux, elle prend soin cependant d’éviter toute forme de manichéisme. C’est ce qui frappe d’abord à la lecture de ce texte bouleversant. Plus qu’un roman, à proprement parler, il adopte la forme d’une ronde, passant d’un personnage à l’autre, d’une séquence de vie à une autre, avec des chapitres délibérément brefs, excédents rarement la double page.

Une émotion, une trace

Tout commence par l’improbable histoire d’amour entre Alexandre, menant la vie dure aux six milles coolies vietnamiens de son exploitation de caoutchouc, et la jeune Mai, qui aurait pu n’être qu’une parmi ces ouvriers en haillons. Mais « elle savait que les élans du cœur peuvent aveugler plus que ne le ferait le soleil de midi, sans préavis ni logique ». Plus loin, il est question de ce pilote d’hélicoptère qui sauve une jeune fille écrasée sous un tas de cadavres massacrés par ses compatriotes en armes, à My Mai. Plus loin encore, c’est un gamin des rues qui s’invente une nouvelle vie en Amérique.

Ils ont vécu le pire mais jamais désespéré du meilleur

Ces personnages et bien d’autres disparaissant presque aussi vite qu’ils sont apparus, mais nous apportent tous une émotion et une trace, comme un souvenir qu’on voudrait ne pas laisser s’effacer. Kim Thuy nous les présente, sans artifice formel, mais avec une touchante simplicité, de telle manière qu’on a envie de leur tendre la main, bien qu’elle nous les fasse vite perdre de vue. Leur constante, c’est probablement qu’ils ont vécu le pire, mais qu’ils n’ont jamais désespéré du meilleur. C’est ce souffle de rédemption que l’on retient finalement de ce livre magnifique qui n’est petit que par le format.

Em , de Kim Thuy. Éditions Liana Levi. 15 €.

Par Stéphane Bugat – Le progrès – 11 mars 2021

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